Le 13 mai 1940, une date charnière pour l’histoire mondiale, Winston Churchill prononce devant la Chambre des Communes à Londres son premier discours en tant que Premier ministre. Trois jours plus tôt, l’Allemagne nazie a lancé son offensive foudroyante sur la France, la Belgique et les Pays-Bas.
Le Royaume-Uni, désormais seul face à la menace hitlérienne, attend de son nouveau chef une vision et une direction. C’est dans ce climat d’urgence et d’incertitude que Churchill marque les esprits par une formule devenue légendaire : « Je n’ai rien d’autre à offrir que du sang, du labeur, des larmes et de la sueur ».
Un discours pour galvaniser la nation
Winston Churchill n’est pas un inconnu pour les Britanniques. À 65 ans, il a déjà traversé de nombreux orages politiques et militaires. Son parcours atypique, son tempérament de combattant et son refus de l’apaisement face à Hitler l’ont souvent isolé, mais aussi préparé à ce moment décisif. Nommé Premier ministre dans l’urgence, il doit convaincre un Parlement divisé et une nation inquiète que la seule voie possible est celle de la résistance totale.
Ce 13 mai, Churchill ne promet ni victoire facile, ni lendemains radieux. Il parle vrai, sans détour, et annonce la couleur : la guerre sera longue, dure, et pleine de sacrifices. Sa politique ? « Faire la guerre, sur mer, sur terre et dans les airs, avec toute notre puissance et toute la force que Dieu peut nous donner ; faire la guerre contre une tyrannie monstrueuse, qui n’a jamais eu d’égale dans le sombre et lamentable catalogue des crimes humains. » Son but ? « La victoire, la victoire à tout prix, la victoire malgré toutes les terreurs, la victoire quelque longue et dure que puisse être la route : car, hors la victoire, il n’est point de survie ».
L’écho d’un autre combat
La formule de Churchill trouve ses racines dans l’histoire italienne, et plus précisément dans l’épisode dramatique de la République romaine de 1849. Churchill est un fin connaisseur de l’histoire. Il admire Garibaldi, héros de l’indépendance italienne. Il a même envisagé d’écrire une biographie sur lui étant plus jeune.
À cette époque, Giuseppe Garibaldi, figure emblématique du Risorgimento, défend la jeune république proclamée à Rome contre les troupes françaises venues rétablir l’autorité du pape Pie IX. Garibaldi, à la tête d’une armée hétéroclite de volontaires, doit faire face à un siège éprouvant. Malgré une résistance héroïque, la supériorité numérique et matérielle des Français finit par l’emporter après un mois de combats acharnés.
Le 2 juillet 1849, alors que la chute de Rome est inévitable, Garibaldi refuse la reddition. Sur la place Saint-Pierre, il s’adresse à ses compagnons : il n’a rien à leur offrir sinon la faim, le froid, les marches forcées, les batailles et la mort. Il invite ceux qui portent l’Italie dans leur cœur à le suivre dans une retraite désespérée vers le nord, espérant rallumer la flamme de l’insurrection ou rejoindre la résistance à Venise. Quatre à cinq mille volontaires, épuisés mais déterminés, le suivent à travers les Apennins, poursuivis par plusieurs armées, affrontant la faim, la maladie et la mort. Cette marche tragique, marquée par la perte de sa femme Anita et la dispersion de ses troupes, symbolise le sacrifice et la persévérance au service d’un idéal national.
C’est cet esprit de résistance et de don de soi que Churchill reprend et adapte, un siècle plus tard, pour galvaniser la nation britannique face à l’épreuve de la guerre totale. Le 13 mai 1940, Churchill ne promet rien d’autre que la vérité et le combat. Ce jour-là, il entre dans l’histoire, et avec lui, tout un peuple s’apprête à affronter la tempête, uni et debout.
Illustration: Portrait de Winston Churchill par Yousuf Karsh, 1941. – Wikipédia