La fontaine de Trevi incarne Ă elle seule lâesprit de la dolce vita, cette douceur de vivre Ă lâitalienne faite de beautĂ©, de plaisir et de lĂ©gĂšretĂ©.
ImmortalisĂ©e par Federico Fellini dans le film culte « La Dolce Vita », oĂč Anita Ekberg sâabandonne Ă la magie de ses eaux sous le regard Ă©merveillĂ© de Marcello Mastroianni, la fontaine devient le théùtre dâune Rome insouciante, Ă©lĂ©gante et vibrante. Elle attire les rĂȘveurs, les amoureux, les artistes et les touristes du monde entier, fascinĂ©s par son aura cinĂ©matographique et son atmosphĂšre unique.
Sommaire
22 mai 1762 : un jour de fĂȘte
En cette fin du mois de mai de lâannĂ©e 1762, Rome cĂ©lĂšbre lâinauguration de la fontaine de Trevi dans une atmosphĂšre de liesse populaire. AprĂšs trente annĂ©es de travaux, le cĆur de la ville bat au rythme des festivitĂ©s. Les Romains se pressent sur la place pour dĂ©couvrir ce chef-dâĆuvre tant attendu, tandis que la noblesse, le clergĂ© et les artistes admirent lâaudace architecturale et la virtuositĂ© des sculpteurs. Ce jour-lĂ , la fontaine nâest pas seulement un monument : elle devient un symbole dâunitĂ©, de fiertĂ© et de renouveau pour la Ville Ă©ternelle. Lâeau jaillit avec force et puretĂ©, marquant le dĂ©but dâune nouvelle Ăšre oĂč Rome sâaffirme comme capitale de lâart et du raffinement.
Un projet porté par le pape Clément XII
DerriĂšre la naissance de ce chef-dâoeuvre se profile la figure de ClĂ©ment XII, un pape ĂągĂ©, presque aveugle, mais animĂ© dâune volontĂ© inflexible et dâun amour profond pour sa ville. Lorenzo Corsini, devenu pape en 1730, comprend lâimportance de lâeau et de la beautĂ© dans la vie romaine. Il lance un concours pour remplacer lâancienne fontaine qui marquait lâarrivĂ©e de lâaqueduc de lâAqua Virgo. SĂ©duit par le projet baroque de Nicola Salvi, il nâhĂ©site pas Ă engager dâimportantes ressources, quitte Ă instaurer de nouvelles taxes pour financer les travaux. MalgrĂ© les obstacles, ClĂ©ment XII ne renonce jamais Ă son rĂȘve : offrir Ă Rome une Ćuvre magistrale qui cĂ©lĂšbre Ă la fois lâhistoire, la nature et lâart.
Une construction longue et mouvementée
La construction de la fontaine est une vĂ©ritable Ă©popĂ©e. DĂšs 1732, le chantier mobilise ouvriers, sculpteurs, architectes et ingĂ©nieurs. Les difficultĂ©s sont nombreuses : financement incertain, querelles administratives, nĂ©cessitĂ© de dĂ©placer des habitants et de modifier la structure du quartier. La mort de Nicola Salvi en 1751 aurait pu compromettre le projet, mais dâautres architectes, dont Giuseppe Pannini, reprennent le flambeau. Ils adaptent et complĂštent lâĆuvre, veillant Ă respecter lâesprit baroque et la monumentalitĂ© voulue par Salvi. En 1762, la fontaine sâachĂšve enfin, adossĂ©e au palais Poli, majestueuse et spectaculaire, prĂȘte Ă entrer dans la lĂ©gende.


