Le 6 juin 1867, l’archiduchesse Mathilde de Teschen s’éteint à Vienne, à seulement 18 ans, victime d’un accident aussi tragique qu’absurde. Cette disparition brutale bouleverse la cour d’Autriche et marque durablement la mémoire de la famille impériale. Promise à un destin royal, la jeune femme voit sa vie basculer en quelques instants, rejoignant ainsi la longue liste des drames qui frappent la maison des Habsbourg.
Sommaire
Une archiduchesse au destin contrarié
Mathilde Marie Aldegonde Alexandra de Habsbourg-Lorraine-Teschen naît le 25 janvier 1849 à Vienne, dans l’une des familles les plus puissantes d’Europe. Elle est la fille de l’archiduc Albert, duc de Teschen, militaire émérite et proche du pouvoir impérial, et de la princesse Hildegarde de Bavière, elle-même fille du roi Louis Ier de Bavière. Mathilde grandit dans un environnement privilégié, entourée de sa sœur aînée Marie-Thérèse et marquée par le souvenir de son frère Karl, mort en bas âge. Sa famille est très liée à la cour impériale, notamment par sa mère, qui est la nièce de l’archiduchesse Sophie, mère de l’empereur François-Joseph et donc tante de la fameuse Sissi.
Devenue jeune femme, Mathilde se voit imposer les ambitions politiques de sa famille. On envisage pour elle un mariage avec Humbert Ier, prince de Piémont et futur roi d’Italie, afin de consolider l’alliance entre l’Autriche et l’Italie. Mais Mathilde, de caractère sensible et romantique, nourrit des sentiments pour son cousin Louis-Salvador de Habsbourg-Toscane. Sa famille refuse cette union jugée inadaptée à leurs objectifs diplomatiques. Déchirée entre devoir et amour, Mathilde incarne le drame des princesses sacrifiées sur l’autel de la raison d’État.
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Une habitude fatale héritée de Sissi
Comme sa cousine Sissi, l’impératrice Élisabeth d’Autriche, Mathilde adopte en secret l’habitude de fumer, un geste de liberté dans une société corsetée par l’étiquette. Cette pratique, strictement interdite par son père, devient pour elle un acte de défi discret et une façon d’imiter la modernité de Sissi. Le 22 mai 1867, alors qu’elle se prépare dans sa chambre du château d’Hetzendorf pour assister à un bal donné au théâtre de Vienne, Mathilde allume une cigarette, pensant rester à l’abri des regards. Mais elle entend soudain les pas de son père dans le couloir. Prise de panique, elle tente de dissimuler la cigarette derrière son dos. La braise entre en contact avec la mousseline de sa robe, dont la crinoline est imbibée de glycérine, une substance hautement inflammable à la mode à l’époque25.
En quelques secondes, la robe s’embrase. Mathilde hurle et court à travers la pièce, attisant involontairement les flammes. Ses domestiques interviennent, l’enroulent dans une couverture pour éteindre le feu, mais la jeune femme est déjà gravement brûlée sur une grande partie du corps. Les médecins, impuissants face à la gravité des blessures, ne peuvent que soulager ses souffrances. Mathilde agonise pendant deux semaines, entourée de sa famille, avant de mourir le 6 juin 1867 dans d’atroces douleurs.
Une mort qui s’ajoute aux drames des Habsbourg
Le décès de Mathilde s’inscrit dans une longue série de tragédies qui frappent la famille de Sissi et la dynastie des Habsbourg. Sa fille aînée, Sophie, meurt en bas âge lors d’un voyage en Hongrie, plongeant Sissi dans un profond chagrin. Son fils Rodolphe, héritier du trône, se suicide à Mayerling en 1889 dans des circonstances mystérieuses, entraînant avec lui sa maîtresse Marie Vetsera. Sa sœur, la duchesse d’Alençon Sophie-Charlotte, périt dans l’incendie du Bazar de la Charité à Paris en 1897, après avoir refusé de fuir pour aider les autres victimes. Son beau-frère, l’empereur Maximilien du Mexique, est fusillé en 1867, la même année que Mathilde, après avoir été abandonné par ses alliés.
Même Sissi n’échappe pas à cette fatalité : elle est assassinée à Genève en 1898 par l’anarchiste Luigi Lucheni, alors qu’elle se promène incognito sur les bords du lac Léman. Ces morts violentes et prématurées nourrissent la légende noire des Habsbourg et renforcent l’image mélancolique de l’impératrice, entourée de deuils et de drames familiaux.
Aujourd’hui, Mathilde de Teschen repose dans la crypte des Capucins à Vienne, auprès des autres membres de la famille impériale. Son nom reste moins célèbre que celui de Sissi mais, à l’image de sa cousine, sa mort tragique rappelle la fragilité des destins royaux et la violence des drames qui frappent même les plus puissantes familles d’Europe.
Illustration: Mathilde, archiduchesse d’Autriche (1849-1867). Photographie, portrait en buste, 1867. – Wikipédia
