CATASTROPHE À LA TRIANGLE SHIRTWAIST FACTORY 📆 25 mars 1911

Le 25 mars 1911, un incendie se déclare à la Triangle Shirtwaist Factory à New York, causant la mort de 146 personnes, principalement des jeunes femmes immigrées, en raison de mauvaises conditions de sécurité et de portes verrouillées.

En direct de l’enfer

New York, 25 mars 1911 – 16h45

Une Ă©paisse fumĂ©e Ăącre s’Ă©chappe des fenĂȘtres du 8e Ă©tage de l’Asch Building. Des cris dĂ©chirent l’air alors que des silhouettes enflammĂ©es se jettent dans le vide. La Triangle Shirtwaist Factory est devenue un piĂšge mortel pour ces centaines d’ouvriĂšres, majoritairement des jeunes immigrĂ©es italiennes et juives de 14 Ă  23 ans.

Sur place, l’horreur se dĂ©roule minute par minute. Les pompiers arrivent en trombe, mais leurs Ă©chelles ne dĂ©passent pas le 6e Ă©tage. Trop courtes. Trop tard. Les bouches d’incendie manquent de pression, les jets d’eau n’atteignent pas les Ă©tages supĂ©rieurs.

Au 9e Ă©tage, des dizaines de mains dĂ©sespĂ©rĂ©es frappent les fenĂȘtres. Certaines tentent de descendre le fragile escalier de secours qui ploie sous le poids des corps avant de se tordre comme du papier. D’autres, les cheveux en feu, prĂ©fĂšrent sauter. Leurs robes flamboyantes dessinent des traĂźnĂ©es lumineuses dans le ciel de Greenwich Village avant que les impacts ne rĂ©sonnent sur le pavĂ©. Un policier s’effondre, incapable de supporter le spectacle.

Pire encore : les portes de sortie sont verrouillĂ©es, une pratique courante pour empĂȘcher les vols. Les survivantes hurlent qu’elles ont tentĂ© en vain d’ouvrir la sortie Washington Place. Certaines s’entassent dans les ascenseurs jusqu’Ă  ce que les cĂąbles menacent de cĂ©der.

En 18 minutes, l’enfer consume 146 vies.

La justice des puissants

New York, 28 décembre 1911

Le verdict tombe comme un coup de massue : Blanck et Harris sont acquittĂ©s. AprĂšs Ă  peine 1h45 de dĂ©libĂ©ration, le jury a estimĂ© qu’on ne pouvait prouver que les propriĂ©taires de la Triangle Shirtwaist Factory savaient les portes verrouillĂ©es ce jour-lĂ .

Pourtant, les preuves sont accablantes. Les survivantes ont tĂ©moignĂ© en larmes : les sorties Ă©taient systĂ©matiquement cadenassĂ©es pour contrĂŽler les ouvriĂšres. L’avocat des patrons, Max Steuer, a retournĂ© cette vĂ©ritĂ© contre elles, les faisant rĂ©pĂ©ter leurs dĂ©clarations jusqu’Ă  ce qu’elles semblent rĂ©citer un script.

Et pendant que les familles des victimes enterrent leurs filles, Blanck et Harris encaissent 60 000 $ d’assurance – soit 400 $ par cadavre. Les familles, elles, devront se contenter de 75 $ par morte aprĂšs un procĂšs civil en 1913.

Une justice à deux vitesses : on pend des anarchistes pour des crimes imaginaires, mais on laisse des industriels tuer 146 personnes par négligence criminelle.

La récidive insultante

New York, 1913

Deux ans aprĂšs l’acquittement, Max Blanck est Ă  nouveau pris la main dans le sac. Portes verrouillĂ©es dans sa nouvelle usine de la 23e Rue. MĂȘmes pratiques. MĂȘmes risques.

Le tribunal le condamne Ă … 20 $ d’amende. Le prix d’une bouteille de vin dans un restaurant chic.

Pendant ce temps, les inspecteurs dĂ©couvrent dans son atelier des paniers en osier inflammables entassĂ©s contre les murs – une copie conforme des conditions ayant menĂ© Ă  la tragĂ©die de 1911. Blanck Ă©cope d’un simple avertissement.

L’impunitĂ© devient une provocation. Ces hommes n’ont rien appris, sinon qu’on peut sacrifier des villes ouvriĂšres sans consĂ©quences.

La chute des assassins

New York, années 1920

La malĂ©diction de David Wetner, ce frĂšre Ă©plorĂ© qui hurlait « On vous aura ! » aux acquittĂ©s en 1911, finit par s’accomplir.

Blanck et Harris sombrent progressivement dans la ruine. Leur réputation de tueurs en série les poursuit. Les syndicats les traquent, les clients les fuient. En 1918, la Triangle Shirtwaist Company ferme ses portes définitivement.

Harris disparaĂźt dans l’anonymat, effacĂ© par l’histoire. Blanck, lui, meurt criblĂ© de dettes en 1935. Son nom ne resurgira que comme un exemple des excĂšs du capitalisme sauvage.

Leur vĂ©ritable hĂ©ritage ? Les lois sur la sĂ©curitĂ© incendie qu’ils ont forcĂ© le pays Ă  adopter – Ă©crites avec le sang de leurs victimes.


Illustration: Bing Image Creator

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