Le 26 mars 1953, Jonas Salk annonce à la radio CBS une découverte médicale majeure : son équipe vient de mettre au point un vaccin efficace contre la poliomyélite. Après des tests concluants sur des milliers de volontaires, dont lui-même et sa famille, il affirme que ce vaccin pourrait éradiquer cette maladie qui terrorise les familles américaines depuis des décennies.
La poliomyélite est une maladie virale particulièrement redoutable qui s’attaque au système nerveux central. Dans ses formes les plus graves (environ 1% des cas cliniques), elle provoque des paralysies irréversibles. Les enfants qui survivent gardent souvent des séquelles permanentes : membres atrophiés, déformations osseuses, ou nécessité d’appareils respiratoires comme le célèbre « poumon d’acier ». Certains développent même des années plus tard le syndrome post-poliomyélitique, avec une nouvelle dégradation musculaire progressive.
Jonas Salk, médecin et chercheur new-yorkais né en 1914, consacre sa carrière à la lutte contre les maladies virales. Après des travaux sur la grippe pendant la Seconde Guerre mondiale, il dirige à partir de 1947 le laboratoire de recherche sur les virus à l’Université de Pittsburgh. C’est là qu’il développe son vaccin révolutionnaire contre la polio, fruit de sept années de recherche intensive.
Avant l’avènement du vaccin, la médecine ne peut que traiter les symptômes de la polio. Les patients paralysés sont placés dans des poumons d’acier (des respirateurs artificiels en forme de cylindre métallique) pendant des semaines ou des mois. La kinésithérapie intensive devient le seul moyen de limiter les séquelles motrices. Les traitements sont longs, coûteux et donnent des résultats limités.
Dans les années 1950, la polio représente une véritable pandémie mondiale. Rien qu’en 1952, les États-Unis enregistrent 58 000 cas. En France, les épidémies estivales font des milliers de victimes chaque année, principalement parmi les enfants. À l’échelle mondiale, on estime que la polio paralyse alors plus de 600 000 personnes par an.
Le vaccin de Salk repose sur une innovation majeure : il utilise des virus poliomyélitiques « tués » par traitement au formaldéhyde. Contrairement aux vaccins vivants atténués, cette approche élimine tout risque d’infection tout en provoquant une réponse immunitaire efficace. Administré par injection, il stimule la production d’anticorps sans danger pour le système nerveux.
Grâce aux campagnes massives de vaccination, la situation actuelle a radicalement changé. Depuis 1988, les cas de polio ont chuté de plus de 99% dans le monde. En 2025, seuls deux pays (l’Afghanistan et le Pakistan) rapportent encore quelques dizaines de cas annuels. L’Organisation Mondiale de la Santé vise désormais l’éradication totale de la maladie.
Interrogé sur son choix de ne pas breveter son vaccin, Salk répond par une question devenue célèbre : « Pourrait-on breveter le soleil ? ». Ce renoncement volontaire à des droits potentiellement lucratifs permet une production à grande échelle et à bas coût du vaccin, accélérant ainsi sa diffusion mondiale et sauvant des millions de vies. Un geste humaniste qui marque l’histoire de la médecine.