Canards colvert mâle et femelle

LA VIE, MOINS PAISIBLE QU’IL N’Y PARAIT, DU CANARD COLVERT 📆 24 mai

Le 24 mai correspond au 5 prairial du calendrier républicain, officiellement désigné comme le « jour du canard ». Imaginé pour rompre avec les traditions religieuses et célébrer la nature, ce calendrier attribue à chaque journée le nom d’un végétal, d’un outil ou d’un animal emblématique ; ainsi, le canard incarne ce quintidi printanier, hommage à la faune familière des campagnes françaises.

Episode I : la belle vie du canard colvert

Réveil à l’aube

Il est cinq heures du matin. Une fine brume s’étire paresseusement au-dessus de l’étang, enveloppant les roseaux d’un voile mystérieux. Notre canard colvert, Anas platyrhynchos de son nom scientifique, émerge lentement de son sommeil. Le mâle, avec sa tête d’un vert iridescent, son collier blanc et sa poitrine brun-châtaigne, se distingue nettement de la femelle, plus discrète avec son plumage brun moucheté. D’un mouvement souple, il déplie ses ailes bleu-violet – les fameux miroirs alaires – et secoue les gouttes de rosée qui perlent sur ses plumes. Son bec jaune vif fouille déjà le sol, à la recherche des premiers insectes matinaux. L’étang, encore silencieux, résonne du léger clapotis de ses pattes palmées qui fendent l’eau.

Petit-déjeuner sur l’eau

Le colvert glisse avec une aisance remarquable sur la surface miroitante, propulsé par ses larges pattes orangées. Son regard vif scrute les moindres mouvements sous l’eau. Il alterne entre la surface, où il picore des graines flottantes et des insectes, et de brèves immersions, la tête plongée, le corps à la verticale, pour atteindre les jeunes pousses d’élodées et de potamots. Parfois, il remonte à la surface avec un minuscule escargot d’eau ou une larve de libellule. Son bec plat, muni de lamelles, lui permet de filtrer la vase et de ne retenir que les éléments nutritifs. L’air est frais, empli du parfum de la terre humide, et déjà, quelques libellules tracent des arabesques lumineuses au-dessus de l’eau.

Douceur de vie en famille

Vers huit heures, le soleil perce les nuages, réchauffant l’étang et ses abords. D’autres colverts, mâles et femelles, rejoignent notre protagoniste, formant de petits groupes bruyants. Les parades nuptiales animent la scène : les mâles dressent la tête, gonflent leur poitrine, émettent des sifflements et des cancans graves pour attirer l’attention des femelles. Certains rivalisent d’élégance, effectuant de rapides battements d’ailes ou exposant leur miroir bleu en éventail. Les femelles, plus réservées, observent, évaluent, puis choisissent leur partenaire. Les interactions sont parfois vives : coups de bec, courses-poursuites et éclaboussures témoignent de la compétition entre mâles. Autour, les grenouilles coassent, les poules d’eau glissent furtivement, et les libellules poursuivent leur ballet aérien.

Après-midi entre détente et vigilence

Après le festin matinal, la chaleur monte doucement. Sur la berge, parmi les touffes de carex et les joncs, notre canard s’installe pour une sieste bien méritée. Il replie une patte sous son corps, tourne la tête et enfouit son bec dans les plumes de son dos. Mais, même au repos, il ne dort que d’un œil : le colvert est constamment sur le qui-vive. Un œil ouvert, il surveille les alentours, prêt à s’envoler au moindre danger. Le paysage est vivant : un héron cendré s’approche, cherchant sa pitance, tandis qu’un couple de foulques traverse l’étang en file indienne. Parfois, un renard ou une buse rôde, rappelant que la vigilance est la clé de la survie.

Entretien méticuleux du plumage

En milieu d’après-midi, le canard retourne à l’eau pour un rituel essentiel : la toilette. Il plonge, s’ébroue vigoureusement, puis frotte chaque plume avec son bec, les alignant soigneusement. Il atteint ensuite, avec une grande souplesse, la glande uropygienne située à la base de sa queue. Il en extrait une goutte d’huile qu’il répartit sur ses plumes, les rendant parfaitement imperméables. Ce soin méticuleux lui permet de rester léger, de flotter sans effort et de se protéger du froid. Autour de lui, d’autres oiseaux, comme les grèbes ou les poules d’eau, s’adonnent à la même activité, chacun selon son style.

Soirée au calme

À la tombée du jour, la lumière dorée enveloppe l’étang, faisant scintiller les gouttes d’eau sur les plumes du colvert. Les groupes se reforment, les canetons, déjà nés pour certains couples, suivent leur mère en file serrée, apprenant à se nourrir et à éviter les dangers. Les adultes échangent des cancans plus doux, se regroupent pour la nuit. Notre mâle rejoint sa compagne, surveillant d’un œil attentif le nid camouflé dans les hautes herbes, où la femelle couve précieusement ses œufs. Les roseaux bruissent sous la brise, et la faune nocturne s’éveille peu à peu.

