Coup d'état de Catherine II envers Pierre III

CATHERINE II DE RUSSIE ou CATHERINE LA GRANDE 📆 9 juillet 1762

En ce matin du 9 juillet 1762, la Russie est en ébullition. Catherine, jeune princesse d’origine allemande devenue grande-duchesse par son mariage avec Pierre III, sent que le moment est venu de renverser un souverain devenu impopulaire et dangereux pour l’avenir du pays.

Soutenue par la garde impériale, la noblesse et ses alliés les frères Orlov, elle se rend à Saint-Pétersbourg, où elle reçoit l’appui enthousiaste des soldats et du peuple. À la cathédrale Notre-Dame-de-l’Assomption, elle est proclamée impératrice de toutes les Russies. Ce coup d’État, mené avec détermination et sang-froid, marque le début d’un règne exceptionnel, alors que Pierre III abdique et disparaît dans des circonstances troubles. Catherine s’impose ainsi comme la sauveuse de l’État et la nouvelle autocrate d’un empire en quête de stabilité.

L’impopularité de Pierre III

Avant ce coup d’État, Pierre III règne à peine quelques mois mais parvient à se mettre à dos l’ensemble des forces vives du pays. Admirateur de la Prusse et de Frédéric II, il signe une paix séparée avec eux en pleine guerre de Sept Ans, trahissant les victoires russes et choquant l’armée et la noblesse. Il impose des réformes maladroites, comme l’introduction des uniformes prussiens dans l’armée russe, et accorde des privilèges à la noblesse tout en méprisant la religion orthodoxe, pilier de l’identité russe.

Son entourage allemand et son manque d’attachement à la Russie accentuent sa réputation d’étranger, coupé des réalités du pays. Jugé instable et immature, Pierre III s’aliène l’armée, le clergé, la noblesse et le peuple, ouvrant la voie à son renversement par Catherine.

L’ascension de Catherine

Catherine n’est pas née pour régner sur la Russie. Fille d’un petit prince allemand, elle arrive adolescente à la cour de Russie, sans parler la langue et sans connaître les coutumes du pays. Elle se convertit à l’orthodoxie, adopte le prénom de Catherine et s’imprègne rapidement de la culture russe.

Son mariage avec Pierre III est un échec sur le plan personnel, mais elle fait preuve d’une intelligence politique rare. Elle tisse des alliances, se montre attentive aux attentes de la noblesse et du peuple, et parvient à gagner la confiance de ceux qui comptent. Son sens de l’opportunité et sa capacité à s’adapter à toutes les situations lui permettent de se présenter, au moment décisif, comme la seule capable de sauver la Russie du chaos.

Une politique de modernisation

Dès son accession au trône, Catherine entreprend de moderniser la Russie en profondeur. Admiratrice des Lumières, elle correspond avec Voltaire, Diderot et d’autres philosophes européens, finance l’Encyclopédie et fait de Saint-Pétersbourg un foyer intellectuel et artistique. Elle réforme l’administration, crée de nouvelles provinces, encourage l’éducation et la diffusion du savoir.

Catherine veut donner à la Russie les moyens d’entrer dans le cercle des grandes puissances européennes. Elle s’entoure de savants, d’artistes et de penseurs, tout en consolidant son autorité sur un empire immense, marqué par la diversité des peuples et des religions.

Une politique d’expansion

Sous son règne, la Russie connaît une expansion territoriale sans précédent. Catherine mène deux guerres victorieuses contre l’Empire ottoman, annexe la Crimée en 1783 et assure à la Russie un accès stratégique à la mer Noire. Elle joue un rôle clé dans les trois partages de la Pologne, qui permettent à l’Empire russe de s’étendre à l’ouest sur plus de 500 000 km² de nouveaux territoires.

Sa politique étrangère, guidée par le réalisme et le sens de l’intérêt national, place la Russie au cœur des équilibres européens. Catherine sait aussi éviter certains conflits, préférant parfois la diplomatie à la guerre, mais elle n’hésite jamais à user de la force pour défendre ou agrandir son empire.

Une politique sociale entre ambitions et réalités

Catherine se veut une souveraine éclairée, soucieuse de justice et de progrès. Elle rédige le Nakaz, un texte inspiré par Montesquieu et les Lumières, qui condamne la torture et prône l’égalité devant la loi. Elle réforme l’administration provinciale, accorde des chartes à la noblesse et aux villes, et encourage la création d’écoles et d’hôpitaux.

Mais la réalité du pouvoir la rattrape : face à l’opposition de la noblesse, elle ne parvient pas à abolir le servage, qui se renforce même sous son règne. Les serfs restent soumis à l’autorité des propriétaires, et les révoltes, comme celle de Pougatchev, sont réprimées avec une grande violence. Si Catherine modernise certains aspects de la société russe, elle ne remet pas en cause les fondements de l’ordre social traditionnel.

Une vie sentimentale fascinante

La vie privée de Catherine fascine autant que sa politique. Mariée à un homme qu’elle n’aime pas, elle cherche l’affection et le soutien auprès de plusieurs amants, qui deviennent souvent ses alliés politiques. Grigori Orlov, acteur du coup d’État, Grigori Potemkine, son grand amour et conseiller, mais aussi d’autres favoris, partagent sa vie et participent à la gestion du pouvoir.

Catherine assume ses passions avec une liberté rare pour une femme de son époque, mais elle reste fidèle à un seul homme à la fois, leur offrant titres et richesses en reconnaissance de leur loyauté. Sa vie sentimentale, loin d’être un simple sujet de scandale, s’inscrit dans une stratégie de pouvoir et d’indépendance, où l’affectif et le politique se rejoignent.

Des relations familiales tendues

La relation entre Catherine et son fils Paul est marquée par la distance, la méfiance et la rivalité. Catherine n’élève pas elle-même Paul, qui lui est retiré dès la naissance, et plus tard, elle prive son fils de l’éducation de ses propres enfants, Alexandre et Constantin, qu’elle élève personnellement.

Elle prépare Alexandre à la succession, nourrissant l’espoir de voir son petit-fils lui succéder plutôt que Paul. Ce choix accentue le ressentiment de Paul, qui vit cette situation comme une humiliation et une injustice. Les liens familiaux se tendent, et à la mort de Catherine, Paul s’empresse de prendre le pouvoir, effaçant l’héritage politique de sa mère et réhabilitant la mémoire de son père, Pierre III.

La fin d’un règne, le début d’une légende

Catherine meurt subitement en novembre 1796, victime d’une attaque. Paul, son fils, prend immédiatement le trône, détruit le testament de sa mère qui aurait pu l’écarter de la succession, et marque une rupture avec le règne maternel. Il fait exhumer le corps de Pierre III et le fait enterrer avec les honneurs, affirmant ainsi sa revanche sur Catherine. Pourtant, l’histoire retient de Catherine II une souveraine ambitieuse, cultivée et autoritaire, qui transforme la Russie en puissance majeure, modernise l’État et laisse un héritage contrasté, fait de progrès, de conquêtes et d’inégalités. Son règne, entre passions et grandeur, continue de fasciner et d’interroger l’Europe et le monde.


Illustration:
– Portrait de Catherine II la Grande par Johann Baptist von Lampi, années 1780. – Wikipédia
– Catherine II sur le balcon du palais d’Hiver le jour du coup d’État. – Wikipédia
– Pierre III de Russie (1761). – Wikipédia

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