Le 14 avril 1834, au cĆur des Ă©meutes rĂ©publicaines contre la Monarchie de Juillet, un massacre se produit au n° 12 de la rue Transnonain Ă Paris. AprĂšs quâun coup de feu tue un capitaine dâinfanterie, les soldats envahissent lâimmeuble et massacrent ses habitants, y compris des femmes, des enfants et des vieillards.
Les soldats du 35e rĂ©giment dâinfanterie interviennent avec une violence extrĂȘme. AprĂšs avoir enfoncĂ© les portes de lâimmeuble, ils tuent sans distinction tous les habitants prĂ©sents. Douze personnes, parmi lesquelles des artisans, des femmes et des enfants, pĂ©rissent sous les coups de baĂŻonnette ou par balle. Les corps sont mutilĂ©s, et les rares survivants sont griĂšvement blessĂ©s. Aucun des occupants nâest armĂ© ni impliquĂ© dans les Ă©meutes. Cet acte de rĂ©pression se dĂ©roulant dans une atmosphĂšre de panique et dâimpunitĂ© totale devient un symbole des abus du rĂ©gime de Louis-Philippe.
Le 35e rĂ©giment dâinfanterie est dĂ©jĂ tristement cĂ©lĂšbre pour ses interventions brutales. En AlgĂ©rie, lors du massacre de Blida en 1830, il tue prĂšs de 800 civils non armĂ©s en reprĂ©sailles. Ă Grenoble, la mĂȘme annĂ©e, il disperse violemment un rassemblement populaire en blessant plusieurs civils. En 1832, il participe Ă la rĂ©pression sanglante des insurrections rĂ©publicaines Ă Paris lors des obsĂšques du gĂ©nĂ©ral Lamarque. Ce rĂ©giment est rĂ©guliĂšrement mobilisĂ© pour Ă©craser les mouvements populaires avec une brutalitĂ© systĂ©matique.
Aucune sanction nâest prise contre les militaires ou les responsables politiques du massacre. Le gouvernement Ă©touffe lâaffaire en la qualifiant de bavure et intensifie la rĂ©pression contre les mouvements rĂ©publicains. Lâindignation publique est cependant renforcĂ©e par la lithographie dâHonorĂ© Daumier, qui immortalise lâhorreur du massacre dans une Ćuvre poignante. Bien que censurĂ©e par le rĂ©gime, elle circule clandestinement et devient un symbole puissant de dĂ©nonciation des abus du pouvoir.
Louis-Philippe mĂšne une politique centrĂ©e sur le « juste milieu », cherchant Ă concilier monarchie constitutionnelle et libĂ©ralisme Ă©conomique. Le suffrage censitaire reste au cĆur de son systĂšme politique : seuls les citoyens payant un impĂŽt Ă©levĂ© peuvent voter ou ĂȘtre Ă©lus. Cela restreint le droit de vote Ă environ 1 % de la population française, favorisant exclusivement la bourgeoisie aisĂ©e et excluant les classes populaires et ouvriĂšres. Cette politique entretient un profond sentiment dâinjustice sociale et politique parmi les exclus du systĂšme Ă©lectoral. Par ailleurs, le roi encourage lâindustrialisation et le dĂ©veloppement Ă©conomique mais nĂ©glige les conditions de vie des ouvriers, ce qui exacerbe les tensions sociales.
Les Ă©meutes dâavril 1834 sâinscrivent dans un contexte marquĂ© par une forte agitation sociale et politique. Ă Lyon, les ouvriers tisserands, appelĂ©s Canuts, se rĂ©voltent dĂšs novembre 1831 pour protester contre leurs conditions de travail prĂ©caires et lâeffondrement des prix de la soie. Cette premiĂšre insurrection est brutalement rĂ©primĂ©e mais laisse un profond ressentiment parmi les classes populaires. En avril 1834, une nouvelle rĂ©volte Ă©clate Ă Lyon avant de sâĂ©tendre Ă Paris. Les barricades se multiplient dans plusieurs quartiers pour dĂ©noncer les lois rĂ©pressives sur le droit dâassociation et la censure imposĂ©es par le gouvernement.
La rue Transnonain disparaĂźt en 1851 lors dâun projet de restructuration urbaine menĂ© sous NapolĂ©on III. Elle est absorbĂ©e par lâactuelle rue Beaubourg dans le cadre des travaux dâamĂ©nagements parisiens. Bien que son nom disparaisse physiquement, elle reste dans la mĂ©moire collective comme le théùtre du massacre tragique de 1834 grĂące Ă lâĆuvre dâHonorĂ© Daumier qui perpĂ©tue son souvenir historique.
Pour aller un peu plus loin :
L’Ă©vĂšnement est devenu insĂ©parable de l’Ćuvre majeure de Daumier. Celle-ci est conservĂ©e au British Museum.

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Illustrations:
– reprĂ©sailles militaires dans un immeuble de la rue Transnonain le 14 avril 1834, gravure de Jules Gaildrau. – WikipĂ©dia
– Rue Transnonain, le 15 avril 1834. WikipĂ©dia