La mort de Francisco Pizarro

LE FOSSOYEUR DE L’EMPIRE INCA N’EST PLUS 📆 26 juin 1541

Le 26 juin 1541, Ă  Lima, un cri retentit dans le palais du gouverneur : Francisco Pizarro, le conquĂ©rant du PĂ©rou, tombe sous les coups de ses rivaux. Celui qui a renversĂ© l’un des plus grands empires d’AmĂ©rique du Sud meurt dans la violence, victime de la mĂȘme soif de pouvoir qui a marquĂ© toute sa vie.

Son assassinat n’est pas un simple fait divers : il symbolise la brutalitĂ© et l’instabilitĂ© qui rĂšgnent parmi les conquistadors, ces hommes venus d’Espagne pour chercher fortune et gloire au prix du sang. Mais qui est cet homme, et comment s’est-il emparĂ© du fabuleux empire inca ? Pour comprendre la portĂ©e de sa mort, il faut d’abord remonter le fil de son destin hors du commun.

L’ascension d’un fils illĂ©gitime

Francisco Pizarro naĂźt vers 1475 Ă  Trujillo, en EstrĂ©madure, dans une Espagne encore marquĂ©e par la Reconquista et la pauvretĂ© rurale. Fils illĂ©gitime d’un officier et d’une servante, il grandit dans la misĂšre, sans instruction, gardant les cochons pour survivre. Mais l’Espagne s’ouvre alors Ă  de nouveaux horizons : l’AmĂ©rique, dĂ©couverte par Christophe Colomb, fait rĂȘver les jeunes ambitieux. Pizarro embarque pour le Nouveau Monde en quĂȘte d’une vie meilleure. À Hispaniola, puis au Panama, il se fait remarquer par son endurance et sa tĂ©nacitĂ©. Il endure la faim, la maladie, les Ă©checs, mais il ne renonce jamais. Il se lie Ă  d’autres aventuriers, dont Diego de Almagro, et ensemble, ils rĂȘvent de conquĂ©rir les terres fabuleuses du sud, dont les rumeurs vantent la richesse.

L’Empire inca : un gĂ©ant aux pieds d’argile

Au dĂ©but du XVIe siĂšcle, l’empire inca rĂšgne en maĂźtre sur la cordillĂšre des Andes. Sa capitale, Cuzco, rayonne comme le centre d’un immense territoire qui s’étend de la Colombie au Chili, englobant des peuples, des langues et des cultures variĂ©es. Les Incas excellent dans l’art de bĂątir : routes pavĂ©es, ponts suspendus, terrasses agricoles sculptent les montagnes. Leur sociĂ©tĂ© est rigoureusement organisĂ©e autour du Sapa Inca, souverain absolu et fils du Soleil, qui veille Ă  la redistribution des rĂ©coltes et Ă  la cohĂ©sion de l’empire. Pourtant, cette puissance cache des failles. Les peuples conquis gardent souvent rancune, et la succession du trĂŽne, aprĂšs la mort de l’empereur Huayna Capac, dĂ©clenche une guerre civile sanglante entre ses deux fils, HuĂĄscar et Atahualpa. Lorsque Pizarro arrive, l’empire est affaibli, divisĂ©, vulnĂ©rable.

La ruse de Cajamarca : la capture d’Atahualpa

En 1532, Pizarro dĂ©barque sur la cĂŽte pĂ©ruvienne avec moins de 200 hommes, quelques chevaux et une poignĂ©e d’arquebuses. Il avance prudemment, Ă©tablit des contacts avec les peuples locaux, observe les rivalitĂ©s internes et comprend vite que la guerre civile a laissĂ© l’empire exsangue. Il envoie des Ă©missaires Ă  Atahualpa, qui, fort de sa rĂ©cente victoire contre son frĂšre, se croit invincible. Pizarro l’invite Ă  une entrevue Ă  Cajamarca, dans une grande place entourĂ©e de bĂątiments. Atahualpa, sĂ»r de sa supĂ©rioritĂ©, se prĂ©sente sans armes, accompagnĂ© de dignitaires et de porteurs. CachĂ©s dans les maisons, les Espagnols attendent le signal. Lorsque l’Inca refuse de se soumettre au roi d’Espagne et Ă  la foi chrĂ©tienne, Pizarro donne l’ordre : les arquebuses tonnent, les chevaux chargent, la panique s’empare des Incas. En quelques minutes, des milliers de compagnons d’Atahualpa tombent, et l’empereur est capturĂ© vivant. La ruse, la surprise et la supĂ©rioritĂ© technologique espagnole viennent de renverser le destin d’un empire.