Nuit paisible sous les étoiles

La nuit enveloppe l’étang d’un silence apaisant, seulement troublé par le chant lointain d’une chouette ou le croassement d’une grenouille. Les canards colverts, blottis dans les roseaux, dorment en groupe, profitant de la sécurité du nombre. Leurs plumes gonflées les isolent du froid nocturne. Quelques étoiles se reflètent sur l’eau calme, tandis qu’au loin, une loutre glisse furtivement. Demain, dès l’aube, notre canard reprendra son cycle immuable, acteur discret mais essentiel de la vie de l’étang.

Ainsi se déroule, dans la richesse du mois de mai, la journée d’un canard colvert, entre éclats de couleurs, stratégies de survie et harmonie avec son environnement foisonnant.


Episode II : débauche et dépravation chez le mâle colvert

Une compétition féroce et débridée

À l’approche du printemps, les zones humides se transforment en véritables arènes de la débauche. Chez le canard colvert, la montée des hormones atteint des sommets alarmants : les mâles, arborant leur plumage vert métallique et leur poitrine acajou, deviennent de véritables obsédés sexuels. Leurs testicules, qui grossissent de façon spectaculaire, témoignent de cette frénésie reproductive. Dès lors, la parade nuptiale, habituellement élégante, dégénère rapidement en une compétition sauvage et sans merci. Les mâles, grisés par leur désir, n’hésitent pas à harceler les femelles, multipliant les avances insistantes et les comportements agressifs. La saison des amours, loin d’être un doux ballet, se révèle être une période de tension extrême, où la dépravation du mâle colvert atteint son paroxysme.

Poursuites, harcèlement et assauts collectifs

Sur l’étang, le spectacle devient inquiétant. Plusieurs mâles, parfois jusqu’à une dizaine, se lancent à la poursuite d’une seule femelle, la forçant à fuir sans relâche. Cette chasse effrénée s’achève souvent par des assauts collectifs d’une rare brutalité. Le premier mâle parvient à immobiliser la femelle, la maintenant sous l’eau, tandis que d’autres attendent leur tour, prêts à profiter de la situation. Ces scènes de copulations forcées, qualifiées sans détour de viols collectifs par les biologistes, sont monnaie courante chez le colvert. Les femelles, épuisées, risquent la noyade ou des blessures graves. Ce harcèlement sexuel systématique, orchestré par des mâles dénués de toute retenue, met en péril la survie même des femelles et révèle un aspect sombre et dépravé de la reproduction chez cette espèce.

Une course aux armements évolutive

Face à cette dépravation masculine, les femelles colverts ont développé des stratégies de défense sophistiquées. Leur appareil reproducteur, devenu un véritable labyrinthe, est conçu pour contrecarrer les tentatives de fécondation lors des copulations forcées. Ce système complexe, composé de spirales et de culs-de-sac, est une réponse directe à l’évolution du pénis en tire-bouchon du mâle, lui aussi fruit d’une compétition sexuelle effrénée. Cette « course aux armements » illustre à quel point la pression exercée par la brutalité et la dépravation des mâles façonne l’anatomie et le comportement des femelles. Malgré tout, ces dernières restent vulnérables, et chaque saison de reproduction est une épreuve de force, où elles doivent lutter pour leur intégrité physique et leur survie.

Des comportements extrêmes

La dépravation du mâle colvert ne s’arrête pas aux femelles. Lorsque la frustration sexuelle atteint son comble, il n’est pas rare d’observer des comportements homosexuels forcés : des mâles s’en prennent à d’autres mâles, les poursuivant et tentant de les soumettre à des copulations. Plus troublant encore, des cas de nécrophilie ont été documentés : des mâles, incapables de contenir leur pulsion, copulent avec le cadavre d’un congénère, parfois fraîchement décédé lors d’une poursuite. Ces comportements extrêmes, bien que rares, témoignent d’une absence totale de limite dans la sexualité du mâle colvert, poussant la dépravation à son paroxysme.

Une violence sexuelle inquiétante

Pourquoi une telle dépravation ? Les scientifiques peinent à fournir une explication unique. La compétition sexuelle intense, le déséquilibre entre le nombre de mâles et de femelles, ou encore des mécanismes évolutifs mal compris sont avancés. Mais rien ne justifie pleinement l’extrême violence et la débauche observées. Ce qui est certain, c’est que chez le canard colvert, la reproduction est loin d’être un acte paisible et naturel : elle se transforme en un véritable champ de bataille, où la brutalité et la dépravation du mâle mettent en danger l’équilibre de l’espèce et la sécurité des femelles.

Derrière la beauté trompeuse des plumages et la quiétude des étangs, se cache une réalité glaçante : celle d’un univers où la sexualité du mâle colvert s’exprime dans la violence, l’excès et la dépravation, révélant une facette méconnue et inquiétante de la vie sauvage.


