Le 22 mars 238, Gordien Ier et son fils Gordien II sont nommĂ©s empereur et co-empereur de Rome par le SĂ©nat, inaugurant une pĂ©riode de grande instabilitĂ© politique dans l’Empire romain.
Gordien Ier, de son nom complet Marcus Antonius Gordianus Sempronianus Romanus, est un aristocrate romain ĂągĂ© de 80 ans. Issu d’une famille aisĂ©e, peut-ĂȘtre originaire d’Anatolie, il mĂšne une longue carriĂšre sĂ©natoriale avant d’atteindre le sommet en Ă©tant nommĂ© proconsul de la province d’Afrique proconsulaire en juillet 237. Son fils, Gordien II, ĂągĂ© de 46 ans, est un ancien gouverneur et consul. Leur accession au pouvoir commence au dĂ©but janvier 238 Ă Thysdrus (aujourd’hui El-Djem en Tunisie), lorsque des propriĂ©taires locaux, exaspĂ©rĂ©s par les exactions fiscales de l’empereur Maximin le Thrace, se rĂ©voltent et tuent le procurateur de leur citĂ©. Ils dĂ©signent alors Gordien comme empereur, malgrĂ© ses rĂ©ticences initiales. Celui-ci accepte Ă condition que son fils soit nommĂ© co-empereur pour l’aider dans cette tĂąche. Les deux hommes quittent Thysdrus pour Carthage oĂč ils sont acclamĂ©s par la foule. Ils envoient immĂ©diatement un message au SĂ©nat romain qui, dĂ©testant Maximin, les reconnaĂźt officiellement le 22 mars 238.
Le rĂšgne des Gordiens est extrĂȘmement bref. Capelianus, gouverneur de Numidie et fidĂšle Ă Maximin, furieux de cette usurpation, mobilise la troisiĂšme lĂ©gion Auguste et marche sur Carthage. Les troupes improvisĂ©es des Gordiens, dirigĂ©es par Gordien II, sont rapidement dĂ©faites et le jeune co-empereur pĂ©rit au combat le 12 avril 238. Ă l’annonce de cette dĂ©faite et de la mort de son fils, Gordien Ier, accablĂ© de dĂ©sespoir, se suicide en se pendant avec sa propre ceinture. Leur rĂšgne n’aura durĂ© que 20 Ă 22 jours.
L’annĂ©e 238 est connue comme « l’AnnĂ©e des six empereurs », une pĂ©riode de grande instabilitĂ© politique. Durant cette annĂ©e, six personnages revendiquent successivement le trĂŽne impĂ©rial : Maximin le Thrace (qui rĂšgne de mars 235 Ă mi-avril 238), Gordien Ier et Gordien II (de dĂ©but janvier Ă environ le 12 avril 238), Maxime Pupien et Balbin (de fin janvier/dĂ©but fĂ©vrier Ă dĂ©but mai), et finalement Gordien III, petit-fils de Gordien Ier (de juin/juillet 238 Ă fĂ©vrier 244). AprĂšs la mort des deux Gordiens, le SĂ©nat nomme deux nouveaux empereurs, Pupien et Balbin. Maximin marche alors sur Rome mais est assassinĂ© par ses propres troupes Ă AquilĂ©e. Pupien et Balbin sont Ă leur tour exĂ©cutĂ©s par les prĂ©toriens, et finalement, Gordien III est proclamĂ© empereur et reconnu par le SĂ©nat.
Cette crise marque le dĂ©but de la pĂ©riode connue sous le nom d' »Anarchie militaire » (235-284), durant laquelle l’Empire romain traverse une crise profonde. Cette pĂ©riode dĂ©bute avec l’assassinat de l’empereur SĂ©vĂšre Alexandre en 235 et s’Ă©tend jusqu’Ă l’avĂšnement de DioclĂ©tien en 284. Elle se caractĂ©rise par une extrĂȘme instabilitĂ© politique avec au moins 26 prĂ©tendants qui revendiquent le titre d’empereur, des invasions barbares sur toutes les frontiĂšres, une grave crise Ă©conomique marquĂ©e par l’inflation et la dĂ©valuation monĂ©taire, et des Ă©pidĂ©mies de peste qui dĂ©stabilisent les communautĂ©s. Durant ces 50 annĂ©es, l’Empire romain se disloque temporairement en trois entitĂ©s politiques distinctes : l’Empire des Gaules (260-274), l’Empire romain central et l’Empire palmyrĂ©nien. Cette crise atteint son paroxysme sous le rĂšgne de Gallien (253-268), mais l’Empire est finalement restaurĂ© grĂące aux efforts de l’empereur AurĂ©lien (270-275), puis dĂ©finitivement stabilisĂ© par DioclĂ©tien (284-305).
Et le nĆud gordien alors ?

Le nĆud gordien, sans rapport avec ces Ă©vĂ©nements historiques, est une expression mĂ©taphorique qui dĂ©signe un problĂšme complexe semblant impossible Ă rĂ©soudre par des moyens conventionnels. Selon la lĂ©gende, tout commence dans la citĂ© de Gordion en Anatolie. Le roi de Phrygie meurt sans hĂ©ritier et un oracle prĂ©dit que la premiĂšre personne qui arrivera Ă la ville sur un char Ă bĆufs sera faite roi. Le premier Ă se prĂ©senter est le paysan Gordios, qui devient ainsi roi. Avant de monter sur le trĂŽne, il attache ensemble le timon et le joug de son char avec un nĆud extrĂȘmement complexe, sans dĂ©but ni fin apparente. Un nouvel oracle prĂ©dit alors que celui qui parviendra Ă dĂ©faire ce nĆud deviendra le maĂźtre de l’Asie. En 333 avant J.-C., Alexandre le Grand, lors de sa conquĂȘte de l’empire perse, passe par Gordion. Ne parvenant pas Ă dĂ©nouer le nĆud, il le tranche d’un coup d’Ă©pĂ©e. Aujourd’hui, l’expression « trancher le nĆud gordien » signifie rĂ©soudre un problĂšme difficile par une action audacieuse et dĂ©cisive, souvent non conventionnelle. Elle Ă©voque la nĂ©cessitĂ© parfois de sortir des sentiers battus pour rĂ©soudre des situations complexes.
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