femme sous une burqa servant deux afghans conversant joyeusement autour d'une bière - Image IA

DEPUIS LORS, ELLES DISPARAISSENT, ÉCRASÉES PAR UNE CHAPE DE PLOMB 📆 27 septembre 1996

En ce jour du 27 septembre 1996, une atmosphère étrange envahit Kaboul. Les habitants, exténués par des années de guerre civile, voient une armée inhabituelle entrer dans la capitale : les Talibans. Sans véritable résistance, la ville passe sous le contrôle de ces « étudiants en religion ». Pour beaucoup, c’est la fin d’un cycle de violence et la promesse d’un ordre nouveau.

Mais derrière le soulagement se profile une période de terreur. À peine installés, les Talibans exposent leur régime, exécutant brutalement l’ancien président Najibullah et édifiant leur pouvoir sur la peur et la soumission. Le calme apparent de Kaboul dissimule les combats qui persistent dans la vallée du Panchir où Massoud organise la résistance. La société afghane s’apprête à changer radicalement sous ce nouveau régime.

Une naissance dans le chaos

Les Talibans ne surgissent pas de nulle part. Ils naissent dans les profondeurs du chaos laissé par la fin de l’occupation soviétique et la chute du régime communiste. À partir de 1992, Kaboul devient le champ de bataille des moudjahidines, ces ex-combattants islamistes divisés par des rivalités ethniques, religieuses et régionales. Des bombardements incessants, des exodes et une insécurité permanente font sombrer la population dans le désespoir.

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C’est au sein des camps de réfugiés installés au Pakistan que des milliers de jeunes hommes se forgent une identité nouvelle dans les madrasas du courant deobandi, recevant un enseignement religieux austère et simplifié. Leur chef, le mollah Omar, un vétéran du djihad contre les Soviétiques, commence à fédérer la jeunesse pachtoune autour d’un projet de restauration islamique et d’ordre social, soutenu par l’ISI, les services secrets pakistanais.

En 1994, les premiers groupes talibans traversent la frontière et, portés par la lassitude des villageois afghans face aux bandits et chefs de guerre, s’emparent vite du Sud puis du centre du pays, promettant sécurité et justice.

L’espoir d’un retour à l’ordre

Avant la prise de Kaboul, le pays s’enlise dans l’anarchie. Les gouvernants, héritiers du djihad antisoviétique, forment une coalition instable alimentée par les luttes internes, chaque chef de guerre cherchant à conforter son pouvoir. Kaboul, dévastée par les combats et la misère, incarne le gouffre d’une nation fragmentée où la population s’efforce simplement de survivre. Les rivalités entre Ahmed Chah Massoud, Gulbuddin Hekmatyar et d’autres leaders montrent la fragilité de l’État afghan, incapable de s’unifier.

Cette faiblesse permet aux Talibans de se présenter comme les porteurs d’un nouveau souffle et d’un destin collectif redéfini autour de l’islam rigoriste, qu’ils imposent aussitôt leur victoire acquise le 27 septembre 1996.

Les racines profondes de leur idéologie

L’idéologie des Talibans plonge ses racines dans l’école deobandi, fondée en Inde coloniale à la fin du XIXe siècle, cherchant à « purifier » l’islam des influences étrangères et à revenir aux sources. Importée massivement dans les madrasas du Pakistan dès les années 1980, cette tradition encourage la soumission à une interprétation stricte, littérale et formelle des textes religieux. Les élèves talibans absorbent des principes de séparation stricte des sexes, de rejet du débat intellectuel et d’admiration pour une société islamique « pure » calquée sur la vie du Prophète.

Cette formation religieuse est renforcée par le wahhabisme saoudien, qui promeut des pratiques encore plus extrêmes et codifie l’exclusion du féminin. Ajoutée aux traditions patriarcales et tribales pachtounes, l’idéologie talibane prend la forme d’un projet global de transformation sociale et politique, incarné dans une volonté d’effacement de tout ce qui échappe à leur vision de la vertu.

Un quotidien marqué par la disparition des femmes

Dès leur arrivée, les Talibans imposent une série de nouvelles règles sociales basées sur une lecture ultraconservatrice de la charia.

Les femmes, premières sacrifiées, se voient exclues de toute activité publique : enseignement, travail, déplacement sans mahram, vie culturelle et sociale leur sont interdits. La burqa devient obligatoire, la voix féminine disparaît des rues et des médias. Cette volonté d’effacement vise à « protéger » la moralité publique mais, en réalité, elle asservit, isole et appauvrit moralement la société afghane. Les châtiments corporels, les exécutions publiques et la surveillance omniprésente instaurent un climat de terreur.

Un combattant taliban monte la garde pendant que des femmes attendent de recevoir des rations alimentaires distribuées par un groupe d’aide humanitaire, à Kaboul, en Afghanistan, en mai 2023. (AP Photo/Ebrahim Noroozi, File) - theconversation.com

Un combattant taliban monte la garde pendant que des femmes attendent de recevoir des rations alimentaires distribuées par un groupe d’aide humanitaire, à Kaboul, en Afghanistan, en mai 2023. (AP Photo/Ebrahim Noroozi, File) – theconversation.com

Ce modèle repose sur la fusion de l’interprétation religieuse extrême et des valeurs tribales, justifiant l’infériorité sociale des femmes au nom de la pureté et de l’ordre moral.

L’ordre et l’effacement, la vie sous le régime taliban

Sous le régime taliban, l’ordre social repose sur la peur et l’effacement des libertés. Les pratiques jugées impies, comme la musique, le cinéma ou l’art, disparaissent sous le poids de la censure et du vandalisme religieux, avec des actes emblématiques comme la destruction des Bouddhas de Bamiyan. Les minorités religieuses sont persécutées, la moindre déviance fait l’objet de châtiments publics. Ce régime, faussement stabilisateur, appauvrit les échanges humains et condamne la diversité sur l’autel d’une unicité religieuse imposée.

Kaboul, autrefois ville de rencontres et d’échanges, devient le symbole d’une société repliée, prise entre la peur et la soumission, attendant qu’un souffle de liberté revive un jour sur ses pierres usées.


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