DÉCÈS DE RENÉ COUSINIER DIT RENÉ « LA BRANLETTE » 📆 19 avril 2007

René Cousinier, plus connu sous le surnom de « René la branlette », s’éteint le 19 avril 2007 à l’âge de 83 ans, laissant derrière lui une empreinte indélébile sur la scène du cabaret parisien et le cœur de ceux qui ont partagé ses nuits de rire et d’irrévérence. Son décès marque la fin d’une époque, celle d’un Paris nocturne où l’on osait tout, où l’on riait de tout, et où l’on se retrouvait, serrés sur des bancs, pour écouter un homme capable de faire tomber toutes les barrières.

Avant de devenir cette figure incontournable du Montmartre des années 60 à 2000, René Cousinier connaît une jeunesse marquée par la diversité et la curiosité. Fils d’une mère pied-noir d’Algérie et d’un père originaire de Bouzigues, il grandit entre Marseille, Aix-en-Provence et Paris. Il poursuit des études de médecine et de biologie, fréquente les laboratoires, joue du piano dans les bars pour arrondir ses fins de mois et fait de la figuration dans des films comme « Si Versailles m’était conté » de Sacha Guitry ou « Les Amants de Montparnasse ». Cette jeunesse éclectique nourrit son regard sur le monde et façonne un humour à la fois érudit, populaire et profondément humain.

C’est en 1959 qu’il ouvre son cabaret, « Aux Z’Enfants de la Bohème », au 4 impasse Marie-Blanche. Le lieu ne paie pas de mine : pas d’enseigne, une porte métallique, une salle minuscule où le public s’installe « bite à cul ou clitoris à cul » avec le voisin, comme il aime à le rappeler dans ses formules crues et drôles. L’ambiance est unique, presque clandestine, et les nouveaux venus sont vite rassurés par les habitués, ravis de partager ce secret bien gardé. Ici, on ne paie pas l’entrée mais la consommation, et le spectacle commence dès l’arrivée, dans une promiscuité joyeuse qui fait partie du charme du lieu.

Sur scène, René Cousinier enchaîne les histoires drôles, les digressions philosophiques, les satires sociales et les blagues salaces, toujours avec le bon mot au bon moment. Son humour est sans tabou : il parle de tout, de la guerre des Six Jours à la contraception, des religions aux embarras gastriques, et n’hésite pas à taquiner les spectateurs qui n’adhèrent pas à son esprit. Ses blagues, souvent grivoises, parfois franchement osées, font sa réputation. Il n’est pas rare qu’il fasse monter un spectateur sur la table pour un gag mémorable, hérité d’une anecdote de ses débuts avec une amie prostituée, à l’origine de son fameux surnom.

En effet, le surnom « René la branlette » naît d’une histoire restée célèbre dans les coulisses du cabaret. Au début de sa carrière, une amie prostituée lui raconte qu’elle sait « faire jouir » un client très rapidement, ce qui amuse René. Un soir, elle propose de reproduire la scène dans son cabaret : un spectateur est invité à monter sur la table, et la complice s’occupe de lui devant tout le public, déclenchant l’hilarité générale. Ce gag, à la fois osé et bon enfant, devient un classique du lieu et colle à la peau de René, qui assume ce surnom avec autodérision et en fait un emblème de sa liberté de ton et de son humour sans limite.

Le cabaret devient vite un rendez-vous incontournable pour les artistes et les personnalités du Tout-Paris. Jacques Brel, Gilbert Bécaud, Michel Simon, Brassens, Boris Vian, Raymond Devos, Serge Gainsbourg, et même Salvador Dalí viennent régulièrement assister à ses spectacles ou partager la scène avec lui. Les humoristes, célèbres ou débutants, viennent prendre des notes, fascinés par sa capacité à improviser, à renouveler son répertoire chaque soir, et à créer une atmosphère à la fois subversive et chaleureuse.

René Cousinier incarne l’esprit du Paris d’après-guerre : libre, frondeur, érudit et populaire. Après le spectacle, il aime rester discuter avec le public, prolongeant cette ambiance de famille et de connivence. Ceux qui l’ont vu se souviennent d’un homme profondément humain, tolérant, sans prétention, et d’un cabaret où l’on venait autant pour le spectacle que pour l’expérience collective. Aujourd’hui encore, son souvenir réchauffe ceux qui ont eu la chance de croiser sa route et de rire, sans retenue, à ses côtés.


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