Le 21 mai 1871, Paris s’embrase. Les espoirs de liberté et de justice sociale portés par la Commune se heurtent à la violence implacable des troupes versaillaises. La capitale, épuisée par deux mois d’autogestion révolutionnaire, bascule dans un bain de sang. Les rues résonnent des cris des combattants, du crépitement des fusils et du grondement des canons. C’est le début d’une tragédie où chaque instant est marqué par la peur, la rage et l’inéluctabilité de la défaite.
Sommaire
Journal d’un communard anonyme
Journal fictif basé sur les faits historiques documentés

21 mai 1871
Les Versaillais entrent par la Porte de Saint-Cloud, laissée sans surveillance.
Ils sont entrés. Les soldats de Thiers ont franchi les fortifications à l’ouest, près de la Porte de Saint-Cloud. Nous pensions la zone protégée, mais un traître a guidé leur avancée. Les premiers combats éclatent autour du Trocadéro et de Passy. Les barricades se dressent en urgence, mais l’ennemi progresse méthodiquement. Des rumeurs courent : ils percent les murs des immeubles pour contourner nos défenses. Personne ne dort cette nuit.
22 mai 1871
Les troupes versaillaises contrôlent les quartiers ouest (15ᵉ, 16ᵉ arrondissements).
La bataille fait rage dans l’ouest parisien. Les Versaillais ont pris Montmartre, symbole de notre insurrection. Leurs canons pilonnent nos positions depuis les hauteurs. Nous reculons vers le centre. Place Blanche, une barricade tenue par des femmes résiste héroïquement. Les obus incendiaires transforment les rues en brasiers. Je vois des enfants courir avec des seaux d’eau – en vain.
23 mai 1871
Incendie des Tuileries et avancée versaillaise vers la rive gauche.
Les Tuileries brûlent ! Les flammes illuminent la nuit. Ce n’est pas nous, mais les obus versaillais qui ont déclenché l’incendie. Les rumeurs accusent les fédérés, mais peu importe : le palais n’est plus qu’un amas de pierres fumantes. Les Versaillais percent vers la rive gauche. Le Panthéon est menacé. Des médecins improvisent des hôpitaux dans les églises. L’odeur de la poudre et du sang est insupportable.
24 mai 1871
Chute de l’Hôtel de Ville et incendie de la Préfecture de police.
L’Hôtel de Ville est en feu. Nous l’avons quitté à contrecœur, emportant les archives de la Commune. La Préfecture de police brûle aussi, détruite par les obus. Les Versaillais fusillent tous ceux pris les armes à la main. Rue Vavin, j’ai vu un adolescent abattu alors qu’il soignait un blessé. Les cadavres s’entassent au coin des rues. Plus de temps pour les enterrer.
25 mai 1871
Massacres au parc des Buttes-Chaumont et chute de Belleville.
Belleville tombe. Les Versaillais encerclent le parc des Buttes-Chaumont où des centaines de nôtres sont massacrés. Les survivants se replient vers le cimetière du Père-Lachaise. Les rues de Ménilmontant sont impraticables, bloquées par les décombres. Des snipers versaillais tirent depuis les toits. Nous buvons l’eau des ruisseaux, mélangée au sang.
26 mai 1871
Exécutions massives et derniers bastions à Charonne.
Place de la Roquette, les pelotons d’exécution fonctionnent sans relâche. Les Versaillais trient les prisonniers : ouvriers, femmes en cheveux, porteurs de fusils… Tous condamnés. À Charonne, les dernières barricades tiennent encore. Les enfants nous apportent des pavés. Un prêtre traverse les lignes pour supplier la reddition – il est abattu. La folie règne.
27 mai 1871
Derniers combats au cimetière du Père-Lachaise.
Nous sommes acculés au Père-Lachaise. Les Versaillais attaquent à la baïonnette. Les tombes servent de remparts. Des communards grimpent sur la chapelle pour tirer. Les cris des mourants se mêlent au chant des balles. À la nuit tombée, nous enterrons nos morts dans des fosses communes creusées à la hâte. Plus personne ne croit à la victoire, seulement à l’honneur.
28 mai 1871
Chute de la dernière barricade rue Ramponneau (Belleville).
Tout est fini. La dernière barricade, rue Ramponneau, est tombée à midi. Les survivants sont alignés contre le Mur des Fédérés. Les coups de feu résonnent encore. Je me cache dans une tombe ouverte, couvert de terre et de sang. Des soldats pillent les cadavres. Je pense à Louise Michel, qui disait : « La Commune n’est pas morte… ». Peut-être. Mais Paris, lui, n’est plus que cendres.




