La date du 28 novembre des années 1881 et 1520 rapproche un grand écrivain, Stefan Zweig, d’un grand navigateur et explorateur, Fernando Magellan. Ce lien s’exprime tout naturellement dans l’œuvre de l’un racontant les aventures de l’autre.
Sommaire
Stefan Zweig, une vie en exil
Né le 28 novembre 1881 à Vienne, Stefan Zweig grandit dans une bourgeoisie juive cultivée et cosmopolite qui nourrit très tôt son goût pour les arts et les langues. Devenu l’un des auteurs les plus lus d’Europe entre les deux guerres, il se fait connaître par ses nouvelles psychologiques, ses romans, ses essais et surtout ses biographies consacrées à des « moments décisifs » de l’histoire, de Fouché à Marie Stuart en passant par Marie‑Antoinette.
L’Anschluss et la montée du nazisme l’obligent à l’exil ; installé finalement au Brésil, il y achève son autobiographie, « Le Monde d’hier », avant de se donner la mort à Petrópolis en 1942, hanté par l’effondrement de l’Europe humaniste à laquelle il s’identifiait.
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Magellan, l’audace d’un passage
Fernand de Magellan, petit noble portugais né vers 1480, se forme très tôt aux navigations lointaines avant de rompre avec la cour de Lisbonne pour offrir son « projet fou » au roi d’Espagne : trouver par l’ouest une route vers les îles aux épices. Parti de Séville en 1519 à la tête de cinq navires, il explore longuement les côtes sud-américaines, affronte mutineries et tempêtes, puis découvre à l’extrême sud du continent un passage tortueux entre Atlantique et Pacifique, futur détroit de Magellan.
Le 28 novembre 1520, son escadre quitte enfin ces eaux resserrées pour déboucher dans l’immense océan qu’il baptise « Pacifique », ouvrant ainsi la première traversée européenne de cette mer et rendant possible le premier tour du monde, que ses hommes termineront sans lui après sa mort à Mactan en 1521.
Le 28 novembre, date charnière
En 1938, Zweig publie « Magellan. Der Mann und seine Tat », où il fait de l’explorateur le symbole de la ténacité solitaire affrontant l’inconnu, dans une Europe elle‑même au bord du naufrage. Né un 28 novembre, Zweig se penche ainsi sur l’autre 28 novembre : celui de l’histoire de Magellan, jour de 1520 où le navigateur achève l’exploration du détroit et s’engage dans le Pacifique, transformant une intuition géographique en certitude planétaire.
La coïncidence de ces deux 28 novembre relie la vie de l’écrivain et l’exploit du marin : l’un donne une forme littéraire et humaniste à l’aventure de l’autre, et son livre fera entrer Magellan dans l’imaginaire du grand public autant que le détroit fit entrer l’humanité dans la pleine conscience de la rotondité du globe.
Le Brésil, destination incontournable
Un autre lien discret mais fort entre Zweig et Magellan passe par le Brésil. Lorsque l’expédition de Magellan touche la côte brésilienne en 1519, elle s’arrête notamment dans la baie de Rio de Janeiro, étape d’un monde encore en devenir pour les Européens. Quatre siècles plus tard, c’est ce même Brésil qui devient pour Stefan Zweig terre d’exil et dernier refuge, au point qu’il le célèbre dans un essai intitulé « Brésil, pays d’avenir », avant d’y mourir à Petrópolis en 1942.
Ainsi, le pays qui n’est pour Magellan qu’une escale sur la route vers les Moluques devient pour Zweig un horizon final, presque mythique, comme si l’itinéraire maritime de l’un et l’errance intérieure de l’autre se rejoignaient, de manière inversée, sur les rivages brésiliens.

Illustration:
– Ebook gratuit, bibliothèque numérique romande.
– Portrait anonyme de Fernand de Magellan, XVIe ou XVIIe siècle, Mariners’ Museum. Wikipédia
– Stefan Zweig.
