Le 25 juillet 1898, Porto Rico devient le théùtre d’une opĂ©ration militaire majeure des Ătats-Unis, inscrite dans le contexte de la guerre hispano-amĂ©ricaine. Cette guerre Ă©clate quelques mois plus tĂŽt, essentiellement motivĂ©e par la volontĂ© amĂ©ricaine de soutenir lâindĂ©pendance cubaine et de mettre fin Ă la prĂ©sence espagnole dans la rĂ©gion des CaraĂŻbes et du Pacifique. Lâinvasion de Porto Rico sâeffectue rapidement : les troupes amĂ©ricaines dĂ©barquent Ă GuĂĄnica, au sud de lâĂźle, et rencontrent une rĂ©sistance limitĂ©e de la part des forces espagnoles, marquant ainsi le dĂ©but d’une nouvelle Ăšre politique et sociale pour lâarchipel.
Sommaire
- Le passage sous souveraineté américaine
- Acquisition de la citoyenneté et persistance des inégalités
- La crĂ©ation du Commonwealth et lâautonomie relative
- Les plébiscites, la question du statut et le rÎle du CongrÚs
- Autonomie, identité et revendications contemporaines
- Retour sur certains propos lors de la derniÚre campagne présidentielle
Le passage sous souveraineté américaine
Ă la suite de leur victoire sur lâEspagne, les Ătats-Unis obtiennent la cession de Porto Rico, formalisĂ©e par le traitĂ© de Paris signĂ© le 10 dĂ©cembre 1898. Ce traitĂ© met officiellement fin Ă la guerre hispano-amĂ©ricaine et marque la prise de contrĂŽle de plusieurs ex-colonies espagnoles, dont Porto Rico, qui devient alors un territoire non incorporĂ© sous administration amĂ©ricaine directe.
Rapidement, Washington transforme la gouvernance de lâĂźle. En 1900, le Foraker Act instaure un gouvernement civil : le prĂ©sident amĂ©ricain nomme le gouverneur, une partie du conseil exĂ©cutif et lâensemble du pouvoir judiciaire, tandis que la population locale Ă©lit une chambre basse du parlement. Ce systĂšme introduit des Ă©lĂ©ments dâautonomie, mais le contrĂŽle politique et Ă©conomique demeure trĂšs limitĂ© pour les Portoricains, dont les lois locales peuvent ĂȘtre annulĂ©es Ă tout moment par le CongrĂšs amĂ©ricain.

The nation – La grande politique : Comment la guerre hispano-amĂ©ricaine a jetĂ© les bases de lâempire amĂ©ricain. – Brenda Wineapple
Acquisition de la citoyenneté et persistance des inégalités
Un tournant majeur intervient en 1917 avec le Jones Act. Cette loi accorde la citoyennetĂ© amĂ©ricaine Ă tous les habitants de Porto Rico. Cependant, si ce geste donne aux Portoricains la possibilitĂ© de se dĂ©placer et de rĂ©sider sur lâensemble du territoire amĂ©ricain, il ne leur confĂšre pas pour autant lâĂ©galitĂ© des droits civiques : les habitants de lâĂźle restent exclus du vote Ă la prĂ©sidentielle et ne disposent que dâune reprĂ©sentation symbolique (sans droit de vote) au CongrĂšs amĂ©ricain.
Politiquement, Porto Rico reste un territoire non incorporĂ© : le CongrĂšs conserve un pouvoir quasi absolu sur ses lois et sa destinĂ©e politique. Beaucoup considĂšrent alors ce statut comme une forme dâambiguĂŻtĂ© institutionnelle, Ă mi-chemin entre la dĂ©pendance coloniale et lâintĂ©gration.
La crĂ©ation du Commonwealth et lâautonomie relative
En 1952, Porto Rico franchit une nouvelle Ă©tape avec lâadoption de sa propre constitution et lâobtention du statut de Commonwealth (« Ătat Libre AssociĂ© »). Ce statut accorde une large autonomie interne Ă lâĂźle : les Portoricains Ă©lisent leur gouverneur, une assemblĂ©e locale, et gĂšrent la politique intĂ©rieure. NĂ©anmoins, la souverainetĂ© essentielle reste amĂ©ricaine : Washington contrĂŽle toujours la dĂ©fense, la politique Ă©trangĂšre, la monnaie, et la finalitĂ© du statut politique. Porto Rico ne dispose pas dâune reprĂ©sentation pleine au CongrĂšs et ne participe pas Ă lâĂ©lection du prĂ©sident amĂ©ricain, malgrĂ© l’obtention de la citoyennetĂ© pour ses habitants.
