Explosion à Wall Street

ÇA EXPLOSE À WALL STREET ! 📆 16 septembre 1920

Le 16 septembre 1920, alors que les employés du quartier financier sortent déjeuner, le quotidien de Wall Street bascule soudain dans l’horreur : une explosion retentit au 23 Wall Street, devant le siège de la banque la plus puissante d’Amérique. Dans la poussière et le fracas, New York vient de vivre l’attentat le plus meurtrier de son histoire, un événement qui laisse tout le pays sous le choc.

Le drame devant Wall Street

À midi, la vie bourdonne devant la porte de J.P. Morgan & Co. lorsqu’un chariot piégé, garé près du carrefour de Wall Street et Broad Street, se transforme en boule de feu. La déflagration emporte 38 vies, parfois littéralement désintégrées, et blesse plus de 200 personnes. On retrouve sur les pavés des corps anonymes, des vêtements éparpillés et le regard perdu de rescapés qui peinent à réaliser ce qui vient d’arriver.

Pour la première fois, la Bourse ferme ses portes, des soldats envahissent la rue et les secouristes plongent dans la confusion. Dans ce tumulte, des tracts anarchistes jonchent le sol, promettant la mort aux puissants si les « prisonniers politiques » ne sont pas libérés.

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Qui a frappé ? Peut-être les galleanistes

Les enquêteurs, dépassés par l’ampleur et le mystère, cherchent pendant des semaines l’auteur du carnage. Aucun groupe ne revendique l’attentat mais tout désigne les galleanistes, un cercle d’anarchistes italiens réputés pour leur radicalité. Guidés par l’idéologie de Luigi Galleani, ils prônent la « propagande par le fait » : une violence assumée, censée ouvrir les yeux du peuple et défier la domination des élites. Le FBI, alors tout jeune, enquête sans relâche mais les pistes se refroidissent vite, les suspects disparaissent dans la foule, et le crime reste inexpliqué.

Au sein des bas-fonds immigrés, les galleanistes vibrent d’une énergie insurrectionnelle. Réunis autour du journal Cronaca Sovversiva, ils glorifient la révolte et rêvent d’une société libérée de toute autorité, par l’action directe et la dynamite si besoin. Leur refus du compromis les distingue : ils ne veulent ni négocier ni attendre de réformes. Les bombes, les sabotages et les attaques spectaculaires deviennent leurs armes contre l’État et les « rois de la finance ». Ces militants enflamment les imaginaires, effraient les bourgeois et font trembler les puissants, convaincus que seule la peur peut réveiller la société endormie.

L’angoisse et la suspicion s’installent durablement dans une Amérique déjà traversée par la « peur rouge ».

Une étrange prédiction

Parmi les figures inattendues qui entrent dans cette tragédie, le nom d’Edwin Fisher surgit dans la presse et intrigue la police autant que le public. Ce joueur de tennis réputé prédit de façon troublante l’explosion sur Wall Street : il envoie des cartes postales à ses proches, les exhortant à quitter le quartier avant le 16 septembre.

Arrêté quelques jours plus tard au Canada, Fisher porte curieusement deux costumes superposés et une tenue de tennis en dessous, expliquant qu’il souhaite toujours être « prêt pour un match ». Les enquêteurs le ramènent à New York, où il affirme avoir reçu ces informations « par la voix de Dieu ».

Rapidement, la police découvre que Fischer souffre de troubles mentaux, coutumier des mises en garde prophétiques souvent infondées. Il est déclaré « fou mais inoffensif » et interné à Amityville. Sa prédiction ne relève pas d’un quelconque complot, mais du hasard et de sa psychose. La presse, d’abord avide de sensationnalisme, se détourne alors de Fisher pour se tourner vers de nouveaux suspects.

J.P. Morgan, symbole honni

Derrière la façade vénérable du 23 Wall Street, J.P. Morgan symbolise tout ce que les anarchistes haïssent. Ce banquier de légende, puis son fils J.P. Morgan Jr., règnent sur les marchés, dictent la politique financière et accumulent des fortunes records dans les cercles dorés du capitalisme.

Les plus pauvres rêvent d’ouverture, mais Morgan impose un ordre impitoyable : il rachète, fusionne, monopolise l’acier, les chemins de fer, la banque et bouleverse la vie de millions d’Américains. Sa richesse ostentatoire nourrit scandales et polémiques, ses réseaux influencent le gouvernement, et son nom incarne le « capitalisme sauvage », ce système où les inégalités explosent et où l’élite écrase ceux d’en bas.

Quand la bombe frappe Wall Street, elle vise donc bien plus qu’un bâtiment : elle attaque le mythe et la force d’un pouvoir jugé intouchable.

Après le carnage, New York ne se remet pas. Les craintes et la méfiance grandissent, et la société américaine durcit sa surveillance envers les immigrés et les militants radicaux. Les cicatrices, physiques et morales, restent béantes : le mur du 23 Wall Street, marqué par l’explosion, ne sera jamais réparé. L’attentat devient un épisode fondateur du terrorisme moderne, une leçon sur la fragilité de l’ordre et la puissance de la contestation.


Illustration: Attentat de Wall Street (1920). – Wikipédia