« TYPHOID MARY » ARRÊTÉ ET MISE EN QUARANTAINE 📆 27 mars 1915

Ce 27 mars 1915, Mary Mallon, surnommée Typhoid Mary, est à nouveau arrêtée par les autorités sanitaires new-yorkaises. Identifiée comme porteuse saine de la fièvre typhoïde, cette cuisinière irlandaise est accusée d’avoir contaminé 25 personnes au Sloane Hospital for Women, dont deux décès. Malgré ses protestations, elle est condamnée à une quarantaine à vie sur l’île North Brother.

La scène a des allures d’arrestation spectaculaire. Mary Mallon, 45 ans, est traquée depuis des semaines par le Dr George Soper, l’épidémiologiste qui l’a identifiée dès 1907 comme source de plusieurs épidémies. Ce matin, elle est retrouvée dans une pension de Long Island. Cinq policiers et le Dr Sara Josephine Baker doivent la maîtriser – elle se débat furieusement, criant qu’elle « n’a jamais été malade ». Transportée de force, cette femme au visage fermé est désormais prisonnière de l’île North Brother, où elle avait déjà passé trois ans en quarantaine (1907-1910). Son crime ? Avoir persisté à travailler comme cuisinière sous des faux noms (Mary Brown), contaminant au moins 51 personnes, dont trois mortelles.

Dans son cottage de l’île, Mary vit en recluse mais obtient progressivement des libertés. À partir de 1918, elle peut faire des excursions sur le continent. En 1925, elle devient technicienne de laboratoire dans l’hôpital de l’île – ironie du sort, elle stérilise désormais des éprouvettes. Malgré quelques interviews accordées à des journalistes (à qui on interdit de boire l’eau qu’elle propose), elle clame jusqu’à sa mort en 1938 n’avoir « jamais eu la typhoïde ». Son autopsie révèlera pourtant des bacilles vivants dans sa vésicule biliaire.

Le cas Mallon divise l’opinion. Les scientifiques justifient la quarantaine : elle a ignoré les consignes et menti sur son identité. Les juristes dénoncent un emprisonnement sans procès, d’autant que d’autres porteurs comme Tony Labella (100 cas) échappent à l’isolement. La presse la diabolisera en « sorcière », alimentant un débat toujours actuel sur l’équilibre entre santé collective et droits fondamentaux.

D’autres cas similaires ont fait la une des journaux. Tony Labella (1910), cuisinier italien responsable de 5 morts, est simplement surveillé. « Typhoid John » (1915), guide touristique, contamine 36 personnes (2 morts) sans être confiné. Alphonse Cotils (1920) : Boulanger français, son commerce est fermé mais il reste libre. Ces disparités soulèvent des questions sur les biais sociaux et ethniques dans la gestion des épidémies.

Causée par Salmonella typhi, cette infection se transmet par l’eau ou les aliments contaminés. Elle provoque une fièvre persistante (39-40°C), des douleurs abdominales et des éruptions cutanées. Non traitée, elle devient mortelle dans 10 à 20% des cas par hémorragie ou perforation intestinale. Les porteurs sains comme Mary hébergent la bactérie dans leur vésicule biliaire sans symptômes, devenant des vecteurs invisibles.

Aujourd’hui, les antibiotiques (céphalosporines, azithromycine) réduisent la mortalité à moins de 1%. Mais l’émergence de souches résistantes, notamment en Asie du Sud, complique la prise en charge. Des vaccins existent pour les voyageurs, mais l’accès aux soins reste limité dans les pays pauvres, où la maladie tue encore 200 000 personnes annuellement. La typhoïde illustre ainsi les inégalités persistantes face aux maladies infectieuses.

Mary Mallon meurt en 1938 après 23 ans d’isolement. Son surnom, Typhoid Mary, entre dans l’histoire comme symbole des dilemmes éthiques posés par les porteurs sains – et des choix douloureux entre protection collective et libertés individuelles.


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