Le 29 avril 1899, un événement révolutionne l’histoire de l’automobile : La Jamais Contente, une voiture électrique conçue et pilotée par l’ingénieur belge Camille Jenatzy, dépasse pour la première fois la barre symbolique des 100 km/h. Sur une route d’Achères, en région parisienne, ce bolide en forme de torpille atteint la vitesse record de 105,88 km/h, marquant un tournant dans la course à la vitesse et démontrant le potentiel des véhicules électriques face aux moteurs thermiques naissants.
La Jamais Contente se distingue par une conception avant-gardiste. Sa carrosserie est réalisée en partinium, un alliage léger d’aluminium, tungstène et magnésium, qui lui confère un profil aérodynamique très étudié. Elle est équipée de deux moteurs électriques Postel-Vinay développant ensemble 68 chevaux, alimentés par des batteries Fulmen qui représentent près de la moitié de son poids total de 1 450 kg. Cette motorisation électrique offre une puissance instantanée idéale pour les records de vitesse, bien que la recharge reste longue et l’autonomie limitée. La direction, innovante, se fait par manette, et les roues sont toutes de taille égale, chaussées de pneus Michelin, une première à l’époque.
Le choix du nom « La Jamais Contente » reste une énigme teintée d’humour et de caractère. Plusieurs hypothèses circulent : certains l’attribuent au tempérament exigeant de l’épouse de Camille Jenatzy, d’autres au perfectionnisme obsessionnel de l’ingénieur lui-même. Une autre explication, moins documentée, évoque la propension du véhicule à tomber en panne lors des essais. Quoi qu’il en soit, ce nom incarne la quête insatiable de vitesse et d’innovation qui anime Jenatzy.
Après avoir battu ce record historique, La Jamais Contente devient une pièce de musée majeure. Elle est exposée depuis 1933 au Musée de la voiture de Compiègne, où elle symbolise les premiers exploits de l’électrique. Une réplique fonctionnelle a même été réalisée en 1993 par des étudiants de l’Université de Technologie de Compiègne, perpétuant ainsi la mémoire de ce jalon technologique.
Camille Jenatzy, surnommé « Le Diable Rouge » pour sa barbe rousse flamboyante et son audace, est un ingénieur et pilote belge passionné. Né en 1868 à Schaerbeek, il s’intéresse très tôt à la traction électrique. Avant La Jamais Contente, il développe des fiacres électriques à Paris. Son exploit en 1899 fait de lui l’homme le plus rapide de son temps. Il poursuit ensuite sa carrière avec des voitures à moteur thermique, remportant notamment la Coupe Gordon Bennett en 1903. Tragiquement, il meurt en 1913 dans un accident de chasse, laissant un héritage de pionnier visionnaire.
Malgré les succès initiaux des véhicules électriques comme La Jamais Contente, ces derniers ne s’imposent pas durablement face aux voitures thermiques. Les batteries lourdes, l’autonomie limitée et les temps de recharge longs freinent leur développement. Parallèlement, la production de masse de voitures à essence, notamment grâce à la Ford T, rend ces dernières plus accessibles et pratiques. L’essor du réseau routier et la disponibilité croissante de carburant favorisent également le moteur thermique, qui devient la norme au XXᵉ siècle.
La Jamais Contente reste aujourd’hui un symbole éclatant de l’innovation et de la vitesse, une légende qui rappelle que, dès les débuts de l’automobile, l’électricité a su rivaliser avec les moteurs à explosion. Elle incarne la détermination de Camille Jenatzy et l’audace d’une époque où tout semblait possible.
Photo: La « Jamais Contente » de Jenatzy sur la ligne droite d’Achères en 1899. – Wikipédia