Réjane, actrice française de la Belle Epoque

DÉCÈS D’UNE ÉTOILE DU THÉÂTRE DE LA BELLE ÉPOQUE 📆 14 juin 1920

Réjane décède le 14 juin 1920. À la Belle Époque, elle illumine les scènes parisiennes et impose sa personnalité dans la société mondaine. Très tôt, elle respire le théâtre et s’y forge une identité singulière, encouragée à conserver son accent populaire, ce qui deviendra sa signature. Elle refuse de se plier aux conventions et préfère rester fidèle à ses origines, ce qui la rend immédiatement reconnaissable sur scène.

Née Gabrielle Charlotte Réju en 1856, elle grandit dans l’effervescence des coulisses : son père est contrôleur, sa mère caissière au théâtre de l’Ambigu. Dès l’enfance, elle observe les acteurs, les machinistes, les spectateurs, et s’imprègne de cette atmosphère si particulière qui fait naître les vocations. À l’adolescence, elle entre au Conservatoire d’art dramatique, où son naturel et sa vivacité séduisent ses professeurs.

Reine du théâtre de boulevard

Réjane s’impose rapidement comme la reine du théâtre de boulevard. Son jeu naturel, son humour pétillant et sa modernité séduisent un public avide de nouveauté. Elle incarne la Parisienne moderne, libre et espiègle, à mille lieues du style tragique et grandiloquent de Sarah Bernhardt, sa grande rivale médiatique. La presse adore opposer ces deux monstres sacrés, mais chacune occupe une place bien distincte : Bernhardt règne sur la tragédie, Réjane sur la comédie et le réalisme. Les critiques soulignent la fraîcheur de ses interprétations, sa capacité à émouvoir sans jamais sombrer dans l’excès. Elle crée des rôles qui marquent leur époque, comme celui de Madame Sans-Gêne, et elle n’hésite pas à défendre des pièces contemporaines, parfois audacieuses, qui bousculent les habitudes du public. Toutes deux deviennent directrices de leur propre théâtre, pionnières dans un monde encore dominé par les hommes. Réjane, en particulier, dirige le Théâtre Réjane avec une main de maître, encourageant la création et l’innovation, et offrant une tribune à de jeunes auteurs.

Mère aimante à la maison

Dans la vie privée, Réjane partage son existence avec Paul Porel, comédien et directeur de l’Odéon, qu’elle épouse en 1893. Ensemble, ils élèvent deux enfants, Jacques et Germaine, et perpétuent la tradition artistique. Leur foyer, situé avenue Franklin-Roosevelt, devient un lieu de rencontres pour les artistes et les intellectuels de l’époque. Réjane reste très attachée à sa famille, et sa descendance compte plusieurs figures du monde artistique, dont Jacqueline Porel et Jean-Marie Périer. Malgré les exigences de sa carrière, elle veille à transmettre à ses enfants le goût du théâtre et la fierté de leurs racines. Son mariage avec Paul Porel, bien que marqué par des tensions liées à leurs ambitions respectives, témoigne de l’importance qu’elle accorde à la complicité et au partage dans la sphère privée.

Femme engagée à la ville

Femme engagée, elle ne se contente pas de briller sur scène. Elle soutient l’Orphelinat des arts, prend position pour la justice lors de l’affaire Dreyfus, et n’hésite pas à faire entendre sa voix dans les débats de société. Sa générosité et son sens de la répartie font d’elle une personnalité respectée et recherchée dans les salons parisiens. Réjane n’hésite pas à utiliser sa notoriété pour défendre des causes qui lui tiennent à cœur, et elle s’entoure d’amis fidèles, artistes, écrivains ou journalistes, qui apprécient son esprit libre et son humour. Lors de l’affaire Dreyfus, elle s’engage publiquement du côté des dreyfusards, bravant les critiques et les pressions, et témoigne ainsi de son courage et de son intégrité morale. Elle participe également à des œuvres de bienfaisance, convaincue que le succès doit s’accompagner d’un engagement envers les plus démunis.

Actrice à temps plein

Réjane cultive aussi l’art de se distinguer dans la vie quotidienne. Son équipage, une voiture tirée par des mules offertes par le roi d’Espagne, fait sensation dans les rues de Paris. Là où tout le monde choisit les chevaux, elle préfère l’originalité et transforme son moyen de transport en véritable signature, attirant tous les regards et renforçant sa légende. Ce choix audacieux, à la fois pratique et symbolique, témoigne de son goût pour la singularité et la provocation bienveillante. Les Parisiens s’amusent de voir passer cette actrice célèbre dans un attelage insolite, orné de grelots et de pompons, qui fait d’elle une figure incontournable du paysage urbain. Réjane sait que l’image compte autant que le talent, et elle maîtrise parfaitement l’art de se mettre en scène, même en dehors des planches.

Etoile d’une époque révolue

Mais la lumière finit toujours par s’atténuer. Le 13 juin 1920, Réjane s’éteint à Paris, emportée par une crise cardiaque. Elle laisse derrière elle une œuvre immense, une famille d’artistes et le souvenir d’une femme qui, par son talent et son audace, a marqué de son empreinte la scène française. Ses obsèques rassemblent une foule émue, venue saluer une dernière fois celle qui a su incarner l’esprit de son temps. Elle repose au cimetière de Passy, entourée de ses proches et de ceux qui ont partagé sa passion du théâtre. Sa disparition marque la fin d’une époque, celle des grandes actrices qui faisaient vibrer le Tout-Paris et inspiraient les générations futures.

Aujourd’hui, son nom résonne moins fort que celui de Sarah Bernhardt. Si la mémoire collective tend à l’oublier, les passionnés de théâtre et les historiens continuent de saluer son apport exceptionnel à la scène française.


Illustration: Réjane dans La Parisienne d’Henry Becque vers 1900. – Wikipédia

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *