NICE ET LA SAVOIE EN ÉCHANGE D’UN FUTUR ROYAUME D’ITALIE 📆 24 mars 1860

Le 24 mars 1860, il y a exactement 165 ans aujourd’hui, est signé à Turin un traité entre le Royaume de Sardaigne dirigé par Victor-Emmanuel II et la France de Napoléon III, officialisant la cession de Nice et de la Savoie à la France.

Le traité de Turin est un accord diplomatique qui officialise la « réunion » (terme utilisé dans le traité) de la Savoie et de l’arrondissement de Nice à la France. Le premier article stipule que « Sa Majesté le Roi de Sardaigne consent à l’annexion (réunion) de la Savoie et de l’arrondissement de Nice (circondario di Nizza) à la France, et renonce pour lui et tous ses descendants et successeurs […] à ses droits et titres sur lesdits territoires ». Une disposition importante du traité précise que cette réunion doit se faire « sans nulle contrainte de la volonté des populations », introduisant ainsi le principe du consentement populaire. Le traité prévoit également le maintien de la zone neutralisée de la Savoie du Nord garantie par le traité de Turin de 1816 et la création d’une commission mixte pour déterminer les frontières entre les deux États.

La cession de Nice et de la Savoie par le Royaume de Sardaigne s’inscrit dans une stratégie politique plus large visant l’unification italienne. Cette décision trouve son origine dans l’entrevue secrète de Plombières-les-Bains du 21 juillet 1858 entre Napoléon III et le comte de Cavour, Premier ministre du Royaume de Sardaigne. Une disposition clé du traité stipule que la cession de Nice et de la Savoie est conditionnée à l’annexion par le Piémont de la Lombardie et de la Vénétie. En échange de ces territoires, la France s’engage à soutenir militairement et diplomatiquement le Royaume de Sardaigne dans son projet d’unification italienne face à l’Autriche.

Quant au plébiscite qui suit, il donne des résultats massivement favorables au rattachement à la France (99,3% de « oui » à Nice et 99,7% en Savoie). Plusieurs facteurs expliquent ce large soutien : les populations espèrent un développement économique et social rapide en rejoignant la France; le roi Victor-Emmanuel II lui-même encourage ses sujets à choisir le rattachement à la France dans sa proclamation du 1er avril 1860; et ces territoires ont déjà connu des périodes d’appartenance à la France pendant la Révolution et l’Empire. Néanmoins, des critiques sont émises sur les conditions du vote, notamment des pressions exercées sur les électeurs et l’absence d’une véritable campagne en faveur du maintien dans le Piémont.

Le Royaume de Sardaigne est un État dirigé par la Maison de Savoie de 1720 à 1861. Bien que son nom officiel fasse référence à l’île de Sardaigne, le centre politique, culturel et démographique du royaume se trouve en réalité sur le continent, principalement dans le Piémont avec Turin comme capitale de facto. Avant 1847, seule l’île de Sardaigne proprement dite fait partie du Royaume de Sardaigne, tandis que les autres possessions continentales (principalement le Duché de Savoie, la Principauté de Piémont, le Comté de Nice, le Duché de Gênes et d’autres) sont détenues par les Savoie en leur propre nom, formant ainsi une monarchie composite et une union personnelle, officiellement désignée comme les « États de Sa Majesté le Roi de Sardaigne ». Cette situation change avec l’acte de Fusion Parfaite de 1847, qui crée un royaume unitaire.

Le Royaume de Sardaigne joue un rôle fondamental dans l’unification de l’Italie, agissant comme le moteur principal du Risorgimento (mouvement d’unification italienne) au XIXe siècle. Sous la direction du comte Camillo Benso di Cavour, nommé Premier ministre en 1852, le Royaume de Sardaigne devient la force motrice de l’unification italienne. Cavour met en œuvre plusieurs initiatives cruciales pour réaliser ce projet ambitieux : il profite de la participation du Royaume de Sardaigne à la guerre de Crimée pour accroître le profil international du mouvement; il forge une alliance stratégique avec la France de Napoléon III; et il provoque habilement l’Autriche pour qu’elle déclare la guerre à la Sardaigne.

L’expansion territoriale se poursuit rapidement : le 5 mars 1860, Parme, Plaisance, Toscane, Modène et Romagne votent par référendum leur rattachement au Royaume de Sardaigne; en 1860, Giuseppe Garibaldi conquiert le Royaume des Deux-Siciles au nom du Royaume de Sardaigne. Finalement, le 17 mars 1861, pour refléter sa nouvelle étendue géographique, culturelle et politique, le Royaume de Sardaigne change son nom en Royaume d’Italie.

En 2010, des questions sont soulevées concernant la validité juridique du traité de Turin, notamment par le député Yves Nicolin qui interroge le gouvernement français sur l’enregistrement du traité auprès de l’ONU. Le ministère des Affaires étrangères français confirme clairement que « ce traité est toujours en vigueur » et que « l’absence d’un tel enregistrement n’a aucune incidence sur l’existence ou la validité de ce traité ». Le ministère précise également que le secrétariat des Nations unies a pour « politique constante de ne pas enregistrer les traités historiques antérieurs à la mise en place de l’organisation ». Après sa signature il y a 165 ans, le traité de Turin demeure donc le fondement juridique de l’appartenance de la Savoie et de Nice à la France.


Illustrations (Wikipédia):
– Citoyens de Chambéry plébiscitant l’annexion de la Savoie en 1860, Louis Houssot.
– Affiche reprenant le texte du traité de Turin.
– Les États italiens pendant la période du Risorgimento.

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