L’OGRESSE DE LA GOUTTE-D’OR DECLARÉE NON COUPABLE ! 📆 29 janvier 1906

Le 29 janvier 1906, le procĂšs de Jeanne Weber s’ouvre aux assises de la Seine. Elle est accusĂ©e de huit meurtres, dont ceux de ses trois enfants. L’affaire suscite une grande attention mĂ©diatique, avec des femmes massĂ©es devant les grilles du Palais de Justice rĂ©clamant sa condamnation Ă  mort.

Jeanne Moulinet naĂźt le 7 octobre 1874 Ă  KĂ©rity, aujourd’hui quartier de Paimpol dans les CĂŽtes-d’Armor, en Bretagne. Fille d’un pĂȘcheur et d’une fermiĂšre, elle grandit dans un petit village de pĂȘcheurs. À l’Ăąge de 14 ans, elle quitte la maison familiale pour Paris, oĂč elle exerce divers petits boulots comme domestique. Cette jeune femme bretonne mĂšne une vie modeste dans la capitale jusqu’Ă  son mariage en 1893 avec Jean Weber, un camionneur rĂ©putĂ© pour son alcoolisme.

Les enfants de Jeanne Weber meurent dans des circonstances suspectes. Son premier fils, Marcel Jean, dĂ©cĂšde Ă  trois mois pour des raisons inconnues. Sa fille Juliette meurt d’une pneumonie aiguĂ«. Son fils Marcel Charles dĂ©cĂšde le 29 mars 1905 d’une « affection de la gorge ayant entraĂźnĂ© une gĂȘne respiratoire » aprĂšs un coma. Parmi les enfants de ses proches, Georgette Weber, ĂągĂ©e de dix-huit mois, meurt le 2 mars 1905. Suzanne Weber, ĂągĂ©e de 3 ans, dĂ©cĂšde le 11 mars 1905. Germaine Weber, fille de sept mois, meurt le 25 mars 1905. Maurice Weber, ĂągĂ© de onze mois, survit Ă  une tentative d’Ă©tranglement le 7 avril 1905.

Jeanne Weber est arrĂȘtĂ©e suite Ă  une plainte dĂ©posĂ©e par sa famille aprĂšs la tentative d’Ă©tranglement sur Maurice Weber. Lors de son procĂšs, son avocat, MaĂźtre Henri-Robert, parvient Ă  dĂ©molir le dossier d’accusation. Les experts mĂ©dicaux, dont le Dr Jules Socquet et le professeur LĂ©on Thoinot, concluent Ă  des morts naturelles, ce qui joue un rĂŽle crucial dans le dĂ©roulement du procĂšs. MalgrĂ© la gravitĂ© des accusations, Jeanne Weber est acquittĂ©e le 6 fĂ©vrier 1906.

AprĂšs son acquittement, Jeanne Weber bĂ©nĂ©ficie d’une campagne de rĂ©habilitation dans la presse. Elle est prĂ©sentĂ©e comme une victime et suscite une vague de sympathie dans l’opinion publique. Elle trouve un emploi comme nourrice Ă  Fontgombault, puis est embauchĂ©e Ă  la maison d’enfants de Caillouet-Orgeville dans l’Eure par Georges Bonjean, fondateur de la SociĂ©tĂ© gĂ©nĂ©rale de protection pour l’enfance abandonnĂ©e ou coupable, qui est convaincu de son innocence. Cependant, elle est renvoyĂ©e en raison de son alcoolisme.

En 1907, Jeanne Weber, sous le nom de Jeanne Glaize, s’installe chez un cultivateur veuf dans l’Indre et s’occupe de ses trois enfants. Le 17 avril 1907, le plus jeune enfant meurt. Le cultivateur, connaissant sa vĂ©ritable identitĂ©, se confie Ă  ses filles, et l’une d’elles alerte la police. MalgrĂ© les soupçons, Jeanne Weber obtient un non-lieu en dĂ©cembre 1907.

Elle retourne Ă  Paris sous un faux nom, erre dans les rues, et se livre plusieurs fois Ă  la police en avouant ses crimes passĂ©s. Elle est successivement envoyĂ©e Ă  la prison pour femmes de Saint-Lazare, dans un asile, puis Ă  l’asile de Nanterre, mais est Ă  chaque fois libĂ©rĂ©e. Le 5 mars 1908, Jeanne Weber se livre une nouvelle fois Ă  la police, puis est remise encore une fois au juge Leydet. Elle rĂ©tracte ses aveux et est de nouveau libĂ©rĂ©e.

Le 9 mai 1908, Ă  Commercy, Jeanne Weber est prise en flagrant dĂ©lit d’assassinat. Elle est dĂ©couverte assise Ă  cĂŽtĂ© du cadavre de Marcel Poirot, un enfant de six ans qu’elle gardait dans une auberge tenue par la famille Poirot. L’enfant a Ă©tĂ© Ă©tranglĂ© avec des mouchoirs mouillĂ©s et sa langue a Ă©tĂ© arrachĂ©e avec les dents. Cette fois, Jeanne Weber ne peut plus nier son identitĂ© ni ses actes.

Cette fois, Jeanne Weber n’Ă©chappe pas Ă  la justice. Elle est jugĂ©e en juin 1908 par la Cour d’assises de la Meuse. Lors de son procĂšs, elle fait face Ă  une foule hostile qui crie « À mort l’ogresse ! » et n’est protĂ©gĂ©e que par la prĂ©sence des gendarmes. Les mĂ©decins qui l’avaient auparavant jugĂ©e innocente la dĂ©clarent maintenant « érotomane et hystĂ©rique ».

Finalement dĂ©clarĂ©e irresponsable sur le plan pĂ©nal, Jeanne Weber est internĂ©e. Elle meurt le 5 juillet 1918 Ă  l’Ăąge de 43 ans Ă  l’asile de Fains-VĂ©el dans la Meuse, des suites d’une nĂ©phrite.


Illustration: Une du supplĂ©ment illustrĂ© du Petit Journal, 12 mai 1907. – WikipĂ©dia

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