Le 2 juillet 1816, la frégate française La Méduse s’échoue brutalement sur un banc de sable au large des côtes de Mauritanie. Ce naufrage, survenu en pleine journée et par beau temps, bouleverse la France de la Restauration. Il ne s’agit pas seulement d’un accident maritime : c’est un drame humain, un scandale politique et un choc pour l’opinion publique.
Sommaire
Une mission de reconquête
En 1816, la France, tout juste sortie des guerres napoléoniennes, cherche à reprendre pied sur ses anciens comptoirs africains, notamment au Sénégal, que les Britanniques viennent de lui restituer après le traité de Paris. Pour cette mission, une flottille de quatre navires est mobilisée : la frégate La Méduse, la gabare la Loire, la corvette l’Écho et le brick l’Argus. À bord de la Méduse, navire amiral de l’expédition, près de 400 personnes embarquent : le nouveau gouverneur, des fonctionnaires, des militaires, des scientifiques, des artisans, des colons et leurs familles, ainsi qu’une grande quantité de matériel destiné à la future colonie. L’enjeu est de taille : il s’agit de rétablir la présence française sur une terre stratégique, porte d’accès à l’Afrique de l’Ouest et à l’Atlantique.
Un commandant mal préparé
Le commandement de la Méduse est confié à Hugues Duroy de Chaumareys, un officier royaliste de 51 ans, ancien émigré qui n’a pas navigué depuis plus de vingt ans. Son retour à la tête d’un navire résulte davantage de ses convictions politiques que de ses compétences maritimes. Dès le départ, Chaumareys se montre hésitant, refuse d’écouter ses officiers formés sous l’Empire, et s’éloigne de la route recommandée. Il navigue trop près des côtes, ignore les avertissements répétés sur la présence du banc d’Arguin, et néglige les sondages de profondeur. Cette accumulation d’erreurs conduit inévitablement à l’échouement de la frégate, à une soixantaine de kilomètres du rivage, isolée de ses navires compagnons.
Le drame du naufrage
L’échouement de la Méduse plonge immédiatement l’équipage et les passagers dans la panique. Pendant trois jours, tous tentent en vain de dégager le navire du sable, mais la situation empire : la coque se brise, l’eau s’infiltre, et il devient évident qu’il faut abandonner le bâtiment. Le problème est que les canots de sauvetage sont insuffisants pour évacuer les 400 personnes à bord. On décide alors de construire à la hâte un radeau de fortune, sur lequel sont entassés environ 150 personnes, principalement des soldats, des marins et une femme cantinière. Les canots, censés remorquer le radeau vers la côte, le lâchent rapidement, laissant dériver ces hommes et cette femme à la merci de l’océan. Sur le radeau, la faim, la soif, la violence, la folie et même le cannibalisme s’installent. Treize jours plus tard, seuls quinze survivants sont retrouvés, dont plusieurs meurent peu après leur sauvetage.

Le sort des canots et des passagers
Pendant que le radeau dérive en mer, les canots de la Méduse, occupés par les officiers, les passagers de marque et quelques membres d’équipage, parviennent à rejoindre les côtes désertiques de Mauritanie. Là, commence une autre épreuve : les naufragés doivent marcher plusieurs jours dans le désert, sous une chaleur accablante, sans eau ni vivres, exposés à l’épuisement, à la soif et parfois à l’hostilité des populations locales. Malgré ces conditions extrêmes, la majorité des occupants des canots survit et finit par atteindre Saint-Louis du Sénégal, après avoir été secourue par des caravanes ou des habitants du littoral. Ce contraste saisissant entre le sort des canots et celui du radeau renforce l’indignation de l’opinion publique.
Chaumareys, survivant controversé
Hugues Duroy de Chaumareys survit à la catastrophe en embarquant dans l’un des canots, aux côtés d’autres officiers et passagers privilégiés. Une fois à terre, il ne prend pas l’initiative de secourir immédiatement les naufragés du radeau : il préfère d’abord envoyer un navire récupérer des biens restés sur l’épave. Ce comportement, jugé indigne et contraire à l’éthique maritime, choque la France et entraîne son arrestation dès son retour.
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Illustration: image générée par IA