Combattants moudjahidines

AFGHANISTAN 1979-1996 : DE L’INVASION SOVIÉTIQUE AU CAUCHEMAR TALIBAN 📆 15 mai 1988

Le 15 mai 1988, sous un ciel glacial de Kaboul, les premiers blindés soviétiques quittent la capitale afghane. Des soldats épuisés, le visage marqué par dix ans de guérilla, saluent une foule indifférente. Ce retrait, négocié dans l’urgence, scelle l’échec d’une guerre qui a coûté la vie à des centaines de milliers d’Afghans et transformé l’URSS en « empire mourant ». Mais loin de ramener la paix, il ouvre une décennie de chaos.

1979-1988 : L’engrenage fatal

En avril 1978, l’Afghanistan bascule dans l’histoire avec la révolution de Saur. Un coup d’État mené par le Parti démocratique populaire d’Afghanistan, d’obédience communiste, renverse le président Daoud Khan et installe un régime pro-soviétique à Kaboul. La réforme agraire, la promotion de l’égalité des sexes et la répression brutale des opposants soulèvent rapidement la colère des populations rurales, profondément attachées à l’islam et aux traditions tribales.

Face à la montée de la rébellion et à l’instabilité croissante, l’Union soviétique décide d’intervenir militairement en décembre 1979. Les troupes soviétiques, persuadées de pouvoir « pacifier » le pays en quelques mois, se heurtent à une résistance farouche. Les moudjahidines, soutenus par les États-Unis, le Pakistan, l’Arabie saoudite et la Chine, mènent une guérilla efficace dans les montagnes et les vallées.

L’Armée rouge, mal préparée à la guerre asymétrique, multiplie les opérations de ratissage, les bombardements et les représailles contre les villages soupçonnés d’abriter des rebelles. Les pertes humaines s’alourdissent : près de 15 000 soldats soviétiques tués, des dizaines de milliers de blessés, et du côté afghan, près de deux millions de morts et des millions de réfugiés. L’arrivée des missiles Stinger américains en 1985 change la donne : les hélicoptères soviétiques, jusque-là maîtres du ciel, sont abattus en nombre, rendant la situation intenable pour Moscou. La guerre s’enlise, l’URSS s’épuise, et l’Afghanistan s’enfonce dans la tragédie.

1988-1989 : La retraite russe

Le 15 mai 1988 marque le début officiel du retrait soviétique, conformément aux accords de Genève. Pour les soldats soviétiques, c’est le début d’un long et périlleux exode. Les colonnes de blindés et de camions serpentent à travers les cols enneigés, notamment la redoutable route du Salang, sous la menace constante des attaques des moudjahidines. Les combats sont quotidiens, les embuscades meurtrières. Malgré quelques trêves locales, notamment négociées avec le commandant Massoud dans la vallée du Panshir, la majorité des groupes armés continuent de harceler les troupes en retraite.

Dans les foyers soviétiques, la guerre devient insupportable. Les cercueils plombés arrivent dans les villages, et les mères, épouses et sœurs de soldats se mobilisent. Elles écrivent des lettres, organisent des rassemblements, interpellent les autorités. Leur mouvement, inédit dans l’histoire de l’URSS, ébranle le pouvoir. Mikhaïl Gorbatchev, sensible à cette pression populaire et conscient de l’impasse militaire, accélère le retrait.

Le 15 février 1989, le général Boris Gromov, commandant en chef des forces soviétiques, traverse à pied le pont de l’Amitié sur l’Amou-Daria, symbolisant la fin de l’intervention. Mais la guerre, elle, ne s’arrête pas. Le régime communiste de Kaboul, dirigé par Mohammad Najibullah, tient encore grâce à l’aide massive de Moscou. Les groupes armés, du radical Hezb-e Islami de Gulbuddin Hekmatyar au charismatique Jamiat-e Islami d’Ahmad Shah Massoud, restent en armes, prêts à s’affronter pour le contrôle du pays.

1989-1996 : du chaos aux talibans

Après le départ des Soviétiques, l’Afghanistan ne connaît pas la paix. Le régime de Najibullah, soutenu par l’aide financière et militaire soviétique, résiste étonnamment bien aux assauts des moudjahidines. Mais dès la chute de l’URSS en 1991, l’aide s’arrête brutalement. L’armée afghane, démoralisée et divisée, s’effondre. En 1992, Najibullah est renversé, et les moudjahidines entrent à Kaboul.

La victoire tourne rapidement à la tragédie. Incapables de s’entendre, les chefs de guerre se disputent le pouvoir. Kaboul devient le théâtre d’affrontements sanglants entre les factions d’Ahmad Shah Massoud, de Gulbuddin Hekmatyar et d’autres groupes armés. Les bombardements détruisent la ville, les civils fuient à nouveau, l’insécurité règne partout.

C’est dans ce chaos qu’émerge un nouveau mouvement : les talibans. Issus des tribus pachtounes du sud de l’Afghanistan, ils recrutent leurs membres parmi les réfugiés et les orphelins des camps du Pakistan, éduqués dans des madrassas de tendance rigoriste. Leur chef, le mollah Mohammad Omar, promet de restaurer l’ordre, d’appliquer la charia et de mettre fin à la corruption et aux exactions. Soutenus par le Pakistan et une partie de la population lassée par la guerre, les talibans s’emparent de Kandahar en 1994, puis de la majeure partie du pays. En septembre 1996, ils entrent à Kaboul, exécutent Najibullah et instaurent un régime fondamentaliste qui plonge l’Afghanistan dans l’obscurantisme.


Illustrations: Combattants moudjahidines dans la province afghane de Kounar en 1987. – Wikipédia

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