Bernard Madoff, ancien président du Nasdaq et fondateur de Bernard L. Madoff Investment Securities LLC, plaide coupable le 12 mars 2009 pour avoir orchestré la plus grande escroquerie financière de l’histoire.
Bernard Lawrence Madoff est né le 29 avril 1938 à Queens, New York. En 1960, il fonde sa société d’investissement avec 5 000 dollars économisés comme maître-nageur et installateur de systèmes d’arrosage, auxquels s’ajoutent 50 000 dollars empruntés à ses beaux-parents. Sa société connaît une croissance rapide, attirant des clients célèbres comme Steven Spielberg, Kevin Bacon et Kyra Sedgwick grâce à des rendements annuels fiables d’au moins 10%. Au fil des années, Madoff devient une figure respectée de Wall Street, siégeant même comme président du Nasdaq pendant trois mandats d’un an. Son entreprise devient une affaire familiale, employant son frère Peter comme responsable de la conformité et plus tard ses fils Andrew et Mark comme traders.
Madoff prétendait générer des rendements importants et réguliers grâce à une stratégie d’investissement légitime appelée « split-strike conversion ». En réalité, il n’investissait pas l’argent de ses clients. Il déposait leurs fonds dans un compte bancaire unique qu’il utilisait pour payer les clients existants qui souhaitaient récupérer leur argent. Ce mécanisme est connu sous le nom de système de Ponzi.
Un système de Ponzi est une forme de fraude qui attire les investisseurs et verse des profits aux premiers investisseurs avec les fonds des investisseurs plus récents. Nommé d’après l’homme d’affaires italien Charles Ponzi, ce type d’escroquerie induit les investisseurs en erreur en suggérant faussement que les profits proviennent d’activités commerciales légitimes (alors que ces activités sont inexistantes), ou en exagérant l’étendue et la rentabilité des activités légitimes. Un système de Ponzi peut maintenir l’illusion d’une entreprise viable tant que les investisseurs continuent d’apporter de nouveaux fonds et que la plupart d’entre eux ne demandent pas un remboursement complet.
La fraude de Madoff s’effondre en décembre 2008, dans le contexte de la crise financière mondiale. Face à cette crise, de nombreux investisseurs cherchent à retirer leurs fonds, ce qui met Madoff dans l’impossibilité de répondre à toutes les demandes. En décembre 2008, il doit faire face à des demandes de retrait d’environ 7 milliards de dollars, alors qu’il ne dispose que d’un milliard en banque.
Le 10 décembre 2008, Madoff avoue à sa femme et à ses deux fils que toute son entreprise repose sur une gigantesque fraude. Le lendemain, ses fils le dénoncent au FBI. Bernard Madoff est arrêté le 12 décembre 2008 et avoue immédiatement aux agents du FBI : « Il n’y a pas d’explication innocente. Je gérais un énorme système de Ponzi ».
L’ampleur de la fraude de Madoff est colossale. Les derniers relevés de son fonds indiquaient 64,8 milliards de dollars d’actifs clients. Selon les procureurs, 170 milliards de dollars ont transité par le compte principal de Madoff au fil des décennies. Environ 4 800 clients directs ont été touchés, mais le Madoff Victim Fund (MVF) a identifié un nombre bien plus important de victimes, approuvant 42 735 pétitions de victimes dans 127 pays.
Contrairement à certaines idées reçues, la majorité des victimes étaient des petits investisseurs : sur les 23 408 victimes recevant des paiements lors de la dixième distribution du MVF, plus de 76% avaient subi des pertes inférieures à 100 000 dollars. Les victimes incluaient également des célébrités comme le lauréat du prix Nobel de la paix Elie Wiesel, des institutions financières, 108 universités et écoles à travers le monde, de nombreuses organisations caritatives et fondations, et des fonds de pension qui ont collectivement perdu plus de 750 millions de dollars.
Plusieurs signaux d’alerte auraient dû alerter les régulateurs et les investisseurs. Dès 1999, Harry Markopolos, un analyste financier, avait alerté par écrit la SEC (Securities and Exchange Commission) à plusieurs reprises. En 2005, il avait même soumis un rapport intitulé « Le plus grand hedge fund du monde est une escroquerie ».
