Alcatraz - Les frères Anglin et Frank Morris

LA NUIT OÙ MORRIS ET LES FRÈRES ANGLIN SE SONT FAIT LA BELLE 📆 11 juin 1962

Au cœur de la baie de San Francisco, l’île d’Alcatraz fascine et intrigue. Son histoire, faite de mystères, de drames et de légendes, attire chaque année des millions de visiteurs. Mais c’est la nuit du 11 juin 1962 qui marque à jamais la mémoire collective : trois hommes, Frank Morris et les frères Anglin, réussissent la plus célèbre évasion de l’histoire pénitentiaire américaine. Cet exploit, qui défie toutes les lois de la sécurité, continue de nourrir les débats et d’alimenter la légende du « Rocher ».

Une île à l’histoire mouvementée

L’histoire d’Alcatraz commence bien avant sa transformation en prison. En 1775, l’explorateur espagnol Juan Manuel de Ayala baptise l’île « Isla de Alcatraces », l’île aux pélicans, en raison des nombreux oiseaux qui y nichent. Rapidement, l’île devient un point stratégique pour l’armée américaine : dès 1859, un fort y est construit pour protéger la baie de San Francisco, notamment lors de la ruée vers l’or et de la guerre de Sécession. On y enferme alors des déserteurs, des prisonniers militaires et même des Amérindiens Hopis opposés à la politique d’assimilation.

Au fil des décennies, Alcatraz se transforme en prison militaire, puis, en 1934, en pénitencier fédéral de haute sécurité. L’administration fédérale y envoie les criminels les plus dangereux du pays : braqueurs, kidnappeurs, meurtriers et figures du crime organisé comme Al Capone. L’île, isolée par des eaux glaciales et des courants puissants, devient synonyme d’inaccessibilité et d’invulnérabilité. Les autorités propagent même la rumeur de requins pour dissuader toute tentative d’évasion.

L’évasion du siècle

Dans ce décor austère, Frank Morris et les frères John et Clarence Anglin, trois détenus au profil redoutable, se rencontrent et échafaudent un plan d’évasion d’une ingéniosité sans précédent. Frank Morris, réputé pour son intelligence, et les frères Anglin, habitués à la débrouille, travaillent des mois durant à creuser un trou derrière la grille de ventilation de leur cellule. Ils utilisent des outils artisanaux : cuillères en métal soudées à l’argent, perceuse fabriquée à partir d’un moteur d’aspirateur, cordons abrasifs volés à l’atelier. Le bruit de leurs travaux est masqué par la musique des accordéons, et les dégâts sont dissimulés par de faux murs soigneusement peints.

La nuit du 11 juin 1962, ils placent dans leurs lits des mannequins en papier mâché et cheveux humains pour tromper les gardiens. Ils se glissent dans un couloir de service, retirent le ventilateur d’un conduit, accèdent au toit, puis descendent jusqu’à la rive nord de l’île. Là, ils gonflent un radeau de fortune et des gilets de sauvetage, fabriqués à partir de plus de cinquante imperméables cousus et collés. Ils profitent du calme de la nuit pour se lancer sur les eaux hostiles de la baie, espérant rejoindre Angel Island, puis le continent. Au matin, les gardiens découvrent la supercherie : les cellules sont vides, les mannequins sont là, mais les hommes ont disparu.

Des recherches qui accentuent le mystère

L’évasion déclenche une immense chasse à l’homme. Le FBI, la police locale, les garde-côtes mobilisent avions, bateaux et chiens pour ratisser la baie et les environs. Les enquêteurs retrouvent une pagaie artisanale, un sac étanche contenant des effets personnels, des gilets de sauvetage sur les plages, et un radeau sur Angel Island. Malgré ces indices, aucune trace formelle des fugitifs n’est jamais découverte. Les autorités concluent officiellement à leur noyade, invoquant la température glaciale de l’eau et la force des courants, mais le doute subsiste. Au fil des années, des témoignages, des lettres anonymes et même une photo prise au Brésil relancent la théorie d’une évasion réussie. L’affaire reste irrésolue, et la disparition de Morris et des frères Anglin continue de passionner les enquêteurs et le public.

Les conséquences pour Alcatraz

L’évasion de 1962 porte un coup fatal à la réputation d’Alcatraz. La prison, déjà vieillissante et coûteuse à entretenir, voit sa crédibilité entamée : si trois hommes ont pu déjouer tous les dispositifs de sécurité, le mythe de l’invulnérabilité s’effondre. L’administration fédérale décide de fermer définitivement la prison en mars 1963, moins d’un an après l’évasion. Les détenus sont transférés vers d’autres établissements, et Alcatraz cesse d’être un centre pénitentiaire. L’événement marque la fin d’une époque et ouvre un nouveau chapitre pour l’île.

Alcatraz aujourd’hui, entre mémoire et légende

Après la fermeture de la prison, Alcatraz devient le symbole d’autres luttes. En 1969, des Amérindiens occupent l’île pour revendiquer leurs droits, une occupation qui dure jusqu’en 1971. En 1972, le site est intégré à la Golden Gate National Recreation Area et classé monument historique. Depuis 1973, Alcatraz ouvre ses portes au public et attire plus d’un million de visiteurs chaque année. Les visiteurs arpentent les couloirs, écoutent les récits d’anciens détenus et gardiens, et découvrent l’histoire fascinante de cette île hors du commun. L’évasion de 1962, jamais totalement élucidée, continue d’alimenter l’imaginaire collectif et fait d’Alcatraz un lieu où l’histoire se mêle à la légende.

Alcatraz n’est plus une prison, mais elle garde à jamais l’aura d’un défi lancé à l’impossible, symbole de la ténacité humaine face à l’adversité et du mystère qui plane sur le destin de ceux qui ont osé défier le Rocher.


Illustration:
– Le « Rocher » d’Alcatraz
– Clarence Anglin, John Anglin, Frank Morris. – Wikipédia

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