Le 20 novembre 1969, un groupe d’activistes amérindiens venu de nombreuses tribus différentes débarque pacifiquement sur l’île d’Alcatraz, dans la baie de San Francisco. Ce petit groupe, composé d’hommes, de femmes et d’enfants, est déterminé à revendiquer pacifiquement cette ancienne prison fédérale fermée depuis 1963.
Menés par Richard Oakes, un Mohawk charismatique, et Grace Thorpe, descendante d’une grande lignée, ils entament une occupation qui va durer près de 19 mois. Cette action est un moment fondateur et symbolique dans la lutte pour la reconnaissance des droits des peuples autochtones aux États-Unis. L’île, surnommée « The Rock », représente un espace à la fois concret et symbolique, où les Amérindiens cherchent à se réapproprier leur histoire et leur dignité.
Durant dix-neuf mois, les occupants vivent dans des conditions précaires, mais ils sont soutenus par un réseau de sympathisants venus de tout le pays. Des habitants de San Francisco, des militants, des artistes, et même des célébrités leur apportent des vivres, des vêtements et un soutien moral. Malgré une tentative de blocus par les garde-côtes, des bateaux remplis de provisions franchissent les barrages, illustrant une solidarité large et profonde. Cette période est marquée par un mélange d’espérance, de tensions internes et d’affrontements avec les autorités, qui cherchent à affaiblir le mouvement par la coupure des moyens d’eau et d’électricité. Cependant, la détermination des occupants ne faiblit pas ; leur résistance devient un catalyseur pour le mouvement des droits autochtones à travers le pays.
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Au cœur de leurs revendications se trouve la restitution des terres selon les stipulations du traité de Fort Laramie de 1868. Ce traité historique garantit aux tribus Lakota et autres le droit à des territoires protégés, notamment les Black Hills, terres sacrées pour eux. Le viol de ce traité par les États-Unis, notamment après la découverte d’or dans les Black Hills, mène à la saisie des terres indiennes en 1877 et à des conflits armés. En prenant possession d’Alcatraz, territoire fédéral inutilisé, les Amérindiens affirment leur droit à récupérer ce qui leur appartient selon la loi. Ils souhaitent transformer l’île en un centre culturel, éducatif et autonome, un lieu de renaissance pour leurs peuples. Cette revendication dépasse la simple occupation : elle dénonce des décennies d’injustices, de politiques oppressives et de marginalisation systématique.
Le climat social et politique des États-Unis en 1969 nourrit ce type d’engagement. Le pays est en proie à de profondes divisions à cause de la guerre du Vietnam, qui suscite un rejet massif parmi la jeunesse et les militants pacifistes. Parallèlement, les mouvements pour les droits civiques des Noirs prennent de l’ampleur, la lutte féministe gagne en visibilité, et plus largement, toute une contre-culture remet en question l’ordre établi. Ces dynamiques convergent pour ouvrir un espace de contestation et d’expression politique que les Amérindiens savent saisir avec force et créativité. Le président Nixon, au pouvoir depuis peu, incarne une politique souvent conservatrice, mais il ne peut ignorer la montée des revendications sociales et ethniques qui secouent la nation.
L’occupation d’Alcatraz représente ainsi un tournant historique dans la reconnaissance des droits des peuples autochtones. Même si elle ne débouche pas immédiatement sur une restitution officielle des terres, elle contribue à faire évoluer le regard du public et les politiques gouvernementales. Elle inspire un vaste mouvement pour la souveraineté tribale, la justice sociale et culturelle. Chaque année, cet épisode est commémoré comme un symbole de résistance et de combat pour la dignité, preuve que la nation amérindienne, loin d’être effacée, continue de lutter avec courage et détermination.
Illustration: Image IA
