Le 11 juin 1909, la Provence vit l’une des nuits les plus tragiques de son histoire. Un puissant séisme secoue la région d’Aix-en-Provence, laissant derrière lui des villages dévastés, des familles endeuillées, et une population marquée à long terme. Ce drame, connu sous le nom de séisme de Lambesc, reste aujourd’hui le plus meurtrier du XXe siècle en France métropolitaine.
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Le séisme de Provence
Ce soir du 11 juin 1909, la terre se met à trembler dans le sud de la France. En moins de dix secondes, une secousse d’une rare violence frappe la région comprise entre Salon-de-Provence et Aix-en-Provence.
Le bilan humain est lourd : 46 morts et plus de 250 blessés, dont de nombreux grièvement atteints. Les villages de Lambesc, Rognes, Saint-Cannat, Vernègues, Pélissanne et le Puy-Sainte-Réparade sont parmi les plus touchés. À Lambesc, le village est presque entièrement détruit ; à Rognes, l’effondrement d’une bergerie cause la mort de 150 moutons en plus des pertes humaines. À Aix-en-Provence, 1 500 logements sont détruits ou gravement endommagés. Au total, près de 3 000 constructions sont endommagées pour un coût estimé à 2,2 milliards de francs de l’époque.
Mais l’onde de choc ne s’arrête pas aux portes de la Provence. Le séisme est ressenti dans une vingtaine de départements français : violemment dans les Bouches-du-Rhône, le Vaucluse, le Var et le Gard, plus faiblement jusque dans les Pyrénées-Orientales, la Haute-Loire, et même jusqu’en Ligurie en Italie, de Gênes à Perpignan.
Dans les jours et semaines qui suivent, des répliques parfois violentes continuent de secouer la région, entretenant la peur et forçant de nombreuses familles à passer la nuit dehors, sur les places publiques ou dans les jardins. De nombreuses photographies et cartes postales d’époque témoignent de la dévastation.
La faille de Trévaresse
Derrière ce drame se cache un phénomène géologique discret mais redoutable : la faille de Trévaresse. Cette fracture de la croûte terrestre court sous la région, invisible à l’œil nu, mais capable de libérer une énergie colossale. La faille de Trévaresse est une faille inverse, formée par la pression des plaques tectoniques qui façonnent la Méditerranée depuis des millions d’années. Bien que son déplacement annuel soit infime (environ 0,1 mm), il suffit d’une accumulation de tensions pour provoquer, soudainement, un séisme majeur. Les études montrent que cette faille a déjà généré plusieurs grands séismes au cours de l’histoire géologique, mais à des intervalles très espacés. Le séisme de 1909 rappelle que même les zones considérées comme calmes peuvent être le théâtre d’événements dévastateurs.
L’échelle de Richter
Pour comprendre et comparer les séismes, les scientifiques utilisent l’échelle de Richter, inventée en 1935. Cette échelle logarithmique mesure la magnitude, c’est-à-dire l’énergie libérée lors d’un tremblement de terre. Chaque point supplémentaire sur l’échelle correspond à une amplitude des secousses multipliée par dix et à une énergie trente fois plus grande. Ainsi, le séisme de Provence de 1909, avec une magnitude de 6,2, est déjà très puissant. Mais si l’on compare avec le séisme de San Francisco en 1906, qui atteint la magnitude 7,9, on réalise l’énorme différence : l’amplitude des secousses y est environ 50 fois supérieure, et l’énergie dégagée mille fois plus importante. Cette comparaison met en perspective la violence potentielle des séismes et la nécessité de bien comprendre leur fonctionnement pour mieux s’en protéger.
L’activité sismique en France
Contrairement à certaines régions du monde, la France métropolitaine n’est pas une zone de sismicité très élevée, mais elle reste loin d’être totalement épargnée. Chaque année, environ 600 séismes sont enregistrés sur le territoire. Cependant, la grande majorité d’entre eux sont si faibles qu’ils passent inaperçus pour la population. Seuls 10 à 15 séismes par an sont réellement ressentis, et la plupart présentent une magnitude inférieure à 3. Les secousses plus fortes, de magnitude supérieure à 4, restent rares, et les séismes destructeurs (magnitude 6 ou plus) sont exceptionnels : le dernier en date est justement celui de 1909 en Provence. Cette situation peut donner un faux sentiment de sécurité, mais elle rappelle aussi l’importance de la surveillance sismologique et de la prévention.
Les territoires les plus exposés
Si la métropole semble relativement préservée des grands séismes, la situation est tout autre dans certains territoires d’outre-mer. Les Antilles françaises — Guadeloupe, Martinique, Saint-Martin et Saint-Barthélemy — se trouvent sur l’arc des Petites Antilles, une zone de subduction où les plaques tectoniques entrent en collision. Cette région connaît une activité sismique intense, avec des séismes parfois destructeurs, comme celui des Saintes en 2004 ou celui de la Martinique en 2007. Ces territoires sont classés en zone de sismicité maximale, et la population y vit avec la conscience permanente du risque. Mayotte, depuis 2018, subit aussi une activité sismique notable, liée à un volcanisme sous-marin récemment découvert. À La Réunion, le risque sismique est plus faible, principalement lié à l’activité volcanique du Piton de la Fournaise. Enfin, la Guyane et Saint-Pierre-et-Miquelon présentent un risque très faible, avec seulement quelques secousses ressenties de temps à autre.
Le séisme de Provence de 1909 rappelle que le risque sismique, même s’il semble lointain, fait partie de la réalité française. La mémoire des catastrophes passées, comme celle de Lambesc, reste un guide précieux pour ne jamais baisser la garde face à des phénomène naturels aussi imprévisibles que redoutables.

Illustration: Une du Petit Parisien du 13 juin 1909