Malgré ces alertes, la SEC a contrôlé les livres de comptes de Madoff en 2006 sans détecter la moindre irrégularité. La SEC n’a jamais découvert la fraude, malgré cinq enquêtes successives. Parmi les signaux d’alerte ignorés figuraient : des rendements garantis de 10 à 12% par an indépendamment des conditions du marché, un manque de transparence dans les stratégies d’investissement, des stratégies d’investissement complexes difficiles à comprendre, l’absence de surveillance réglementaire effective, et des tactiques de vente sous pression.
Le 29 juin 2009, le juge Denny Chin condamne Madoff à 150 ans de prison – la peine maximale possible pour le défendeur alors âgé de 71 ans. Madoff est envoyé au complexe correctionnel fédéral de Butner en Caroline du Nord pour purger sa peine.
Pendant son incarcération, Madoff apprend le décès de ses deux fils – Mark se suicide en décembre 2010, et Andrew succombe à un cancer en septembre 2014. En 2014, on rapporte que Madoff a subi une crise cardiaque et a été diagnostiqué avec une maladie rénale de stade 4. En 2020, il demande une libération anticipée en raison de problèmes de santé, se déclarant « en phase terminale ». Le juge Chin rejette sa demande, notant que de nombreuses victimes souffraient encore de leurs pertes financières et que « M. Madoff n’a jamais été véritablement repentant ». Bernard Madoff meurt en prison le 14 avril 2021 à l’âge de 82 ans.
Les membres de la famille n’ont-ils rien vu ?
La question de ce que savaient réellement les membres de la famille Madoff travaillant dans son entreprise reste un mystère complexe. Les fils de Madoff, Mark et Andrew, travaillaient dans la division de trading à New York et ont toujours nié toute connaissance de la fraude. Bernard Madoff lui-même a soutenu que ses fils n’étaient pas impliqués, une affirmation corroborée par sa secrétaire de longue date, Eleanor Squillari, qui croyait que si les fils avaient été complices, elle l’aurait su.
Les fils affirment avoir découvert le système frauduleux seulement le 10 décembre 2008, lors d’une réunion familiale où Madoff a avoué son crime. Selon leur version, ils ont immédiatement contacté les autorités, ce qui a conduit à l’arrestation de leur père le 11 décembre 20087. Ruth Madoff, l’épouse de Bernard, aurait même demandé « Qu’est-ce qu’un système de Ponzi ? » après la révélation de son mari, suggérant une ignorance totale.
Cependant, le liquidateur judiciaire de l’entreprise Madoff, Irving Picard, reste sceptique. Il a déclaré dans des documents judiciaires : « Les frères Madoff savaient, voyaient et étaient simplement trop intelligents pour prétendre de façon plausible ignorer la fraude ». Le fait que les fils dirigeaient les activités légitimes de l’entreprise (market-making et proprietary-trading) a pu donner une apparence de légitimité à l’unité de conseil en investissement frauduleuse de leur père.
La structure même de l’entreprise, avec une séparation entre les activités légitimes et frauduleuses, ainsi que l’utilisation de faux documents d’audit, pourrait expliquer comment la fraude a pu rester cachée même aux proches collaborateurs. Néanmoins, le doute persiste, et certains observateurs trouvent difficile de croire que la famille n’était pas au courant.
Le « business » du chocolat chaud
Fidèle à son tempérament d’entrepreneur, Madoff a réussi à créer un véritable monopole sur la distribution de chocolat en poudre dans sa prison. Il achetait tous les paquets de Swiss Miss disponibles à l’intendance pour les revendre avec une marge dans la cour de la prison. Comme le rapporte le journaliste Steve Fishman : « Il avait pris le monopole du chocolat chaud ! Il l’avait fait d’une telle manière que, si on en voulait, il fallait passer par Bernie ».
Madoff jouit d’un certain respect parmi ses codétenus qui le considèrent comme une « star » en raison de l’ampleur de sa fraude. « Il a volé plus d’argent que n’importe qui dans l’histoire, et pour les autres voleurs, cela fait de lui un héros », explique Steve Fishman. Il dîne souvent avec Carmine Persico, le parrain de la famille Colombo, une des cinq plus puissantes familles de la mafia italo-américaine.
Les gardiens de la prison lui demandent régulièrement des conseils de placement. Ses codétenus avaient même réclamé qu’il leur administre des cours quotidiens de finance et d’investissement, mais la direction de la prison a refusé, craignant la création d’une « Madoff Academy ». À son arrivée en prison, il aurait même proposé de se charger du budget des prisonniers.