Je soutiens le projet

Roosevelt vs Willkie

DE TROIS POUR ROOSEVELT ET UNE AMÉRIQUE BIEN LANCÉE SUR LA VOIE DU PROGRESSISME… OU PAS 📆 5 novembre 1940

Le 5 novembre 1940, Franklin D. Roosevelt entre dans l’histoire en étant réélu pour un troisième mandat présidentiel, un événement sans précédent aux États-Unis. Brisant la tradition établie depuis George Washington de ne servir que deux mandats, Roosevelt justifie son choix par la gravité de la situation internationale : l’Europe est en pleine guerre et le danger nazi menace.

Sa victoire, bien que contestée, lui donne une légitimité renouvelée pour conduire l’Amérique face aux défis imminents. Son adversaire, Wendell Willkie, un homme d’affaires républicain, critique cette rupture des usages tout en soutenant une partie des politiques de Roosevelt, ce qui reflète la complexité politique de l’époque. Les résultats de l’élection signent une victoire nette de Franklin D. Roosevelt qui peut poursuivre sa politique progressiste du New Deal :

  • Vote populaire : Roosevelt obtient 27 243 466 voix (54,69%) contre 22 304 755 voix (44,77%) pour Wendell Willkie.
  • Collège électoral : Roosevelt remporte 449 grands électeurs, tandis que Willkie en obtient 82.
  • Roosevelt domine dans les grandes villes et le Sud, tandis que Willkie performe mieux dans les zones rurales du Midwest et du Nord. Au total, Roosevelt remporte 1 947 comtés sur 3 094.

Le New Deal, pierre angulaire de la présidence de Roosevelt, transforme profondément la société américaine. Par une série de réformes et de programmes, Roosevelt mobilise l’État pour relancer l’économie dévastée par la Grande Dépression. Il crée des millions d’emplois grâce aux grands travaux publics, protège les travailleurs avec des lois sociales et instaure des mécanismes de sécurité sociale inédits. Cette vision progressiste, centrée sur l’intervention étatique pour corriger les inégalités, contraste nettement avec celle des conservateurs. Ces derniers, soutenus par les grands industriels et financiers, défendent l’idée d’une économie libre où la richesse des élites, selon la théorie du ruissellement, finirait par profiter à tous.

Tu apprécies mes contenus. Clique ici pour soutenir l'édition de cet almanach.

Les grandes fortunes américaines de l’âge d’or appliquent cette doctrine du ruissellement pour consolider leur pouvoir. Ils justifient des mesures fiscales avantageuses et un minimalisme étatique, affirmant que la prospérité des riches créera des emplois et dynamisera l’économie. En réalité, cette stratégie vise surtout à maintenir leurs privilèges et à limiter les réformes sociales. Ces capitalistes influencent la politique à travers le lobbying et des réseaux d’influence, freinant les mesures les plus audacieuses du New Deal.

Avec l’entrée dans la Seconde Guerre mondiale, une nouvelle dynamique s’installe. Les grandes entreprises de l’industrie militaire deviennent des partenaires incontournables de l’État qui met toute sa puissance au service de la guerre. Ce partenariat pragmatique entre État et capital privé relance l’économie et réduit le chômage, mais tout en tempérant les ambitions progressistes, car la priorité reste l’efficacité et la cohésion nationale. Les élites économiques reprennent une position dominante, tout en supportant une fiscalité élevée destinée à financer l’effort de guerre.

À la fin du conflit, l’Amérique se retrouve à un tournant. La mort de Roosevelt en 1945 ouvre une nouvelle ère sous Harry Truman, qui conserve des acquis du New Deal mais s’inscrit progressivement dans une politique moins interventionniste. La croissance économique repose sur un modèle mixte où l’État régule, mais où le capital privé reprend le dessus. L’anticommunisme galvanise la scène politique, freinant les réformes sociales radicales. Ainsi, la voie progressive initiée par Roosevelt coexiste avec une résurgence conservatrice qui façonne les politiques économiques et sociales de l’après-guerre.

Cette période illustre donc un équilibre fragile entre progrès social et conservatisme économique, entre espoirs d’une régulation étatique forte et réalités des intérêts capitalistes. Roosevelt incarne la possibilité d’un changement profond, mais la réalité politique et économique montre que la route vers un avenir pleinement progressiste reste semée d’embûches. L’Amérique, bien lancée sur cette voie, doit composer avec ses tensions internes et les défis du monde nouveau qu’elle contribue à façonner.


Illustration: Roosevelt vs Willkie – Photos Wikipédia