Le 3 octobre 1995, les États-Unis retiennent leur souffle. Après un procès transformé en feuilleton national, O.J. Simpson, ancien héros du football américain devenu star des publicités, est acquitté du double meurtre de son ex-épouse Nicole Brown et du jeune serveur Ronald Goldman.
La décision, inattendue pour certains, libératrice pour d’autres, révèle au grand jour les fractures d’un pays : tensions communautaires, défiance envers la police, pouvoir de l’argent et influence démesurée des médias.
Sommaire
Orenthal James « O.J. » Simpson
Avant de devenir le protagoniste d’un procès aussi médiatique que controversé, O.J. Simpson a longtemps incarné le rêve américain. Né en 1947 à San Francisco, Simpson s’impose dès les années 1960 comme une star du football américain, brisant des records universitaires avant de briller avec les Buffalo Bills en NFL. Reconnu pour son charisme, il conquiert le monde de la publicité, du cinéma et de la télévision après sa retraite sportive. Adulé pour sa réussite et sa capacité à franchir les barrières ethniques dans les médias, O.J. Simpson apparaît comme un symbole d’intégration et de succès — jusqu’au drame de 1994 qui le propulse au cœur d’une tornade judiciaire et médiatique.
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Une tragédie transformée en spectacle
Le 12 juin 1994, Los Angeles se réveille avec une scène d’horreur : Nicole Brown Simpson et Ronald Goldman gisent morts devant la maison de Nicole. Tous les regards se tournent rapidement vers O.J. Simpson.
Quelques jours plus tard, une image entre dans la culture populaire : le « Bronco blanc », filant sur les autoroutes de L.A. devant des millions de téléspectateurs médusés. Plus qu’une poursuite policière, c’est déjà un show télévisé, annonciateur de ce que deviendra le procès.
Mais derrière le spectacle, l’affaire s’inscrit dans une ville blessée par l’affaire Rodney King et les émeutes de 1992. La confiance entre police et communauté afro-américaine est déjà fracturée, et cela pèsera lourd dans la perception des événements.

Dans la salle d’audience
De janvier à octobre 1995, l’Amérique vit au rythme du procès. Les caméras filment tout : l’entrée des avocats, la moindre objection, le témoignage des experts en ADN – une science encore mystérieuse pour le grand public. La défense de Simpson joue une carte simple mais redoutable : attaquer la police. En insistant sur les erreurs de procédure, la possibilité de preuves mal conservées et la réputation douteuse de certains enquêteurs, l’équipe de Simpson réussit à instiller le doute.
Côté accusation, la stratégie est de rassembler des preuves matérielles accablantes : traces de sang, récits de violences conjugales, ADN. Mais tout bascule lors d’un moment resté célèbre : lorsqu’O.J. Simpson enfile une paire de gants présentés comme ceux du crime, ils paraissent trop petits. Son avocat Johnnie Cochran assène alors sa formule choc au jury : si ça ne va pas, vous devez l’acquitter. En quelques secondes, le procès bascule dans l’histoire.
Le 3 octobre, après seulement quatre heures de délibérations, le jury rend son verdict : non coupable. Dans les foyers américains, les réactions se partagent entre applaudissements et incompréhension. Les lignes communautaires et sociales apparaissent au grand jour, dessinant une Amérique profondément divisée.
Héritage d’un procès hors norme
L’affaire Simpson dépasse vite le cadre judiciaire. Elle soulève une question qui hante encore aujourd’hui : la justice américaine protège-t-elle tous ses citoyens à égalité, ou bien se laisse-t-elle influencer par l’argent et la notoriété ? Elle popularise aussi des notions juridiques comme le « doute raisonnable », et montre au grand public la différence entre justice pénale et justice civile, deux univers aux règles distinctes.
En 1997, un second procès change la donne : Simpson est condamné à payer plus de 30 millions de dollars aux familles Brown et Goldman. Si son image est déjà ruinée, sa descente continue : en 2007, il est de nouveau arrêté à Las Vegas pour vol à main armée, condamné à une lourde peine de prison puis libéré en 2017.
Aujourd’hui encore, le procès O.J. Simpson reste une référence incontournable quand on évoque le rôle des médias, les tensions communautaires et les failles du système judiciaire américain. Pour beaucoup, il demeure le symbole d’une justice mise en procès par elle-même.
Illustration: Procès d’O.J. Simpson – Image IA