Marvin Heemeyer et son killdozer

MARVIN HEEMEYER SE DÉCHAÎNE À GRANBY, COLORADO 📆 4 juin 2004

Le 4 juin 2004, Granby, une paisible ville du Colorado, bascule dans l’extraordinaire. Marvin Heemeyer, simple garagiste, cède sous la pression d’années de conflits avec la municipalité et décide de régler ses comptes de façon spectaculaire. Ce jour-là, il « pète les plombs » et lance un bulldozer blindé, le désormais célèbre « Killdozer », dans une virée de destruction méthodique qui marque à jamais la mémoire collective de Granby.

Un homme acculé par l’injustice

Marvin Heemeyer, propriétaire d’un atelier de réparation de silencieux, affronte pendant des années une série de litiges avec les autorités locales et certains voisins. L’installation d’une usine de béton voisine bloque l’accès à son entreprise, compromettant son activité et sa subsistance. Malgré ses efforts pour négocier, proposer des compromis ou obtenir justice devant les tribunaux, il se heurte systématiquement à des refus, des amendes et une indifférence qu’il perçoit comme une trahison. Progressivement, la frustration et le sentiment d’injustice s’accumulent. Heemeyer se sent isolé, incompris et victime d’un système qui, selon lui, favorise les puissants au détriment des citoyens ordinaires. Il laisse des enregistrements et des notes pour expliquer son geste, évoquant sa conviction d’avoir épuisé toutes les voies légales et d’être acculé à l’extrême.

Un bulldozer transformé en machine de guerre

Dans le plus grand secret, Heemeyer consacre plus d’un an à transformer un bulldozer Komatsu D355A en une véritable forteresse roulante. Il renforce la machine avec des plaques d’acier et du béton, rendant l’engin quasi indestructible face aux armes à feu et même aux explosifs. Il équipe la cabine de caméras extérieures protégées par du plastique pare-balles de 7,6 cm d’épaisseur, reliées à des écrans à l’intérieur, et installe un système d’air comprimé pour nettoyer les objectifs. Trois meurtrières permettent de tirer avec différents fusils, tous protégés par des plaques d’acier. Heemeyer prévoit tout pour survivre plusieurs jours à l’intérieur : provisions, eau, climatisation, et soude la porte de la cabine de l’intérieur, sans intention d’en ressortir vivant.

Le terme « Killdozer » n’a pas été choisi par Heemeyer lui-même, mais fait référence à une nouvelle de science-fiction de Theodore Sturgeon publiée en 1944, dans laquelle une machine de chantier devient incontrôlable et destructrice.

Deux heures de destruction méthodique

Le 4 juin 2004, Marvin Heemeyer met son plan à exécution. Il commence par détruire son propre atelier, puis s’attaque à l’usine de béton Mountain Park Concrete, qu’il considère comme la source de ses malheurs. Il poursuit sa route destructrice vers la mairie, la bibliothèque municipale, le journal local Sky-Hi News, une banque, des commerces, la maison d’un juge et d’autres bâtiments administratifs. Il vise méthodiquement les institutions et personnes qu’il estime responsables de ses problèmes. Les forces de l’ordre, impuissantes face au blindage du Killdozer, tentent de l’arrêter avec des armes à feu, des explosifs et même des engins de chantier, sans succès. Les rues de Granby se transforment en champ de ruines, mais, fait remarquable, aucune victime n’est à déplorer grâce à l’évacuation rapide des habitants et à la volonté apparente de Heemeyer d’éviter de blesser quiconque. Le montant des dégâts atteint près de 10 millions de dollars.

Une fin tragique et inéluctable

La virée destructrice prend fin lorsque le Killdozer s’enlise dans le sous-sol d’un magasin, immobilisant l’engin. Le radiateur est endommagé, la machine ne peut plus avancer. Coincé, sans issue de secours, Marvin Heemeyer se donne la mort avec une arme à feu à l’intérieur de sa forteresse. Les forces de l’ordre mettent près de douze heures à découper le blindage pour accéder à la cabine et extraire son corps.

Par la suite, le Killdozer est démantelé et dispersé pour éviter qu’il ne devienne un objet de culte. L’affaire suscite un débat national sur la gestion des conflits locaux, la détresse individuelle et la capacité du système à écouter ses citoyens.

L’histoire de Marvin Heemeyer et de son Killdozer reste, encore aujourd’hui, un symbole troublant de la colère et du désespoir que peut engendrer le sentiment d’impuissance face à l’injustice.


Illustration: Photo provenant de L’Encyclopédie. – X

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