Le 28 octobre 1952, sur la base de Melun-Villaroche, une page majeure de l’histoire aéronautique française s’écrit. Le Mystère II de Dassault, silhouette fuselée, s’élance sur la piste, croise les regards nerveux des mécaniciens comme des pilotes debout près du tarmac. Quand il dépasse la vitesse du son, le fameux « bang » résonne jusqu’aux sol, premier choc de l’ère supersonique française. Ce bruit n’est pas qu’un record technique : il donne naissance à une fierté nationale.
Sommaire
Construit pour franchir le mur du son
Né des enseignements tirés du MD-450 Ouragan, le Mystère II symbolise la passion et l’audace d’une génération de constructeurs et pilotes. Son fuselage allongé et ses ailes à forte flèche lui permettent de rivaliser avec les avions américains ou britanniques du moment. Motorisé par le Snecma ATAR 101 D3, le Mystère II affiche des performances qui impressionnent : il frôle Mach 1, grimpe à plus de 13 700 mètres et accompagne la France dans la quête du progrès technique. Les ingénieurs travaillent sans relâche pour affiner chaque courbe, chaque rivet : l’idée n’est plus seulement de voler, mais de voler vite, haut, et d’offrir à la France son premier chasseur supersonique totalement national.
Au moment où le Mystère II franchit le mur du son en 1952, seules trois nations relèvent déjà ce défi technologique : les États-Unis ouvrent la voie avec Chuck Yeager à bord du Bell X-1 dès 1947, le Royaume-Uni suit grâce au de Havilland DH.108 Swallow, et l’URSS réussit ce franchissement avec le MiG-17 en 1950 et le DFS 346. La France, avec ce vol historique du Mystère II, rejoint ainsi ce club très fermé et entre fièrement dans la modernité aéronautique.
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La conception reste encore perfectible. Les cellules sont fragiles, les trains d’atterrissage demandent des soins constants. Malgré tout, la mécanique et le souffle du réacteur font vibrer l’atelier : c’est le temps de tous les possibles, et le Mystère II devient vite le symbole d’une industrie qui ose se mesurer à la pointe de la modernité mondiale.
Missions sur le terrain et en escadron
Sur les terrains de l’Armée de l’Air, le Mystère II mène en Algérie une double vie : il assure des missions de chasse et d’appui au sol. Les pilotes utilisent ses canons supersoniques pour la défense aérienne et ses points d’emport sont équipés de bombes ou de roquettes lorsque la cible se cache à terre. On le voit aussi dans les écoles de pilotage, où il initie les jeunes à la puissance du réacteur et au « bang » mythique qui change leur regard sur le métier. Rapidement, les faiblesses structurelles du Mystère II l’écartent des opérations majeures, et son exportation ne dépasse jamais la sphère française.
Le Mystère II est équipé principalement de deux canons DEFA 541 de 30 mm, montés dans le nez. Cette artillerie lourde lui permet d’engager tant des chasseurs ennemis que des cibles au sol, renforçant son rôle de chasseur-bombardier et d’appui rapproché. Sa capacité d’emport atteint 550 kg de bombes ou de roquettes sous les ailes. Les séries et variantes testent aussi l’ajout de canons Hispano de 20 mm selon les besoins.
Pour les pilotes, manier ce type d’armement à très haute vitesse marque un tournant : le supersonique impose une nouvelle maîtrise technique et des automatismes adaptés au combat moderne.
À l’étranger, l’avion est testé par Israël et approché par l’Inde, sans convaincre : les retours sont mitigés, et les commandes attendues sont converties vers son successeur, le Mystère IV.

Le secret du bang supersonique
Dès que le Mystère II atteint et dépasse la vitesse du son, il crée un phénomène singulier en compressant brutalement les molécules d’air sur sa trajectoire. Les ondes sonores émises par l’appareil, qui se dispersaient sans heurt à basse vitesse, se compressent et fusionnent lorsqu’il approche de Mach 1. À ce point critique, aucune onde ne peut précéder l’avion : elles se regroupent alors en une onde de choc, formant un cône (le cône de Mach) qui suit le trajet du chasseur.
Chaque personne située dans la zone traversée par le bord de ce cône entend le fameux « bang » supersonique, résultat d’une soudaine élévation de pression. L’onde de choc est aussi synonyme de contraintes mécaniques pour l’appareil, demandant une structure pensée pour supporter le brutal changement des conditions aérodynamiques. Les ingénieurs doivent donc adapter les formes et matériaux pour que le Mystère II franchisse le mur du son sans dommage, prouvant la capacité de la France à maîtriser ces technologies.
Le savais-tu ?
Le claquement d’un fouet long et souple résulte du passage de son extrémité en supersonique.
Arrivée rapide du Mystère IV
Le Mystère II, conçu dans la précipitation de la compétition technologique, apporte autant d’innovations que de soucis pour les mécaniciens. Sa fiabilité reste moyenne : pannes moteur, trains d’atterrissage « délicats », cellules fragiles… L’appareil ne supporte pas longtemps un rythme opérationnel intensif. Les techniciens de l’Armée de l’Air multiplient les interventions pour limiter l’usure et la casse sur les unités, ce qui réduit sa disponibilité.
Ce manque de robustesse précipite l’arrivée rapide du Mystère IV, mieux conçu et plus fiable, qui le relègue vite au rôle d’appareil expérimental ou de formation. Pourtant, les souvenirs du Mystère II restent ceux de l’audace et de la prise de risque.
Pour l’histoire, le Mystère II cède la place à des modèles plus robustes et performants, mais marque à jamais l’entrée de l’Hexagone dans la modernité aérienne. Il inspire la lignée des Mirage, rois des cieux à Mach 2 et plus, symboles ultimes de l’audace et de l’excellence tricolore.
