Le traité de Saragosse, signé le 22 avril 1529 entre le Portugal et l’Espagne, met fin à un long différend sur la souveraineté des îles Moluques, riches en épices. Ce traité complète le partage du monde entamé par le traité de Tordesillas en 1494, en fixant une nouvelle ligne de démarcation dans l’océan Pacifique. Les Portugais conservent le contrôle des Moluques, tandis que les Espagnols obtiennent le droit de s’installer aux Philippines, en échange d’une compensation financière. Ce compromis permet aux deux puissances ibériques de consolider leurs empires coloniaux et d’éviter un affrontement direct.
À la fin du XVe siècle, le Portugal et l’Espagne dominent l’exploration maritime mondiale. Le contexte politique et commercial est marqué par une course effrénée à la découverte de nouvelles routes vers l’Asie et à l’exploitation des richesses du « Nouveau Monde ». Les Portugais, pionniers de la navigation le long des côtes africaines, cherchent à sécuriser leur accès aux épices et aux marchés asiatiques. Les Espagnols, après la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb en 1492, souhaitent exploiter ces nouveaux territoires et trouver une route occidentale vers l’Asie. Cette rivalité attise les tensions et pousse les deux royaumes à négocier un partage du monde pour éviter la guerre.
Le traité de Tordesillas, signé le 7 juin 1494 à l’initiative du pape Alexandre VI, répond à cette nécessité de régulation. Il trace une ligne imaginaire allant du pôle Nord au pôle Sud, située à 370 lieues à l’ouest des îles du Cap-Vert. Les terres à l’ouest de cette ligne reviennent à l’Espagne, celles à l’est au Portugal. Ce partage vise à organiser l’exploration et l’exploitation des territoires alors considérés comme terra nullius, tout en respectant les intérêts des deux puissances. Le traité attribue ainsi à l’Espagne la majeure partie des Amériques, tandis que le Portugal obtient l’Afrique, l’Asie et, par un heureux hasard, la pointe orientale du Brésil, découverte en 1500 par Cabral.
Malgré ce découpage, des imprécisions subsistent, notamment sur la localisation exacte des îles Moluques. Le voyage de Magellan, qui prouve la rotondité de la Terre, relance le débat sur la souveraineté de ces îles. Les Espagnols échouent à s’y imposer face à la présence portugaise, et le traité de Saragosse vient finalement fixer une nouvelle limite dans le Pacifique, reconnaissant la domination portugaise sur les Moluques et accordant aux Espagnols le droit de s’installer aux Philippines.
L’exclusion des autres puissances européennes du partage du monde suscite rapidement des contestations. La France, l’Angleterre et les Provinces-Unies refusent de reconnaître la légitimité des traités de Tordesillas et de Saragosse. Le roi François Ier de France s’insurge contre ce monopole et lance ses propres expéditions, estimant que « le soleil luit pour moi comme pour les autres ». Les Anglais et les Hollandais se lancent à leur tour dans l’exploration et la conquête de nouveaux territoires, notamment en Amérique du Nord et en Asie. Ces initiatives marquent le début d’une compétition mondiale qui affaiblit progressivement l’hégémonie ibérique et redessine la carte des empires coloniaux.
Illustration: Image générée par IA (Bing Image Creator)