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Eclairage de la Sibérie par des satellites Znamia - Image IA

A L’AVENIR, SUFFIRA-T-IL D’UN BOUTON POUR ÉCLAIRER TON QUARTIER DEPUIS L’ESPACE ? 📆 27 octobre 1992

Le 27 octobre 1992, la Russie propulse dans l’espace une idĂ©e fascinante : et si l’on pouvait, littĂ©ralement, allumer la nuit d’un simple geste, comme on active un interrupteur ? Quelques mois plus tard, le satellite Znamia-2 quitte la station Mir, dĂ©ploie sa voile de 20 mĂštres de diamĂštre et dirige un faisceau lumineux sur le sud de l’Europe, traversant le ciel Ă  plus de 8 kilomĂštres par seconde.

Les tĂ©moins, dont certains veillent justement ce soir-lĂ , assistent Ă  l’apparition d’un point Ă©tincelant : la nuit s’efface, fugacement, devant un diamant de lumiĂšre. DerriĂšre l’anecdote spectaculaire et l’ambition pour la Russie d’éclairer la SibĂ©rie pendant les mois sombres de l’hiver, Znamia-2 ouvre une rĂ©flexion sur notre soif d’apprivoiser l’obscuritĂ© et d’utiliser l’espace comme nouveau relais des Ă©nergies terrestres.

Des attentes trop élevées

Ce miroir spatial, imaginĂ© pour renvoyer la lumiĂšre du Soleil vers la Terre, fonctionne : il dĂ©ploie sa voile, Ă©claire la surface sur environ 4 Ă  5 kilomĂštres de large, et fait la preuve que l’on peut projeter la lumiĂšre solaire sur les rĂ©gions plongĂ©es dans l’ombre.

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Pourtant, l’expĂ©rience rappelle vite qu’un exploit technique n’est pas toujours synonyme d’efficacitĂ© concrĂšte : la lueur produite reste Ă©quivalente Ă  celle d’une pleine lune, trop faible pour un usage quotidien, et la bande lumineuse glisse si vite qu’on n’aperçoit qu’un Ă©clat furtif, souvent rendu invisible par les nuages ou les alĂ©as de l’orbite.

Un projet vite abandonné

L’ambition d’allumer la Terre depuis l’espace se heurte Ă  ses propres limites : l’expĂ©rience du Znamia-2 montre que la lumiĂšre transportĂ©e depuis l’orbite se dissipe, ne se concentre qu’imparfaitement et se rĂ©vĂšle trop fugace pour rĂ©volutionner l’éclairage terrestre.

L’échec du dĂ©ploiement de sa version agrandie, Znamia-2.5, dont le miroir se dĂ©chire en 1999, marque la fin d’une aventure. S’y ajoutent les mises en garde d’astronomes, inquiets de la pollution lumineuse, et la disparition du concepteur principal, scellant ainsi l’abandon du programme. Le coĂ»t, la difficultĂ© technique et le faible rendement achĂšvent de convaincre les autoritĂ©s russes de tourner la page de ces miroirs cĂ©lestes.

Demain, l’électricitĂ© solaire spatiale ?

Trente ans plus tard, le rĂȘve renaĂźt diffĂ©remment : la conquĂȘte de l’énergie solaire orbitale s’organise autour de nouveaux projets, partout dans le monde. La Chine planifie des centrales solaires gĂ©antes en orbite pour transmettre l’énergie par micro-ondes d’ici 2030. Des entreprises amĂ©ricaines, britanniques et japonaises multiplient les tests : transmission par ondes ou lasers, satellites en constellation, dĂ©monstrateurs capables d’alimenter directement un rĂ©seau Ă©lectrique terrestre.

Mais Ă  chaque fois, les mĂȘmes questions reviennent : comment orienter ces faisceaux sans risque ? Comment garantir la fiabilitĂ© et la sĂ©curitĂ© de la transmission ? Et surtout, que faire des dangers invoquĂ©s, tant pour l’atmosphĂšre que pour la santĂ© humaine ?

Demain, de nouveaux dangers invisibles ?

Utiliser des micro-ondes ou des lasers pour transfĂ©rer l’énergie depuis l’orbite prĂ©sente des dĂ©fis prĂ©cis : les micro-ondes traversent l’atmosphĂšre sans l’endommager directement, Ă  condition de respecter les normes de puissance. Mais en cas de dĂ©viation accidentelle, un faisceau peut chauffer une zone sensible, perturber la faune ou gĂȘner les migrations.

CĂŽtĂ© lasers, le danger vise les tissus vivants exposĂ©s, notamment brĂ»lures ou lĂ©sions des yeux et de la peau, si le faisceau croise par inadvertance un avion, un oiseau ou un humain. Les protocoles de sĂ©curitĂ© et la surveillance deviennent donc aussi importants que l’innovation technique elle-mĂȘme.

MalgrĂ© tout, Ă  ce jour, aucune Ă©tude ne signale d’effet nocif massif sur la composition de l’atmosphĂšre. Le cauchemar d’un « rayon de la mort » laisse place Ă  la question de la gestion collective d’une ressource spatiale, Ă  la frontiĂšre entre science et responsabilitĂ©.

Aujourd’hui, l’humanitĂ© continue de rĂȘver d’appuyer sur un bouton pour inonder un quartier de lumiĂšre venue du ciel. DerriĂšre ce fantasme, chaque progrĂšs technique rappelle que l’espace, s’il offre une scĂšne mondiale, impose la prudence, l’humilitĂ© et l’invention permanente. Suffira-t-il, un jour, d’un bouton pour donner Ă  la nuit l’intensitĂ© du jour ? À ce dĂ©fi, l’histoire de Znamia-2 rĂ©pond : il faut beaucoup plus qu’un rĂȘve, mais le rĂȘve persiste, et aucun interrupteur ne l’éteindra.


Illustration: Eclairage de la SibĂ©rie par des satellites Znamia – Image IA