Le 27 février 2022, les forces russes entrent dans Boutcha, une ville de 36 000 habitants située à environ 30 kilomètres au nord-ouest de Kiev, dans le cadre de leur offensive sur la capitale ukrainienne. Pendant l’occupation qui dure jusqu’au 31 mars, les soldats russes commettent de nombreuses atrocités contre les civils.
L’ampleur des massacres à Boutcha et dans les environs est considérable. Au moins 458 corps de civils sont retrouvés dans la ville après le départ des Russes. Le procureur régional de Boutcha annonce le 15 avril que 278 corps ont été découverts, ajoutant que ce nombre risque d’augmenter. Dans l’ensemble de la région au nord de Kiev, le bilan s’élève à au moins 1 222 civils tués au 10 avril.
Rue Yablunska, rebaptisée « route de la mort » par les habitants, les troupes ukrainiennes découvrent des dizaines de corps de civils gisant dans la rue, certains avec les mains liées dans le dos, indiquant des exécutions sommaires. Au total, environ 70 civils sont brutalement tués et torturés rien que dans cette rue. Des fosses communes contenant de nombreux corps sont également découvertes à proximité. Les victimes semblaient vaquer à leurs occupations quotidiennes, promener des chiens ou avec leur cabas au moment de leur assassinat.
Les habitants de Boutcha témoignent de la violence des unités russes. Un homme de 32 ans reçoit une balle dans le cou alors qu’il fume une cigarette à la fenêtre de son appartement. Une jeune fille de 9 ans est amputée d’un bras après avoir été touchée par une balle alors qu’elle fuit à la vue de soldats. Les résidents rapportent également que les soldats russes se lancent dans une « chasse aux nazis », fouillant les logements et interrogeant les habitants.

Bien que le terme « zachistka » ne soit pas explicitement mentionné pour la rue Yablunska, les actions des forces russes correspondent à cette tactique. Une « zachistka » est une opération de « nettoyage » d’un territoire, impliquant des patrouilles armées effectuant des fouilles systématiques, souvent associée à des violations des droits humains. L’enquête du New York Times conclut que ces meurtres s’inscrivaient dans le cadre d’une action délibérée et systématique visant à sécuriser impitoyablement une route vers Kiev.
La communauté internationale réagit avec indignation. Le président américain Joe Biden réclame un « procès pour crimes de guerre » et qualifie Vladimir Poutine de « criminel de guerre ». La Haute-Commissaire aux droits de l’homme de l’ONU, Michelle Bachelet, appelle à préserver « toutes les preuves » de ces « possibles crimes de guerre ». Les gouvernements français, britannique, japonais, polonais, espagnol et allemand dénoncent également la violence des troupes russes à Boutcha.
Outres les témoignages, de nombreuses preuves permettent d’incriminer les soldats russes. Des images satellites datées du 11 mars montrent la présence de corps dans les rues de Boutcha, contredisant les affirmations russes. Une vidéo aérienne captée par un drone montre des blindés russes ouvrant le feu sur un cycliste. Le New York Times a identifié les parachutistes russes du 234e régiment d’assaut aérien comme les principaux responsables de la tuerie de la rue Yablunska. Contrairement à d’autres conflits, ces massacres ont été perpétrés presque sous les yeux du monde entier, grâce à la présence de journalistes et à la technologie moderne permettant de capturer et de diffuser rapidement des preuves visuelles.

La Russie nie catégoriquement toute implication dans le massacre. Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, affirme que les experts du ministère russe de la Défense ont découvert des signes de « falsifications vidéo » et des « fakes » dans les images présentées comme preuves. Moscou qualifie les événements de « mise en scène » et de « provocation haineuse » orchestrée par l’Ukraine.
La Russie utilise diverses méthodes pour renverser la charge de la preuve. Elle s’appuie sur une vidéo du maire de Boutcha datée du 31 mars, dans laquelle il ne mentionne pas de massacre, pour affirmer que rien ne s’était produit. La propagande russe diffuse des récits contradictoires et des théories du complot pour semer le doute et détourner l’attention de la réalité des événements. Elle qualifie également de « russophobes » les critiques qui mentionnent Boutcha ou d’autres atrocités, utilisant ainsi une tactique classique du Kremlin pour discréditer ses opposants.
Photos:
– Vue générale du matériel militaire russe détruit à Bucha, à l’ouest de Kiev, prise le 4 mars 2022. (Source : Getty Images) – United24 Media
– Une poupée abandonnée repose à côté d’une voiture criblée de balles à Bucha, au nord de Kiev, le 12 mars 2022. (Source : Getty Images) – United24 Media
– La présidente de l’Union européenne, Ursula von der Leyen, et d’autres responsables européens et ukrainiens en visite à Bucha après le massacre, le 8 avril 2022 – Wikipédia