Le 29 septembre 1668, tout Besançon s’agite autour du mont Saint-Étienne. Sous la brume automnale, des ouvriers, des militaires et des ingénieurs convergent pour assister à un acte fondateur : les autorités espagnoles posent la première pierre de la citadelle. Ce geste solennel s’inscrit dans un contexte de rivalité européenne où les habitants observent, avec une curiosité inquiète, le début d’un chantier monumental destiné à transformer à jamais la silhouette de leur ville.
Sommaire
Un enjeu européen
Au XVIIe siècle, la Franche-Comté vibre au rythme des rivalités entre grandes puissances. Héritée par les Habsbourg par le jeu des alliances matrimoniales et partages dynastiques, la région devient le verrou espagnol face à la France expansionniste de Louis XIV.
Besançon, positionnée au cœur d’une boucle du Doubs, attire les convoitises par sa situation géostratégique : il s’agit de renforcer la ville, lui donner un rempart digne des menaces qui pèsent sur elle. La population découvre alors que derrière la pose d’une pierre se dessine la partition d’empires prêts à tout pour préserver ou étendre leur influence.
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Le pragmatisme espagnol
Lorsque les troupes françaises occupent temporairement Besançon en 1668, Louis XIV confie à Vauban, son plus grand ingénieur militaire, la tâche d’imaginer une citadelle à la hauteur de la ville. Très rapidement, Vauban ébauche des plans ajustés au relief escarpé du mont. Mais la politique internationale oblige la France à restituer la ville à l’Espagne via le traité d’Aix-la-Chapelle.
Pragmatique, l’Espagne adopte les plans du génie français, convaincue de leur modernité et efficacité défensive. Les Espagnols débutent alors la construction sur la base du travail de Vauban, preuve que le talent dépasse les frontières et que même les ennemis savent tirer parti des meilleures innovations.
Achèvement du chantier par la France
En 1674, tout bascule : Louis XIV reprend la Franche-Comté et s’empare définitivement de Besançon. Le traité de Nimègue en 1678 concrétise le rattachement au royaume de France, ouvrant une nouvelle phase pour la citadelle.
Vauban, désormais maître d’œuvre, supervise et améliore l’ensemble des fortifications. Il optimise la position des bastions, renforce les murailles desservant les fronts nord, sud et ouest, multiplie les niveaux de feu et transforme le site en forteresse redoutable. Le chantier mobilise des centaines d’ouvriers et s’étale sur près de vingt ans. À la fin du XVIIe siècle, Besançon devient l’une des places fortes les mieux défendues d’Europe.
Selon une légende, les sommes investies sont si faramineuses que Louis XIV aurait demandé si les murs sont construits en pierre ou en or.
Les caractéristiques architecturales et défensives
Aujourd’hui, la citadelle s’étend sur plus de 11 hectares, dominant le Doubs à 130 mètres d’altitude. Ses bastions pentagonaux, courtines massives de six mètres d’épaisseur, fossés profonds et corps de garde forment des lignes de défense à la pointe de la technologie militaire du XVIIe siècle. Trois fronts fortifiés cernent le site, deux côté ville, un côté campagne, reliés par des remparts à flancs de falaise. Les chemins de ronde et guérites, les puits et casernements témoignent du souci du détail et de l’efficacité.
La forteresse abrite des logis, magasins, arsenal, chapelle, cour du gouverneur et casernes, organisés selon une pensée rationnelle où chaque espace répond aux exigences de la guerre moderne. Les progrès de l’artillerie au XIXe siècle la rendent plus vulnérable, mais elle résiste aux sièges autrichiens de 1814 et prussiens de 1871, prouvant encore toute sa valeur.
Un héritage vivant et universel
Inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO, la citadelle de Besançon accueille aujourd’hui trois musées majeurs : le Musée Comtois, le Musée de la Résistance et de la Déportation et un Muséum consacré à la biodiversité. Balcon exceptionnel sur la ville, elle attire des visiteurs fascinés par sa monumentalité, son histoire et sa capacité à incarner les destins croisés de la France et de l’Europe. Son architecture exemplaire influence de nombreuses constructions de Vauban et reste un fleuron de l’art militaire occidental.
Lecture complémentaires
- Citadelle de Besançon – Histoire et visite
- La Citadelle et les fortifications Vauban à Besançon – Doubs.travel
- Citadelle de Besançon – Guide du voyageur
Illustration: Citadelle de Besançon vue du ciel. – Wikipédia