Le 28 février 1957, Gaston Lagaffe fait ses premières gaffes dans le Journal de Spirou. Ce personnage emblématique de la bande dessinée belge apparaît pour la première fois dans le numéro 985 du magazine.
Gaston Lagaffe est un personnage de bande dessinée créé par le dessinateur belge André Franquin. Il incarne l’anti-héros par excellence, connu pour sa paresse légendaire et sa propension à commettre des gaffes. Son look caractéristique – pull vert à col roulé, jean noir à revers et espadrilles – devient rapidement sa marque de fabrique. Inspiré du mouvement beatnik américain, Gaston représente un esprit libre, non-conformiste et pacifique.
En 1957, le Journal de Spirou est en pleine évolution. Le 28 mars, il passe à 32 pages entièrement en couleur, augmentant sa pagination et son format. Le magazine propose des séries mémorables grâce à des scénaristes et dessinateurs de grand talent, comme Lucky Luke, Buck Danny, et bien sûr Spirou et Fantasio.
Au début, Gaston intervient de manière progressive et mystérieuse dans le magazine. Sa première apparition se fait dans un petit dessin au bas d’une page rédactionnelle. Dans les semaines suivantes, il apparaît de plus en plus, occupant progressivement plus d’espace. Son look évolue rapidement, passant du costume et nœud papillon à son style décontracté caractéristique. Il est initialement conçu comme un « héros sans emploi », utilisé pour combler de façon ludique les espaces vides dans la mise en page du journal.
Gaston intègre définitivement la rédaction après sa rencontre avec Spirou, le 4 avril suivant, dans le n° 990 du magazine :
– « Qui êtes-vous ?
– Gaston.
– Qu’est-ce que vous faites ici ?
– J’attends.
– Vous attendez quoi ?
– J’sais pas… J’attends…
– Qui vous a envoyé ?
– On m’a dit de venir…
– Qui ?
– ‘Sais plus…
– De venir pour faire quoi ?
– Pour travailler…
– Travailler comment ?
– ‘Sais pas… On m’a engagé…
– Mais vous êtes bien sûr que c’est ici que vous devez venir ?
– Beuh…»
Personne ne comprend comment il a pu être engagé. Peut-être pour son petit côté inventif.

Parmi les meilleures inventions de Gaston, on trouve le Gaffophone, un instrument de musique aux vibrations destructrices, la Gastomobile, une chaise en bois équipée d’un pédalier pour se déplacer au bureau, et la voiture-lit combinant transport et sommeil. D’autres créations notables incluent le moteur à piston, la mini-tondeuse conçue pour éviter de couper les pâquerettes, et la lampe de poche solaire, témoignant de son esprit écologique avant l’heure.
Gaston, un beatnik dans le monde de l’édition
Gaston Lagaffe incarne un certain esprit beatnik à travers son attitude non-conformiste et son rejet des conventions sociales. Son look décontracté – pull vert à col roulé, jean et espadrilles – reflète l’esthétique beatnik. Il manifeste un mépris pour l’autorité et les règles établies, préférant suivre ses propres inspirations, souvent farfelues. Sa créativité débordante, son penchant pour les expériences insolites et son attitude désinvolte envers le travail conventionnel sont autant de traits qui le rapprochent de l’esprit beat. De plus, sa sensibilité écologique et son pacifisme avant-gardiste font écho aux préoccupations de ce mouvement.

La Beat Generation est un mouvement littéraire et culturel américain qui émerge dans les années 1950. Ses figures de proue incluent des écrivains comme Jack Kerouac, auteur du roman emblématique « Sur la route », Allen Ginsberg, célèbre pour son poème « Howl », et William S. Burroughs, connu pour « Le Festin nu ». Ces artistes prônent une libération des formes d’expression traditionnelles, explorent des thèmes tabous comme la sexualité et la drogue, et cherchent à transcender les normes sociales de l’époque. Leur style d’écriture est souvent spontané et expérimental, reflétant leur quête d’authenticité et d’expériences intenses.
Avant d’être associé au mouvement hippie des années 1960, un beatnik est un adepte ou un sympathisant du mouvement beat. Ce terme, initialement utilisé de manière péjorative, désigne les jeunes qui adoptent le style de vie et les valeurs de la Beat Generation dans les années 1950. Les beatniks se caractérisent par leur rejet du matérialisme et du conformisme de la société américaine d’après-guerre. Ils manifestent un intérêt prononcé pour le jazz, la poésie et la philosophie orientale. Leur apparence distinctive – barbe, bérets, cols roulés et sandales – devient rapidement emblématique d’une contre-culture naissante.
« La « Beat Generation » vendait des livres, des chandails à col roulé noir et des bongos, des bérets et des lunettes noires. Elle vendait un mode de vie qui semblait dangereux et amusant, et qui devait donc être condamné ou imité. Les couples de banlieusards pouvaient avoir le samedi des soirées beatnik, où ils pouvaient s’enivrer et caresser les épouses des uns des autres. », dans Personnages secondaires de Joyce Johnson
Le mot « beat » trouve ses racines au XIXe siècle, notamment dans le contexte des vagabonds du rail américains. Ces individus, souvent appelés « hobos », voyagent clandestinement à bord des trains de marchandises à la recherche de travail ou d’aventure. Le terme « beat » est alors utilisé pour décrire leur état d’épuisement et de dénuement. Il évoque la fatigue physique et morale, mais aussi une forme de liberté marginale. Cette signification originelle du mot « beat », associée à l’errance et à la vie en marge de la société, influence plus tard la Beat Generation qui s’approprie ce terme pour exprimer à la fois un sentiment d’être « battu » par la société et une quête de liberté et d’authenticité.
Illustrations: affiche du film The Beat Generation (Les Beatniks) (1959) avec Louis Armstrong.