Kindom of heaven

BAUDOUIN IV LE LÉPREUX DEVIENT ROI DE JÉRUSALEM 📆 11 juillet 1174

Le 11 juillet 1174, Jérusalem vit un moment d’une intensité rare : le jeune Baudouin IV, âgé d’à peine quatorze ans, accède au trône du royaume latin d’Orient. Fils du roi Amaury Ier et d’Agnès de Courtenay, il hérite d’une couronne fragile, dans une cité où l’espoir et la peur se mêlent. La mort soudaine de son père précipite son avènement, et le jeune prince, déjà atteint par la lèpre, se retrouve propulsé au cœur des enjeux politiques et religieux du Proche-Orient. Couronné dans l’église du Saint-Sépulcre, il incarne l’espoir d’un peuple menacé, alors que la ville sainte demeure l’objet de toutes les convoitises.

Jérusalem, au cœur des passions

Jérusalem, à cette époque, n’est pas seulement une capitale : elle est le symbole vivant de la foi et du pouvoir. Pour les chrétiens, elle est le lieu de la crucifixion et de la résurrection du Christ, centre du pèlerinage et de la chrétienté. Pour les musulmans, elle représente le troisième lieu saint de l’islam, marquée par le voyage nocturne du Prophète Mahomet jusqu’à la mosquée al-Aqsa.

Cette double sacralité nourrit une rivalité féroce : chaque camp voit dans la possession de la ville la preuve de la légitimité de sa foi et de sa civilisation. La ville devient ainsi le théâtre d’affrontements sans merci, où la politique et le sacré se confondent.

Le règne de Baudouin IV : batailles, intrigues et espoirs

Dès sa prise de pouvoir, Baudouin IV doit composer avec les difficultés d’un royaume assiégé et les intrigues de la cour.

Trop jeune pour régner seul, il s’appuie d’abord sur des régents, puis prend rapidement les rênes du pouvoir. Malgré la progression de la lèpre, il refuse de se laisser diminuer. À quinze ans à peine, il mène sa première campagne militaire et, en 1177, il surprend le monde en remportant la bataille de Montgisard contre Saladin, alors que son armée est largement inférieure en nombre.

Cette victoire retarde la chute de Jérusalem et confère au jeune roi une aura de chef de guerre. Baudouin se révèle aussi fin politique : il tente de préserver l’unité de son royaume, de contenir les ambitions de ses barons, et de négocier avec les puissances voisines. Mais il doit aussi affronter la montée en puissance de Saladin et les divisions internes, qui fragilisent peu à peu le royaume.

Un symbole d’humanité et de résilience

Baudouin IV marque les esprits par sa force de caractère, sa piété et son sens aigu du devoir. Malgré la souffrance et la dégradation physique que lui inflige la lèpre, il continue de gouverner avec dignité, multipliant les efforts pour défendre Jérusalem et protéger ses sujets. Il s’entoure de fidèles compagnons, comme Guillaume de Tyr ou Balian d’Ibelin, et fait preuve d’une lucidité remarquable dans ses choix politiques.

Sa mort prématurée, en 1185, à seulement vingt-quatre ans, laisse le royaume orphelin d’un chef exceptionnel. Beaucoup voient dans sa disparition le début du déclin du royaume latin : Jérusalem tombe entre les mains de Saladin deux ans plus tard, comme si la grâce et la force s’étaient éteintes avec lui.


Annexes

La lèpre, le combat secret de Baudouin IV

La lèpre, ou maladie de Hansen, bouleverse la vie de Baudouin IV dès l’enfance. Les premiers signes apparaissent alors qu’il n’est encore qu’un garçon : il ne ressent plus la douleur sur certaines parties de son corps, un symptôme qui alerte son entourage3. À cette époque, la lèpre fait peur : elle défigure, isole et condamne à une lente agonie. Les traitements médiévaux restent dérisoires : on prescrit des bains, des onguents à base de plantes, des soins palliatifs, mais rien ne peut enrayer la progression de la maladie. Baudouin, en tant que roi, échappe à l’isolement imposé à la plupart des lépreux, mais doit vivre chaque jour avec la douleur et la dégradation de son corps.

Aujourd’hui, la lèpre existe encore, mais elle n’est plus une fatalité. Grâce à la polychimiothérapie, une combinaison de plusieurs antibiotiques (dapsone, rifampicine, clofazimine), la maladie se soigne en six à douze mois et la contagion cesse rapidement après le début du traitement. Environ 200 000 nouveaux cas sont recensés chaque année, principalement dans les pays en développement, mais la guérison est désormais la règle lorsque le diagnostic est précoce.

Saladin, principal adversaire de Baudouin

Saladin, de son vrai nom Ṣalāḥ ad-Dīn Yūsuf ibn Ayyūb, naît en 1138 dans une famille kurde et s’impose comme l’une des figures majeures du monde musulman au XIIe siècle. Après avoir servi l’émir Nur ad-Din, il prend le pouvoir en Égypte en 1169, met fin au califat fatimide, puis unifie l’Égypte et la Syrie sous sa bannière. Saladin se distingue par son habileté politique et militaire, sa piété et son sens de l’honneur, qualités qui lui valent le respect de ses contemporains, y compris de ses adversaires.

Face à Baudouin IV, Saladin devient le chef de la résistance musulmane contre les croisés. Il multiplie les campagnes pour reprendre Jérusalem et affaiblir le royaume latin, tout en consolidant l’unité du monde musulman. Son affrontement avec Baudouin IV est marqué par des batailles mémorables, comme celle de Montgisard, et par une rivalité où s’affrontent deux conceptions du pouvoir et de la foi. Saladin finit par s’imposer après la mort de Baudouin, reprenant Jérusalem en 1187 et entrant dans la légende comme l’un des plus grands souverains de l’histoire du Proche-Orient.

Que dire du film Kingdom of Heaven ?

Le film Kingdom of Heaven, réalisé par Ridley Scott en 2005, offre une représentation dramatique et artistique des événements liés aux croisades, notamment la défense de Jérusalem et la figure de Baudouin IV. Bien que le film soit salué pour sa qualité cinématographique, ses décors et ses scènes de bataille, il prend de nombreuses libertés avec les faits historiques. Plusieurs personnages, comme Balian d’Ibelin, sont largement romancés ou fictifs, et certains événements sont simplifiés ou modifiés pour renforcer la narration. Par exemple, la représentation de la tolérance religieuse et des discours sur la coexistence pacifique entre chrétiens et musulmans n’a pas de fondement historique avéré à cette époque. De même, la chronologie et les relations entre les protagonistes sont souvent adaptées pour servir le récit plutôt que la rigueur historique.

Cependant, la version longue du film, dite « director’s cut », améliore la cohérence et ajoute des éléments historiques absents de la version théâtrale, ce qui augmente la crédibilité globale de l’œuvre. Le film réussit à restituer l’atmosphère tendue du royaume de Jérusalem à la veille de sa chute, ainsi que la complexité des enjeux militaires et politiques, notamment la montée en puissance de Saladin. Malgré ses inexactitudes, Kingdom of Heaven est considéré comme un bon point d’entrée pour comprendre les grandes lignes du contexte des croisades, tout en rappelant que son objectif principal reste de divertir et non de faire un documentaire historique strict.


Illustration (photo Pinterest): Baudouin IV, Saladin, Sibylle, Balian d’Ibelin dans le film Kingdom of heaven

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