L’expérience révolutionnaire de la Commune
L’insurrection du 18 mars
Le 18 mars 1871, Paris bascule dans l’insurrection. Le gouvernement d’Adolphe Thiers, soucieux de reprendre le contrôle d’une ville frondeuse et inquiète, tente de désarmer la capitale en récupérant les canons entreposés à Montmartre et financés par la population pendant le siège prussien. Mais la population parisienne, soutenue par la Garde nationale, s’oppose fermement à cette tentative. Les soldats envoyés pour saisir les canons refusent de tirer sur la foule et fraternisent avec les Parisiens. L’exécution de deux généraux par la foule marque le point de non-retour. Craignant une révolte généralisée, Thiers ordonne la retraite précipitée des troupes et du gouvernement vers Versailles, laissant Paris aux mains des insurgés. Ainsi naît la Commune de Paris, dans un climat de défi et d’espoir.
Les communards rêvent d’une République démocratique et sociale, fondée sur l’autogestion et la justice. Ils rejettent la centralisation autoritaire et souhaitent que chaque commune de France puisse s’administrer librement, tout en s’associant aux autres dans une fédération volontaire. Leur idéal repose sur la démocratie directe : les élus sont révocables à tout moment et perçoivent un salaire d’ouvrier, afin de rester proches du peuple. Ils veulent soulager la misère populaire en suspendant le paiement des loyers, en annulant les dettes, en réquisitionnant les logements vacants pour les plus démunis. L’éducation occupe une place centrale dans leur projet : ils instaurent l’école gratuite, laïque et obligatoire pour tous les enfants, filles et garçons, et entendent garantir l’égalité salariale pour les enseignantes. La Commune entend également séparer l’Église de l’État, confisquer les biens religieux et garantir la liberté de conscience.
L’organisation de la Commune
Le pouvoir s’organise autour d’un Conseil communal élu le 26 mars, composé d’ouvriers, d’artisans et d’intellectuels issus de différentes tendances révolutionnaires. Ce conseil siège à l’Hôtel de Ville, où il débat publiquement des grandes orientations et répartit les tâches entre neuf commissions spécialisées, qui remplacent les anciens ministères. La prise de décision est collective et transparente, chaque élu devant rendre compte de ses actes devant les citoyens. Mais la Commune n’est pas exempte de tensions internes : les blanquistes, partisans d’une dictature révolutionnaire, s’opposent aux internationalistes, proches de Marx, qui défendent une démocratie ouvrière. La coordination reste difficile, surtout face à la menace militaire qui pèse sur Paris.
Les mesures prises par la Commune
En soixante-douze jours, la Commune met en œuvre une série de réformes audacieuses. Elle proclame la séparation de l’Église et de l’État, confisque les biens religieux au profit des nécessiteux, et encourage la création d’ateliers autogérés par les ouvriers dans les manufactures abandonnées. Elle s’attache à améliorer la condition des femmes, en soutenant la création de syndicats féminins et d’écoles professionnelles pour les filles. La justice devient plus accessible : les juges sont désormais élus et les procès sont gratuits. L’ensemble de ces mesures vise à bâtir une société plus égalitaire, plus solidaire, où chacun puisse participer à la vie publique et bénéficier des fruits du progrès social.
L’opposition à la Commune dans Paris
Cependant, Paris reste profondément divisée. Dans les quartiers bourgeois et conservateurs, la méfiance et l’hostilité envers la Commune sont vives. Près de deux cent mille habitants, opposés à la révolution, quittent la capitale pour se réfugier à Versailles ou en province. Lors des élections du 26 mars, l’abstention dépasse la moitié des inscrits dans ces quartiers, signe d’un rejet massif du nouveau pouvoir. Les « Amis de l’Ordre », soutenus par Thiers, tentent d’organiser la résistance à l’intérieur de Paris, mais leurs manifestations sont rapidement réprimées, comme celle du 22 mars place Vendôme, qui se termine dans le sang. La Commune, de son côté, arrête plusieurs figures conservatrices, dont l’archevêque de Paris, Monseigneur Darboy, qui sera exécuté avec d’autres otages en mai en représailles à la répression versaillaise.
Le sort des communards après la Semaine sanglante
La Semaine sanglante, du 21 au 28 mai 1871, marque l’écrasement brutal de la Commune par les troupes versaillaises. Les combats de rue sont d’une violence inouïe, et la répression qui s’abat sur les communards est féroce. On estime que vingt à trente mille personnes sont exécutées sommairement dans les rues, les cours des casernes ou contre le Mur des Fédérés.
Plus de quarante mille arrestations suivent la chute de la Commune : dix mille communards sont condamnés à la déportation, notamment en Nouvelle-Calédonie, ou à la prison. Les survivants sont bannis de la vie publique et Paris reste sous surveillance militaire pendant plusieurs années. La Commune de Paris, bien que vaincue dans le sang, laissera durablement une trace profonde dans l’histoire sociale et politique de la France.
La commune vues sous un autre angle de vue
Illustrations:
– Exécution des fédérés, dessin d’Henri-Alfred Darjou (1871). – Wikipédia