INCAS, LE DERNIER DES CONURES 📆 21 fĂ©vrier 1918

Incas, le dernier spĂ©cimen connu de Conure de Caroline, meurt le 21 fĂ©vrier 1918 au zoo de Cincinnati, Ohio, aux États-Unis. Sa mort marque l’extinction officielle de cette espĂšce unique de perroquet nord-amĂ©ricain.

Le Conure de Caroline (Conuropsis carolinensis), appelĂ© aussi Conure Ă  tĂȘte jaune, est une espĂšce de perroquet autrefois abondante dans le sud-est des États-Unis. C’est le seul perroquet indigĂšne des États-Unis continentaux Ă  l’est des montagnes Rocheuses. Il se caractĂ©rise par son plumage vert vif, sa tĂȘte jaune-orange et ses longues ailes pointues.

L’habitat naturel du Conure de Caroline se compose principalement de forĂȘts anciennes humides, de marĂ©cages et de zones boisĂ©es le long des riviĂšres dans le sud-est des États-Unis. Ces oiseaux nichent dans des cavitĂ©s d’arbres, particuliĂšrement dans les cyprĂšs et les sycomores. Leur comportement est hautement social : ils vivent en colonies pouvant atteindre 200 Ă  300 individus. Ils sont monogames et forment des couples durables. Leur activitĂ© est plus intense au lever et au coucher du soleil, pĂ©riode durant laquelle ils partent en groupe pour se nourrir. Malheureusement, leur comportement grĂ©gaire et leur tendance Ă  revenir vers leurs congĂ©nĂšres blessĂ©s ou morts les rendent particuliĂšrement vulnĂ©rables Ă  la chasse.

Le Conure de Caroline est dĂ©cimĂ© en raison de plusieurs facteurs liĂ©s Ă  l’activitĂ© humaine. La destruction massive de son habitat due Ă  la dĂ©forestation et Ă  l’expansion agricole joue un rĂŽle majeur. De plus, ces oiseaux sont intensivement chassĂ©s par les fermiers qui les considĂšrent comme nuisibles pour leurs cultures. Le commerce des animaux de compagnie et la mode des plumes pour la dĂ©coration des chapeaux contribuent Ă©galement Ă  leur dĂ©clin. Leur comportement social, qui les pousse Ă  se rassembler autour de leurs congĂ©nĂšres abattus, facilite les massacres Ă  grande Ă©chelle. Cette combinaison de facteurs entraĂźne une extinction rapide de l’espĂšce en l’espace d’un siĂšcle.

Incas passe les derniĂšres annĂ©es de sa vie au zoo de Cincinnati avec sa compagne, Lady Jane. AprĂšs la mort de celle-ci en 1917, Incas devient le dernier reprĂ©sentant connu de son espĂšce. Il survit seul pendant quelques mois avant de mourir le 21 fĂ©vrier 1918. Ses gardiens pensent qu’il est mort de chagrin aprĂšs la perte de sa compagne. AprĂšs sa mort, son corps est congelĂ© et doit ĂȘtre envoyĂ© au Smithsonian Institution Ă  Washington pour conservation. Cependant, de maniĂšre mystĂ©rieuse, le corps n’arrive jamais Ă  destination ou est peut-ĂȘtre dĂ©robĂ©, ajoutant une note Ă©nigmatique Ă  la fin tragique de cette espĂšce unique.

Jean-Jacques Audubon (1785-1851), ornithologue amĂ©ricain d’origine française, parle ainsi du Conure de Caroline dans les annĂ©es 1830 :

Le perroquet consomme ou dĂ©truit presque toutes les sortes de fruits sans distinction, et de ce fait il est toujours un visiteur indĂ©sirable pour le planteur, le fermier ou le jardinier. Les meules de blĂ© dressĂ©es dans les champs sont prises d’assaut par des bandes de ces oiseaux, qui gĂ©nĂ©ralement les recouvrent si totalement qu’elles donnent l’impression d’avoir Ă©tĂ© couvertes d’un tapis aux couleurs chatoyantes. Ils s’accrochent tout autour de la meule, en extraient les Ă©pis et dĂ©truisent deux fois plus de grains qu’il serait nĂ©cessaire pour les rassasier. Ils s’attaquent aux poiriers et aux pommiers alors que les fruits sont encore petits et loin d’ĂȘtre mĂ»rs, et cela rien que pour les pĂ©pins. Comme pour les meules de blĂ©, ils s’abattent en grands nombres sur les pommiers de nos vergers et les poiriers de nos jardins, et comme si ce n’était que pour nuire, cueillent les fruits, les ouvrent jusqu’au centre et, dĂ©sappointĂ©s Ă  la vue des pĂ©pins qui sont encore tendres et d’aspect laiteux, laissent tomber la pomme ou la poire et en prennent une autre, passant de branche en branche jusqu’à ce que les arbres, qui au dĂ©part Ă©taient si prometteurs, soient complĂštement dĂ©nudĂ©s. Ils s’attaquent aux mĂ»res, noix de pĂ©can, raisins et mĂȘme baies de cornouillers, avant leur maturitĂ©, et font partout les mĂȘmes dĂ©gĂąts.

N’imaginez pas que tous ces mĂ©faits soient commis sans de sĂ©vĂšres reprĂ©sailles de la part des planteurs. Les perroquets sont dĂ©truits en grandes quantitĂ©s : pendant qu’ils sont occupĂ©s Ă  cueillir les fruits oĂč Ă  extraire les Ă©pis hors des meules, l’exploitant les approche Ă  son aise et fait un carnage. Tous les survivants s’envolent avec des cris stridents, volent alentour pendant quelques minutes et reviennent se poser Ă  la mĂȘme dangereuse place. Le fusil claque Ă  nouveau, 8 ou 10, voire 20, sont tuĂ©s Ă  chaque dĂ©charge. Les oiseaux qui vivent encore s’enfuient en criant toujours aussi fort, mais retournent encore sur la meule pour y ĂȘtre tirĂ©s, jusqu’à ce qu’il en reste si peu que le fermier considĂšre que ça ne vaut plus la peine d’user davantage de munitions. J’en ai vu plusieurs centaines dĂ©truits de cette façon en l’espace de quelques heures, et me suis procurĂ© un plein panier de ces oiseaux dans le but de sĂ©lectionner de beaux spĂ©cimens pour les dessiner.


Photos (Wikipédia):
– Conure Ă  tĂȘte jaune (Conuropsis carolinensis)
– SpĂ©cimen naturalisĂ© de Conure

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