Rencontre entre Robert Clive et Mir Jafar

À QUELLE OCCASION LA COMPAGNIE BRITANNIQUE DES INDES ORIENTALES DEVIENT-ELLE TOUTE PUISSANTE ? 📆 23 juin 1757

Le 23 juin 1757, le village de Plassay, au Bengale, devient le théùtre d’un affrontement dĂ©cisif qui bouleverse le destin du sous-continent indien. Ce jour-lĂ , la bataille de Plassay oppose la Compagnie britannique des Indes orientales, menĂ©e par Robert Clive, aux forces du nabab Siraj-ud-Daulah, Ă©paulĂ©es par des officiers français. Cette victoire, inattendue face Ă  une armĂ©e bengalie largement supĂ©rieure en nombre, marque le dĂ©but de la domination coloniale britannique en Inde.

Un contexte explosif

Au milieu du XVIIIe siĂšcle, l’Inde est un territoire morcelĂ© et convoitĂ© par les puissances europĂ©ennes. La Compagnie britannique des Indes orientales, fondĂ©e en 1600, n’est plus une simple sociĂ©tĂ© commerciale : elle possĂšde sa propre armĂ©e, administre des territoires et rivalise avec la France pour le contrĂŽle de la rĂ©gion.

Les tensions s’exacerbent lorsque les Britanniques abusent de leurs privilĂšges commerciaux, refusent de payer les taxes et fortifient Calcutta sans l’accord du nabab du Bengale. Siraj-ud-Daulah, exaspĂ©rĂ© par ces provocations, attaque et s’empare de la ville en 1756, dĂ©clenchant une sĂ©rie d’évĂ©nements qui conduisent Ă  l’affrontement de Plassay.

Les causes de la bataille

Lors de la prise de Calcutta, un Ă©vĂ©nement tragique marque les esprits : le « Black Hole of Calcutta ». Selon le tĂ©moignage de John Zephaniah Holwell, prĂšs de 146 prisonniers britanniques et indiens sont entassĂ©s dans une minuscule cellule du fort William. La nuit est atroce : la chaleur et le manque d’air tuent la majoritĂ© d’entre eux, seuls 23 survivent. Ce drame, mĂȘme s’il est probablement exagĂ©rĂ©, choque profondĂ©ment l’opinion britannique et sert de prĂ©texte Ă  une riposte implacable contre le nabab du Bengale.

La bataille de Plassay ne rĂ©sulte pas du hasard. Elle naĂźt d’un enchevĂȘtrement de conflits commerciaux, de rivalitĂ©s coloniales entre Français et Britanniques, et de manƓuvres politiques locales. Robert Clive, fin stratĂšge, noue une alliance secrĂšte avec Mir Jafar, le commandant en chef du nabab, lui promettant le pouvoir en Ă©change de sa trahison. Les Britanniques s’appuient aussi sur le soutien de puissantes familles marchandes locales, comme les banquiers Jagat Seth, qui craignent pour leurs intĂ©rĂȘts si le commerce europĂ©en venait Ă  cesser.

Le terrain est donc minĂ© de complots, de tensions et d’intĂ©rĂȘts contradictoires.

La bataille de Plassay

Le matin du 23 juin 1757, prÚs du village de Palashi, deux armées se font face : celle du nabab, forte de 50 000 hommes, 53 canons et des éléphants de guerre, et celle de Clive, composée de 3 100 soldats, dont 2 100 cipayes indiens et environ 800 Européens, appuyés par seulement 9 canons.

MalgrĂ© leur infĂ©rioritĂ© numĂ©rique, les Britanniques bĂ©nĂ©ficient d’avantages dĂ©cisifs : la trahison de Mir Jafar, la dĂ©sorganisation de l’armĂ©e bengalie, et un orage de mousson qui dĂ©trempe la poudre des canons indiens, rendant leur artillerie inopĂ©rante tandis que les Britanniques protĂšgent la leur.

Lorsque la cavalerie indienne tente une charge, elle est repoussĂ©e par un barrage d’artillerie britannique. La panique s’empare des troupes du nabab, qui se dispersent. Siraj-ud-Daulah prend la fuite, est capturĂ© puis exĂ©cutĂ©. Les pertes sont lourdes pour le Bengale (~500 morts ou blessĂ©s), tandis que les Britanniques ne dĂ©plorent qu’une vingtaine de morts et une cinquantaine de blessĂ©s.

Cette victoire, obtenue en moins de douze heures, offre Ă  la Compagnie le contrĂŽle du Bengale, la province la plus riche et la plus peuplĂ©e de l’Inde, et marque le vĂ©ritable dĂ©but de la domination britannique sur le sous-continent.

La Compagnie britannique des Indes orientales

La Compagnie britannique des Indes orientales, fondĂ©e en 1600 par une charte royale d’Élisabeth Ire, est d’abord une sociĂ©tĂ© commerciale privĂ©e, dotĂ©e du monopole du commerce britannique avec l’Asie. Rapidement, elle s’impose comme la plus puissante compagnie de son Ă©poque, rivalisant avec les compagnies nĂ©erlandaise et française pour le contrĂŽle des flux commerciaux avec l’Inde et la Chine.

Mais la Compagnie ne se contente pas de commercer : elle acquiert des pouvoirs civils, militaires et administratifs, jusqu’à gouverner directement de vastes territoires indiens. Elle lĂšve sa propre armĂ©e, qui devient la plus grande force militaire d’Asie du Sud, composĂ©e de soldats britanniques et indiens (les cipayes). Elle dispose du droit de faire la guerre, de conclure des traitĂ©s, de battre monnaie et d’administrer la justice sur ses possessions. Son expansion est soutenue par des profits colossaux issus du commerce du coton, de la soie, du thĂ©, de l’opium et d’autres produits, ainsi que par la perception des impĂŽts dans les territoires conquis.

AprĂšs la victoire de Plassay, la Compagnie devient le pouvoir effectif du Bengale, puis Ă©tend progressivement son emprise sur la majeure partie de l’Inde. Elle administre directement certains territoires et contrĂŽle indirectement des États princiers alliĂ©s. Son rĂšgne, appelĂ© « Raj de la Compagnie », dure jusqu’en 1858, date Ă  laquelle la Couronne britannique reprend le contrĂŽle aprĂšs la RĂ©volte des Cipayes.

La Révolte des Cipayes

En 1857, le mĂ©contentement Ă©clate : c’est la RĂ©volte des Cipayes. Cette insurrection, d’une ampleur inĂ©dite, secoue l’édifice colonial et met fin au pouvoir de la Compagnie. En 1858, la Couronne britannique reprend directement le contrĂŽle du pays : c’est le dĂ©but du Raj britannique, qui durera jusqu’en 1947.


Illustration: Rencontre entre Lord Clive et Mir Jafar aprĂšs la bataille de Plassey, par Francis Hayman (vers 1762). – WikipĂ©dia

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