Rançon, trahison et chute de l’empire

Prisonnier, Atahualpa tente de sauver sa vie. Il promet Ă  Pizarro une rançon inouĂŻe : remplir une vaste salle d’or et deux de silver jusqu’à la hauteur de son bras tendu. Pendant des mois, les trĂ©sors affluent Ă  Cajamarca, portĂ©s depuis tout l’empire. Mais la promesse ne suffit pas. Les Espagnols, mĂ©fiants et avides, craignent une rĂ©volte. MalgrĂ© le paiement de la rançon, Pizarro fait exĂ©cuter Atahualpa en 1533, brisant le dernier symbole de l’unitĂ© inca. Les conquistadors avancent alors vers Cuzco, la capitale, qu’ils prennent sans grande rĂ©sistance. L’empire inca, dĂ©jĂ  minĂ© par les luttes internes et les Ă©pidĂ©mies venues d’Europe, s’effondre. Pizarro installe un souverain fantoche, puis fonde la ville de Lima, qui devient le centre du pouvoir espagnol sur la cĂŽte pacifique.

Le prix du pouvoir : rivalités et assassinat

La conquĂȘte ne s’accompagne pas de paix. Les ambitions se heurtent, les alliances se brisent. Pizarro, dĂ©sormais gouverneur du PĂ©rou, entre en conflit avec Diego de Almagro, son ancien compagnon d’armes. Les deux hommes se disputent le contrĂŽle de Cuzco et des richesses du PĂ©rou. AprĂšs une guerre fratricide, Pizarro fait exĂ©cuter Almagro en 1538, mais il ne se doute pas que la vengeance couve. Les partisans d’Almagro, menĂ©s par son fils Diego de Almagro le Jeune, prĂ©parent leur revanche. Le 26 juin 1541, quatorze conjurĂ©s armĂ©s font irruption dans le palais de Pizarro Ă  Lima. Pris de court, Pizarro tente de se dĂ©fendre, tue deux assaillants, mais il succombe sous les coups. Mortellement blessĂ© Ă  la gorge, il trace une croix avec son sang sur le sol, l’embrasse et meurt en invoquant JĂ©sus. Son corps est traĂźnĂ© sur la place d’armes, puis discrĂštement enterrĂ© par ses fidĂšles.

HĂ©ritage d’un conquĂ©rant

Francisco Pizarro laisse derriĂšre lui un empire bouleversĂ©, une sociĂ©tĂ© dĂ©chirĂ©e, et un hĂ©ritage qui divise encore. Pour certains, il incarne l’audace, la tĂ©nacitĂ©, la rĂ©ussite contre l’adversitĂ©. Pour d’autres, il reste le fossoyeur d’une civilisation brillante, le symbole de la violence coloniale et de la destruction des cultures amĂ©rindiennes. Son assassinat marque la fin d’une Ă©poque, mais n’apporte pas la stabilitĂ© : les luttes de pouvoir entre Espagnols se poursuivent, et le PĂ©rou entre dans une longue pĂ©riode de troubles. L’histoire de Pizarro, entre lumiĂšre et tĂ©nĂšbres, continue de fasciner et d’interroger sur le prix de la conquĂȘte et la fragilitĂ© des empires.


Illustration: La Mort de Francisco Pizarro, peinture Ă  l’huile de Manuel RamĂ­rez ( MusĂ©e du Prado ). – WikipĂ©dia

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