Sur le plan Ă©conomique, ce statut hybride a ses spĂ©cificitĂ©s : les Portoricains ne paient pas dâimpĂŽts fĂ©dĂ©raux mais doivent sâacquitter de taxes comme la SĂ©curitĂ© sociale, la taxe sur lâimport et lâexport. Paradoxalement, nombre dâAmĂ©ricains ignorent encore aujourdâhui que les Portoricains sont citoyens amĂ©ricains de plein droit, alimentant souvent des incomprĂ©hensions et des prĂ©jugĂ©s.
Les plébiscites, la question du statut et le rÎle du CongrÚs
Depuis lâĂ©tablissement du Commonwealth, la question du statut de lâĂźle alimente de nombreux dĂ©bats. Plusieurs rĂ©fĂ©rendums se succĂšdent : en 2024, un plĂ©biscite non contraignant propose aux Ă©lecteurs de choisir entre trois options â lâindĂ©pendance, lâindĂ©pendance avec libre association, ou le statut dâĂtat fĂ©dĂ©rĂ© (51á” Ătat des Ătats-Unis). Pour la premiĂšre fois, le maintien du statu quo n’est pas proposĂ©. Lors de ce rĂ©fĂ©rendum, une majoritĂ© de votants se prononce pour le statut dâĂtat fĂ©dĂ©rĂ©. Cependant, le dernier mot revient au CongrĂšs amĂ©ricain, qui dĂ©tient constitutionnellement le pouvoir dâaccepter ou non lâintĂ©gration de Porto Rico comme nouvel Ătat, ou de modifier son statut actuel.
Les Portoricains, en dĂ©pit de leur engagement dĂ©mocratique lors de ces consultations, se heurtent Ă lâinertie du CongrĂšs, qui hĂ©site Ă faire Ă©voluer ce statut complexe, maintenant ainsi lâĂźle dans une position de dĂ©pendance institutionnelle.
Autonomie, identité et revendications contemporaines
Aujourdâhui, Porto Rico reste un territoire associĂ© dotĂ© dâune autonomie rĂ©elle sur le plan local, mais sans pleine capacitĂ© dâinfluer sur les dĂ©cisions fĂ©dĂ©rales amĂ©ricaines. Cette situation entretient un sentiment dâambivalence au sein de la population : certains revendiquent une intĂ©gration complĂšte et la fin des inĂ©galitĂ©s politiques, dâautres dĂ©fendent lâindĂ©pendance ou le maintien du Commonwealth tel quâil est, malgrĂ© ses limites. Le dĂ©bat demeure chargĂ© dâhistoire et de considĂ©rations identitaires, tant locales que nationales.
Retour sur certains propos lors de la derniÚre campagne présidentielle
Ă lâaube de la prĂ©sidentielle amĂ©ricaine de 2024, la question de Porto Rico et la place des Portoricains dans la sociĂ©tĂ© amĂ©ricaine resurgissent dans le dĂ©bat public. Lors dâun meeting de Donald Trump Ă New York, dâimportantes polĂ©miques Ă©clatent : certains invitĂ©s tiennent des propos ouvertement racistes et dĂ©nigrants, comparant Porto Rico à « une Ăźle flottante dâordures » et accablant les Portoricains de stĂ©rĂ©otypes dĂ©shumanisants. Ces propos provoquent un tollĂ© gĂ©nĂ©ral, aussi bien chez les personnalitĂ©s politiques que dans le monde artistique, avec de fortes rĂ©actions dâindignation venant de cĂ©lĂ©britĂ©s ou de responsables politiques dâorigine portoricaine.
Cette sĂ©quence rappelle Ă quel point le statut de Porto Rico, loin dâĂȘtre un simple dĂ©bat juridique, continue dâĂȘtre marquĂ© par des enjeux de reprĂ©sentation, de reconnaissance et de respect au sein mĂȘme de la nation amĂ©ricaine. Le combat pour lâĂ©galitĂ©, la dignitĂ© et une meilleure intĂ©gration des Portoricains demeure, Ă lâheure actuelle, un sujet aussi brĂ»lant que jamais dans le paysage politique et social des Ătats-Unis.
Bad Bunny est un rappeur, chanteur, producteur, acteur et catcheur portoricain
Illustration:
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