Sac de Rome par les Vandales en 455, Heinrich Leutemann 1866

LE SAC DE ROME PAR LES VANDALES : VERS LA FIN D’UN MONDE 📆 2 juin 455

Le 2 juin 455, un Ă©vĂ©nement dramatique bouleverse la Ville Ă©ternelle : les Vandales, menĂ©s par leur roi GensĂ©ric, franchissent les portes de Rome. AprĂšs avoir dĂ©barquĂ© Ă  Ostie, le port stratĂ©gique de la citĂ©, ils pĂ©nĂštrent dans Rome sans rencontrer de rĂ©elle rĂ©sistance. Ce sac, qui va durer quatorze jours, marque non seulement une humiliation profonde pour la capitale de l’Empire romain d’Occident, mais aussi un tournant dĂ©cisif dans l’histoire europĂ©enne.

Pourquoi Rome ?

L’attaque des Vandales ne relĂšve pas du hasard, mais d’un contexte politique et dynastique explosif. AprĂšs l’assassinat de l’empereur Valentinien III, Rome est plongĂ©e dans le chaos. Sa veuve, Licinia Eudoxia, se sent menacĂ©e par le nouvel empereur PĂ©trone Maxime, qui a usurpĂ© le trĂŽne. Pour se protĂ©ger, elle fait appel Ă  GensĂ©ric, roi des Vandales, qui voit lĂ  une occasion en or. Il souhaite rĂ©cupĂ©rer sa belle-fille Eudocia, promise Ă  son fils HunĂ©ric, et profiter de l’instabilitĂ© romaine pour s’emparer de richesses et d’otages prestigieux. Mais au-delĂ  de ces motifs personnels, le sac de Rome s’inscrit dans une politique d’expansion et de revanche : les Vandales, installĂ©s en Afrique du Nord, affrontent rĂ©guliĂšrement Rome et cherchent Ă  affirmer leur puissance face Ă  un empire affaibli.

Le royaume vandale

Au moment du sac, le royaume vandale est Ă  son apogĂ©e. FondĂ© en 435 par GensĂ©ric aprĂšs une longue migration depuis l’Europe centrale, il s’étend sur une grande partie de l’Afrique du Nord, incluant l’actuelle Tunisie, l’est de l’AlgĂ©rie et l’ouest de la Libye. Sa capitale, Carthage, est un centre commercial et maritime d’importance stratĂ©gique. Les Vandales contrĂŽlent Ă©galement plusieurs Ăźles de la MĂ©diterranĂ©e occidentale : BalĂ©ares, Sardaigne, Corse et Malte. Leur flotte redoutĂ©e leur assure la domination des routes maritimes et leur permet de lancer des raids jusqu’en Italie et sur les cĂŽtes de la MĂ©diterranĂ©e. Le royaume, bien organisĂ© et prospĂšre grĂące Ă  la richesse agricole de l’Afrique, fait figure de puissance majeure face Ă  un Empire romain d’Occident en dĂ©clin.

Les relations vandalo-romaines

Les relations entre Rome et les Vandales sont marquĂ©es par une alternance de traitĂ©s prĂ©caires et de conflits ouverts. AprĂšs leur installation en Afrique, les Vandales signent des accords avec l’Empire, mais ceux-ci sont rapidement rompus, notamment aprĂšs la prise de Carthage en 439. Devenus maĂźtres d’une province stratĂ©gique, les Vandales n’hĂ©sitent pas Ă  lancer des raids maritimes, Ă  piller les cĂŽtes italiennes et Ă  dĂ©fier l’autoritĂ© impĂ©riale. Les tentatives de reconquĂȘte menĂ©es par Rome Ă©chouent les unes aprĂšs les autres, rĂ©vĂ©lant l’impuissance militaire de l’Empire. À cela s’ajoutent des tensions religieuses : les Vandales sont ariens, tandis que les Romains restent fidĂšles au christianisme nicĂ©en, ce qui accentue l’hostilitĂ© et la mĂ©fiance entre les deux peuples.

L’Empire en grand danger

La conquĂȘte de l’Afrique par les Vandales porte un coup fatal Ă  l’Empire romain d’Occident. L’Afrique Ă©tait le « grenier Ă  blĂ© » de Rome et la principale source de revenus fiscaux de l’Empire. Sa perte provoque une crise Ă©conomique et alimentaire majeure : la population de Rome souffre de famines, l’État impĂ©rial manque de ressources pour financer son armĂ©e et son administration. Par ailleurs, la flotte vandale contrĂŽle la MĂ©diterranĂ©e occidentale, coupe les voies commerciales et multiplie les attaques contre les territoires romains. Les expĂ©ditions militaires envoyĂ©es pour reprendre l’Afrique Ă©chouent, aggravant le sentiment d’impuissance et d’abandon. Ce contexte contribue directement Ă  l’accĂ©lĂ©ration du dĂ©clin de l’Empire et Ă  sa fragmentation politique.

Le sac de Rome

Le sac de Rome par les Vandales s’effectue dans une atmosphĂšre de panique et de dĂ©sorganisation. L’empereur PĂ©trone Maxime, incapable d’organiser la dĂ©fense de la ville, tente de fuir mais est lynchĂ© par la foule. L’armĂ©e romaine, affaiblie et dispersĂ©e, est absente : aucune rĂ©sistance sĂ©rieuse ne s’oppose Ă  l’entrĂ©e des Vandales. Le pape LĂ©on Ier rencontre GensĂ©ric et obtient la promesse d’éviter les massacres et la destruction des Ă©difices majeurs. MalgrĂ© cela, les Vandales pillent mĂ©thodiquement la ville pendant quatorze jours : ils emportent trĂ©sors, Ɠuvres d’art, objets sacrĂ©s, dĂ©pouillent les palais et les temples, et prennent de nombreux otages, dont l’impĂ©ratrice Licinia Eudoxia et ses filles. Les richesses sont chargĂ©es sur des navires Ă  Ostie et expĂ©diĂ©es Ă  Carthage. Si la ville n’est pas incendiĂ©e, le traumatisme est immense et la citĂ© sort profondĂ©ment affaiblie de cette Ă©preuve.

S’en suit une lente agonie

AprĂšs le sac de 455, Rome ne se remettra jamais vraiment. DĂ©pouillĂ©e de ses richesses, privĂ©e de son prestige et de ses Ă©lites, la ville entre dans une pĂ©riode de dĂ©clin accĂ©lĂ©rĂ©. L’aristocratie sĂ©natoriale, pilier de la sociĂ©tĂ© romaine, est bouleversĂ©e ; la population, appauvrie et traumatisĂ©e, voit son niveau de vie chuter. Rome perd progressivement son rĂŽle central : le pouvoir politique se dĂ©place vers Ravenne, puis disparaĂźt avec la chute de l’Empire en 476. Dans les dĂ©cennies suivantes, la ville subit de nouveaux assauts, notamment par les Ostrogoths en 546. Elle devient une citĂ© marginalisĂ©e, loin de la grandeur qui fut la sienne, symbole d’un monde rĂ©volu.

Le sac de Rome par les Vandales en 455 incarne le crĂ©puscule de l’Empire romain d’Occident. Jadis invincible, la Ville Ă©ternelle est livrĂ©e au pillage et Ă  l’humiliation, et ne retrouvera jamais sa splendeur passĂ©e. Cet Ă©vĂ©nement marque la fin d’une Ă©poque et l’entrĂ©e de l’Europe dans les temps incertains du Moyen Âge.


Illustration: Pillage de Rome par les Vandales, le 2 juin 455, Heinrich Leutemann, 1866

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