Affaire Roscoe Arbuckle et Virginia Rappe

LE SCANDALE QUI A CHANGÉ HOLLYWOOD 📆 5 septembre 1921

ConsidĂ©rĂ© comme le premier grand scandale hollywoodien, l’affaire Roscoe Arbuckle Ă©clate le 5 septembre 1921 lors d’une fĂȘte organisĂ©e par l’acteur et rĂ©alisateur Roscoe « Fatty » Arbuckle Ă  San Francisco. L’actrice Virginia Rappe y est prise de violentes douleurs abdominales et dĂ©cĂšde quatre jours plus tard d’une pĂ©ritonite. Arbuckle est alors accusĂ© de viol et d’homicide, dĂ©clenchant une campagne de presse sans prĂ©cĂ©dent. MalgrĂ© son acquittement en avril 1922, sa carriĂšre est dĂ©finitivement brisĂ©e et l’industrie du cinĂ©ma le bannit.

Cette affaire joue un rĂŽle crucial dans la crĂ©ation et l’adoption du code Hays. Elle met en lumiĂšre la nĂ©cessitĂ© de rĂ©guler l’industrie cinĂ©matographique et conduit Ă  la crĂ©ation de la Motion Picture Producers and Distributors of America (MPPDA) en 1922. William Hays, qui donne son nom au code, prend position aux cĂŽtĂ©s des partisans de l’ordre et de la moralitĂ© lors de l’affaire Arbuckle. Le code Hays, officiellement appelĂ© Motion Picture Production Code, est Ă©tabli en mars 1930, visant Ă  rĂ©guler le contenu de la production des films. AppliquĂ© de façon stricte de 1934 Ă  1952 puis de moins en moins rigoriste jusqu’en 1966, il contient de nombreuses interdictions visant Ă  moraliser le contenu des films hollywoodiens et stipulant que « la sympathie du spectateur ne doit jamais aller du cĂŽtĂ© du crime, des mĂ©faits, du mal ou du pĂ©ché ».

Le Code Hays : l’ùre de la vertu imposĂ©e

Le cinĂ©ma amĂ©ricain ne tarde pas Ă  se doter de rĂšgles morales pour se protĂ©ger des scandales et Ă©viter la censure. DĂšs les annĂ©es 1930, alors que la sociĂ©tĂ© s’inquiĂšte de l’impact du grand Ă©cran sur la morale, l’industrie hollywoodienne choisit de s’autorĂ©guler avec le fameux Code Hays, du nom de William Hays, prĂ©sident de la Motion Pictures Producers and Distributors Association. Ce code, mis en place pour reprendre la main face Ă  l’influence des groupes puritains et Ă  la menace d’une censure gouvernementale, marque un tournant fondateur de l’histoire du cinĂ©ma amĂ©ricain.

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Le Code Hays ?

Le Code Hays, officiellement nommĂ© « Motion Picture Production Code », rĂ©git dĂšs 1930 — et de maniĂšre stricte Ă  partir de 1934 — tout ce qui peut ĂȘtre montrĂ© au cinĂ©ma. Les films doivent exclure le sexe, le blasphĂšme, l’homosexualitĂ©, la violence graphique, la drogue ou encore les relations interraciales. On impose que le crime ne reste jamais impuni et que la loi ne soit jamais ridiculisĂ©e. La morale, la dĂ©cence et l’ordre social priment : chaque Ɠuvre doit promouvoir de “bons exemples de vie” et Ă©viter la sympathie pour le mal ou le pĂ©chĂ©.

Hollywood s’y astreint de son plein grĂ© par stratĂ©gie : sans cela, le gouvernement fĂ©dĂ©ral menace d’imposer une censure officielle encore plus stricte. À l’époque, la Cour suprĂȘme considĂšre que les films ne sont pas protĂ©gĂ©s par la libertĂ© d’expression, ce qui rend la menace crĂ©dible. En agissant en amont et en instaurant le Code Hays, les studios espĂšrent ainsi garder le contrĂŽle sur leur propre contenu et protĂ©ger leur Ă©conomie.

Entre frustration et créativité à Hollywood

À l’époque, beaucoup de rĂ©alisateurs et d’acteurs vivent ces rĂšgles comme une entrave. Les studios hollywoodiens, dans un contexte de crise Ă©conomique et sous pression religieuse, acceptent majoritairement le code pour sauvegarder leur rĂ©putation et leurs profits, mais certains regrettent la perte de libertĂ© narrative. Des icĂŽnes comme Betty Boop voient leur image Ă©dulcorĂ©e, tandis que d’autres, tel Alfred Hitchcock, choisissent l’ingĂ©niositĂ© pour dĂ©tourner subtilement la censure. Hitchcock fragmente un baiser dans « Les EnchaĂźnĂ©s » pour contourner la limitation de trois secondes, ou suggĂšre la violence plutĂŽt que de la montrer frontalement dans « Psychose ». Ces contraintes techniques deviennent un terrain fertile pour l’inventivitĂ© et l’allĂ©gorie.

Et la pornographie ?

À l’ùre du Code Hays, les films Ă  caractĂšre pornographique sont formellement interdits dans les circuits officiels. Pourtant, une production clandestine de courts mĂ©trages pornographiques circule discrĂštement en marge des salles, rĂ©servĂ©e Ă  un public restreint. Ce n’est qu’avec la disparition progressive du Code et l’apparition d’un systĂšme de classification dans les annĂ©es 1960-70 que le cinĂ©ma pornographique commence Ă  exister au grand jour, sous surveillance et rĂ©glementation.

Le systĂšme de classification actuel

Le Code Hays s’effondre face Ă  l’évolution des mƓurs et Ă  la concurrence de la tĂ©lĂ©vision et du cinĂ©ma europĂ©en. En 1968, il est remplacĂ© par un systĂšme de classification instaurĂ© par la Motion Picture Association of America (MPAA). DĂ©sormais, il ne s’agit plus d’interdire mais d’informer : chaque film reçoit une catĂ©gorie selon l’ñge du public recommandĂ© (G, PG, PG-13, R, NC-17). Ce modĂšle place la responsabilitĂ© sur les spectateurs et les familles, et autorise l’exploration de thĂšmes autrefois tabous, redonnant au cinĂ©ma une libertĂ© d’expression nouvelle.


Illustration:
– Roscoe « fatty » Arbuckle, gloire du cinĂ©ma muet pas encore dĂ©chue. – AllocinĂ©
– Virginia Rappe, la starlette victime. – AllocinĂ©
– La chambre du drame : la suite 1220 Ă  l’hĂŽtel Saint Francis, San Francisco. – AllocinĂ©