Une harmonie parfaite entre aqueduc, palais et fontaine
La fontaine de Trevi ne se contente pas dâĂȘtre un simple ornement urbain : elle sâintĂšgre avec gĂ©nie dans le tissu architectural et historique de Rome. Elle marque le point dâaboutissement de lâaqueduc antique de lâAqua Virgo, qui alimente la ville en eau pure depuis plus de deux mille ans. Le palais Poli, dont la façade a Ă©tĂ© repensĂ©e pour lâoccasion, sert de dĂ©cor grandiose Ă la scĂšne aquatique. Lâeau jaillit en cascades sur des rochers sculptĂ©s, mettant en scĂšne le dieu Neptune, triomphant sur son char, entourĂ© de chevaux marins et de tritons. Chaque dĂ©tail raconte une histoire : celle de lâeau, de la lĂ©gende de la jeune fille ayant rĂ©vĂ©lĂ© la source, et de la grandeur de Rome. Lâensemble forme une composition harmonieuse, oĂč architecture, sculpture et nature dialoguent dans une cĂ©lĂ©bration de la vie.
Lâorigine du nom « Trevi »
Le nom « Trevi » intrigue les visiteurs et suscite de nombreuses hypothĂšses. Il trouve son origine dans lâexpression italienne tre vie, qui signifie « trois rues ». En effet, la fontaine se dresse Ă la croisĂ©e de trois voies, un emplacement stratĂ©gique qui favorise les rencontres et le passage. Cette particularitĂ© urbaine inspire le nom du quartier et, par extension, celui de la fontaine elle-mĂȘme. Le terme Ă©voque aussi le mot latin trivium, dĂ©signant un carrefour, et rappelle lâimportance des lieux de convergence dans la vie sociale et culturelle de Rome. Ainsi, le nom « Trevi » incarne Ă la fois la gĂ©ographie, lâhistoire et lâesprit dâouverture de la ville.
La magie du lancer de piĂšces
La fontaine de Trevi est le théùtre dâun rituel devenu mondialement cĂ©lĂšbre : jeter une piĂšce de monnaie dans le bassin, dos Ă la fontaine, pour sâassurer un retour Ă Rome. HĂ©ritĂ©e de pratiques antiques oĂč les voyageurs jetaient des offrandes dans les sources pour sâattirer chance et protection lors de leurs dĂ©placements, cette tradition ensuite popularisĂ©e par le cinĂ©ma (Three Coins in the Fountain, 1954), sĂ©duit chaque jour des milliers de visiteurs. Selon la lĂ©gende, une piĂšce garantit un retour dans la Ville Ă©ternelle, deux piĂšces promettent de trouver lâamour, et trois piĂšces annoncent un mariage. Ce geste, simple et poĂ©tique, relie les voyageurs du monde entier dans un mĂȘme espoir. Les piĂšces, rĂ©coltĂ©es rĂ©guliĂšrement, servent aujourdâhui Ă financer des Ćuvres caritatives, perpĂ©tuant ainsi la magie et la gĂ©nĂ©rositĂ© du lieu.
Un patrimoine qu’il faut protĂ©ger du surtourisme
Face Ă lâimmense popularitĂ© de la fontaine de Trevi, Rome prend des mesures pour prĂ©server ce joyau du baroque. Depuis 2024, lâaccĂšs est limitĂ© Ă 400 personnes, contre 10 000 Ă 12 000 visiteurs quotidiens auparavant, Ă la fois afin dâĂ©viter la surpopulation et de protĂ©ger le monument des dĂ©gradations. Un systĂšme de rĂ©servation en ligne rĂ©gule dĂ©sormais les visites, et un billet dâentrĂ©e est envisagĂ© pour les touristes Ă©trangers, permettant de financer lâentretien du site. Le temps passĂ© sur place est encadrĂ©, et la sĂ©curitĂ© renforcĂ©e, notamment lors des grands Ă©vĂ©nements. Ces initiatives tĂ©moignent de la volontĂ© de la ville de concilier accueil du public et prĂ©servation du patrimoine, afin que la fontaine de Trevi continue dâincarner la beautĂ© et la dolce vita pour les gĂ©nĂ©rations futures.
Illustration: Photo de Tom D’Arby – Pexels