Bourane au Bourget

BOURANE : DÉFAITE PAR ABANDON EN PLEINE COMPÉTITION SPATIALE 📆 12 mai 2002

Le 12 mai 2002, un drame silencieux se joue dans les steppes du Kazakhstan : le toit d’un immense hangar du cosmodrome de Baïkonour s’effondre, emportant avec lui la navette Bourane 1.01, joyau technologique soviétique dont le nom signifie « tempête de neige » en russe. Sept ouvriers perdent la vie lors de cette catastrophe qui met un point final à l’aventure d’un programme spatial aussi ambitieux qu’éphémère, dont l’histoire fascine encore ingénieurs et passionnés d’espace.

Il faut damer le pion au concurrent américain

Au début des années 1970, l’Union soviétique décide de répondre à la navette spatiale américaine, symbole éclatant de la puissance technologique des États-Unis. Le Kremlin lance alors le programme Bourane-Energia, mobilisant plus d’un million de personnes, 1 286 entreprises et 86 ministères. On imagine alors une navette capable de tout : transporter des cosmonautes, des satellites, des modules de stations spatiales, voire remplir des missions militaires secrètes. Dans l’esprit des ingénieurs, Bourane doit incarner la réponse soviétique à la domination américaine dans l’espace, tout en prouvant que l’URSS peut rivaliser, voire dépasser, son grand rival.

Bien que son apparence rappelle la navette américaine, Bourane se distingue par de nombreuses innovations majeures. Contrairement à la navette de la NASA, elle ne possède pas de moteurs principaux pour la mise en orbite : c’est la puissante fusée Energia qui assure l’intégralité du lancement, permettant à la navette d’embarquer une charge utile plus lourde. Bourane peut satelliser et ramener plus de 27 tonnes, un record à l’époque. Mais la vraie révolution, c’est sa capacité à effectuer un vol complet, du décollage à l’atterrissage, en mode entièrement automatique, sans aucun pilote à bord. Les ingénieurs soviétiques programment près de 500 scénarios d’urgence dans l’ordinateur de bord, et installent même des sièges éjectables pour l’équipage lors des essais, preuve d’une attention particulière à la sécurité et à la fiabilité du système.

La compétition se révèle éphémère

Le 15 novembre 1988, Bourane réalise son unique vol spatial, un exploit qui force le respect. Malgré des conditions météorologiques difficiles, elle est placée en orbite par Energia, effectue deux tours de la Terre, puis amorce sa rentrée atmosphérique. Guidée uniquement par ses systèmes automatiques, la navette ajuste sa trajectoire, dissipe l’excédent d’énergie et se pose en douceur sur la piste de Baïkonour. Aucun pilote n’est à bord : le vol est entièrement automatique, une première mondiale pour un engin de cette taille. Ce succès technique, retransmis à la télévision soviétique, suscite la fierté et l’admiration, démontrant la maîtrise de l’automatisation et la robustesse du système soviétique. Pourtant, ce vol restera sans lendemain.

La chute de l’Union soviétique, les difficultés économiques et la réduction drastique du budget spatial condamnent le programme Bourane. Les années 1990 sont marquées par une crise profonde : les financements s’effondrent, les équipes se dispersent, et les infrastructures ne sont plus entretenues. Les autres exemplaires de navette restent inachevés ou servent de modèles d’essai, et le projet est officiellement abandonné en 1993. La Russie, confrontée à une grave crise économique et politique, recentre alors ses efforts sur les lanceurs classiques comme Soyouz et Proton, et mise sur la coopération internationale, notamment avec la Station spatiale internationale (ISS). Le rêve d’une navette soviétique réutilisable s’éteint, victime des bouleversements de l’époque.

Il n’y aura pas d’autres affrontements

Des années après l’arrêt du programme, la navette Bourane ayant effectué le vol historique reste stockée dans un hangar à Baïkonour, montée sur une maquette de la fusée Energia. Le 12 mai 2002, le toit du bâtiment, fragilisé par le temps et le manque d’entretien, s’effondre brutalement. En quelques secondes, Bourane et son lanceur sont totalement détruits, et sept ouvriers perdent la vie dans l’accident.

Ce drame, passé presque inaperçu en dehors des cercles spécialisés, marque la disparition définitive de la seule navette soviétique à avoir volé dans l’espace. C’est une page de l’histoire spatiale qui se tourne, dans l’indifférence générale, loin de la gloire et des projecteurs.


Photos:
– Les visiteurs du 38e Salon international de l’aéronautique et de l’espace de Paris, à l’aérodrome du Bourget, font la queue pour visiter un avion soviétique An-225 Mriya avec la navette spatiale Bourane sur son dos. – Wikipédia
– Décollage de Bourane 1.01
– Bourane 1.02 dans son hangar. Photo Ralph Mirebs
– Bourane 1.02, poste de pilotage. Photo Ralph Mirebs

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