Le 21 septembre 2015, un événement aussi sidérant que révoltant bouscule l’univers du médicament aux États-Unis. Ce jour-là, alors que la presse se saisit d’un dossier explosif, l’Amérique découvre le visage de Martin Shkreli, le jeune PDG de Turing Pharmaceuticals. Il vient d’augmenter de manière vertigineuse le prix du Daraprim, un traitement vital pour les personnes immunodéprimées, passant du jour au lendemain de 13,50 à 750 dollars le comprimé.
Du jour au lendemain, Martin Shkreli se hisse sur le devant de la scène médiatique. Le jeune entrepreneur financeur, alors inconnu du grand public, rachète les droits exclusifs de commercialisation du Daraprim, un médicament utilisé depuis les années 1950 contre la toxoplasmose. Doté d’un sens aigu du profit et profitant d’un monopole virtuel sur la molécule, il multiplie le prix par plus de 5 000, faisant bondir la facture pour des malades qui n’ont parfois aucun autre choix thérapeutique. La presse le surnomme “l’homme le plus détesté des États-Unis”.

Martin Shkreli ne cache pas ses ambitions. Il explique publiquement qu’il souhaite maximiser les bénéfices de Turing Pharmaceuticals afin de financer, affirme-t-il, la recherche sur de nouveaux médicaments. Il justifie aussi ce choix en le comparant aux prix pratiqués sur d’autres traitements de maladies rares, assurant ne pas être le premier à appliquer une telle logique financière. En réalité, il profite d’un système sans régulation : l’absence de génériques, les failles de la législation américaine et la liberté laissée aux laboratoires lui permettent un tel passage en force, sans contrepoids ni intervention des autorités sanitaires.
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La réaction ne se fait pas attendre : vague d’indignation, chaines d’information en continu, tempêtes sur les réseaux sociaux, interventions de grandes personnalités politiques comme Hillary Clinton ou Donald Trump. Les associations de patients et sociétés savantes dénoncent un geste qui met en péril l’accès aux soins pour des milliers d’Américains vulnérables. Même l’industrie pharmaceutique prend ses distances avec Shkreli, désavouant ses méthodes. L’affaire déclenche un débat national inédit sur le prix des médicaments et l’urgence d’une réforme du système.
Ce scandale n’est qu’une pièce du puzzle judiciaire de Martin Shkreli. L’homme a déjà défrayé la chronique pour ses pratiques illégales dans la gestion de fonds d’investissement : fraudes financières, manipulations de titres, système Ponzi. Il est arrêté par le FBI, inculpé et condamné à sept ans de prison en 2018, devant verser plus de sept millions de dollars à ses investisseurs lésés. En parallèle, la justice le bannit à vie du monde pharmaceutique pour avoir abusé de sa position dominante, bloquant l’arrivée des génériques concurrentiels sur le marché du Daraprim.
Shkreli cultive son image de « bad boy » sans scrupule. En 2017, il annonce sur les réseaux offrir une récompense de 5 000 dollars à quiconque rapportera une mèche de cheveux d’Hillary Clinton lors de sa tournée. Face à ce que la justice considère comme une incitation à l’agression, il se retrouve réincarcéré alors qu’il était en liberté conditionnelle. Ce comportement provocateur se double de coups d’éclat mêlant la culture pop et la spéculation financière.
Parmi les épisodes les plus surréalistes, on retient aussi l’achat du disque unique du Wu-Tang Clan, « Once Upon a Time in Shaolin », pour 2 millions de dollars. Shkreli en fait un instrument de provocation publique : il menace de détruire l’album, enfreint les clauses de confidentialité en diffusant des extraits, puis revend le disque après sa condamnation pour fraude. Accusé d’avoir illégalement dupliqué l’album, il fait toujours l’objet, en 2024, de poursuites pour violation des droits liés à cette pièce d’exception.
Aujourd’hui encore, Martin Shkreli cristallise la colère des patients, l’indignation citoyenne et l’embarras d’un secteur pharmaceutique ébranlé. Son parcours, fait de spéculation, d’arrogance et de contournements des règles, alimente le débat sur la nécessité d’encadrer plus strictement les prix des médicaments essentiels et sur la place de l’éthique dans le monde de la santé.
Malheureusement, ce scandale n’est pas isolé et encore aujourd’hui, en 2025, le sujet revient sur le devant de la scène :

Illustration: Gélule posée sur un coussin de velours rouge – Image IA