Episode III : une vie pleine de dangers

L’étang, un théâtre dangereux

À l’aube, alors que la brume flotte encore sur l’eau, le colvert s’éveille, attentif au moindre bruit. Son plumage, d’un vert iridescent pour le mâle et d’un brun moucheté pour la femelle, lui offre un camouflage précieux parmi les roseaux et les herbes hautes. Mais dans cet univers aquatique, le moindre faux pas peut s’avérer fatal. Sur la berge, le renard rusé avance à pas feutrés, profitant de la moindre faille dans la vigilance des oiseaux. Il n’hésite pas à fondre sur un caneton égaré ou une femelle distraite. Dans le ciel, la buse variable, silhouette sombre et silencieuse, plane longuement avant de piquer sur sa proie, profitant de la moindre ouverture dans la couverture végétale. Même sous la surface, le danger guette : le brochet, prédateur implacable, attend patiemment qu’un jeune canard s’aventure trop loin du groupe pour l’engloutir d’un coup de mâchoire. Pour survivre, le colvert doit se montrer constamment vigilant, prêt à s’envoler d’un battement d’ailes puissantes ou à plonger sous l’eau pour échapper à ses poursuivants. La vie sur l’étang est une perpétuelle partie de cache-cache, où seuls les plus attentifs et les plus rapides échappent à la mort.

L’homme, prédateur suprême

Lorsque l’automne arrive et que les feuilles roussissent, un nouveau danger s’abat sur les étangs et marais : la saison de la chasse. Dès l’aube, les coups de feu retentissent, brisant la tranquillité des lieux. Les chasseurs, vêtus de camouflage, postés dans des huttes ou dissimulés derrière les roseaux, attendent patiemment que les colverts s’approchent. Les oiseaux, pris de panique, s’envolent en masse, formant des nuées désordonnées dans l’espoir de semer la confusion et d’éviter les tirs. Mais la menace est partout : certains sont touchés en plein vol, d’autres tombent blessés dans l’eau ou sur la terre ferme. Les survivants apprennent à reconnaître le danger, à éviter les zones trop fréquentées par les chasseurs, à voler plus haut et plus loin. Pourtant, chaque migration, chaque déplacement vers une nouvelle zone humide, peut se transformer en course de survie. Pour le colvert, l’homme est un prédateur redoutable, capable de frapper à tout moment, et dont il faut sans cesse redoubler de prudence.

La menace invisible

Mais tous les dangers ne sont pas aussi bruyants ou visibles. Dans les parcs urbains et les jardins publics, une menace plus insidieuse guette le colvert : la générosité mal informée des promeneurs. Attirés par la beauté des canards et la curiosité des enfants, les visiteurs lancent du pain à pleines poignées, persuadés de faire plaisir à ces oiseaux familiers. Pourtant, ce geste, en apparence anodin, cache de lourdes conséquences. Le pain, trop salé, trop sucré et dépourvu de nutriments essentiels, provoque chez les canards des troubles digestifs, des carences alimentaires et, chez les jeunes, des malformations osseuses comme l’« aile d’ange ». De plus, les restes de pain polluent l’eau, favorisant la prolifération d’algues et de bactéries nuisibles à tout l’écosystème. Les colverts, habitués à cette manne facile, perdent l’instinct de chercher leur nourriture naturelle : graines, insectes, plantes aquatiques. Ils deviennent dépendants, plus vulnérables aux maladies et à la prédation, et l’équilibre de la population s’en trouve menacé. La gentillesse humaine, mal orientée, se transforme ainsi en piège silencieux pour ces oiseaux.

La résilience du colvert

Face à cette accumulation de menaces, le canard colvert fait preuve d’une résilience remarquable. Doté d’une grande intelligence comportementale, il apprend à reconnaître les silhouettes des prédateurs, à repérer les zones à risque, à alerter ses congénères par des cris d’alarme caractéristiques. Il adapte ses horaires d’alimentation, choisit des sites de nidification plus discrets, et n’hésite pas à s’installer dans des milieux nouveaux, comme les bassins urbains ou les parcs, pour échapper aux dangers. Les adultes transmettent à leurs petits l’art de la prudence et de la fuite, leur apprennent à se fondre dans le décor et à repérer les sources de nourriture les plus sûres. Malgré les pertes, la population de colverts parvient à se maintenir, preuve de l’extraordinaire capacité d’adaptation de cette espèce. Mais chaque jour, chaque saison, est une lutte pour la survie, où la moindre erreur peut être fatale.

Ainsi va la vie du canard colvert, funambule sur le fil du danger, oscillant entre les périls de la nature sauvage, la pression des chasseurs et les maladresses de la gentillesse humaine. Un destin fragile, où chaque jour est une victoire sur l’adversité, et où la beauté tranquille des étangs cache une réalité bien plus mouvementée qu’il n’y paraît.


Illustration d’entête: Photo de Gundula Vogel – Pexels

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