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MAO ZEDONG : HÉRITAGE D’UNE TRAGÉDIE 📆 9 septembre 1976

Mao Zedong jeune sculpté à Changsha

Au matin du 9 septembre 1976, la Chine bascule dans l’incertitude avec la mort de Mao Zedong. Après presque trois décennies passées à la tête de la République populaire, le « Grand Timonier » laisse derrière lui un héritage aussi immense que controversé. Cette disparition marque la fin d’une époque où la ferveur révolutionnaire s’entremêle à la violence et à la souffrance, faisant naître autant d’espoirs que de drames.

Dans cette atmosphère troublée, le vice-président du Parti communiste chinois, Chen Yun entre 1978 et 1982, résume le dilemme auquel la Chine tout entière doit désormais faire face : « Si Mao était mort en 1956, ses réalisations auraient été immortelles. S’il était mort en 1966, il aurait été un grand homme. Mais il est mort en 1976. Hélas, que peut-on dire ? ».

1949-1956 : la renaissance chinoise

En 1949, Mao proclame la République populaire de Chine, mettant fin à des décennies de guerre civile, d’occupations étrangères et d’humiliations nationales. Sous son impulsion, la Chine opère un tour de force inédit : unification territoriale, effacement des seigneurs de la guerre, et restauration de l’indépendance face aux puissances étrangères. Mao lance la réforme agraire, redistribuant les terres aux millions de paysans, brisant les anciennes hiérarchies rurales. L’éducation devient une priorité, la santé se développe, et les femmes, désormais libres de choisir leur mari, accèdent à des droits jusque-là inédits. Grâce à l’aide soviétique, la Chine s’industrialise vite, bâtissant les premières usines et développant une économie planifiée. Dans ce climat d’effervescence collective, l’enthousiasme populaire semble sans limite, porté par la foi dans le progrès et la justice sociale.

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1956-1966 : du rêve au désastre

Avec l’ambition de rattraper l’Occident et d’aller encore plus loin dans la construction du socialisme, Mao initie en 1958 le « Grand Bond en avant ». Très vite, l’enthousiasme cède la place à l’aveuglement : la collectivisation extrême, la création de communes populaires, l’industrialisation rurale volontaire ne tardent pas à provoquer famines et chaos. Des millions de vies sont brisées entre 1959 et 1962 ; le rêve tourne au cauchemar, la Chine s’enfonce dans l’autoritarisme et la répression, les voix critiques sont bâillonnées et Mao, isolé, commence à perdre son emprise sur le Parti et le pays.

1966-1976 : une décennie de chaos

En 1966, sentant son autorité menacée, Mao lance la Révolution culturelle, déterminé à purger le Parti des « ennemis de la révolution » et à relancer la ferveur idéologique. Avec la « bande des Quatre », dont son épouse Jiang Qing, il encourage la jeunesse à se dresser contre l’ordre établi, déclenchant une vague de violence et de terreur sans précédent. Les Gardes rouges sèment la peur : humiliations publiques, destructions culturelles, arrestations arbitraires, écoles fermées, familles brisées. La société tout entière s’enfonce dans le soupçon et la haine. Même l’économie est paralysée par l’instabilité, tandis que plusieurs millions de Chinois meurent ou vivent dans la terreur quotidienne. À la mort de Mao, la Chine est fracturée, meurtrie, traversée par la défiance envers ses institutions et son propre passé.

La chute de la bande des Quatre

La disparation de Mao provoque un bouleversement politique immédiat. La « bande des Quatre », incarnation des excès et de la radicalisation des dernières années, tente de garder la main sur le Parti. Mais dès octobre 1976, le nouveau pouvoir fait arrêter Jiang Qing et ses compagnons. Leur procès, retentissant, met en lumière leur implication dans les crimes et exactions de la Révolution culturelle. Jiang Qing, la veuve de Mao, doit répondre devant le peuple chinois d’accusations gravissimes : elle est reconnue coupable de complot contre l’État, de persécutions massives, de crimes contre l’humanité et d’être l’une des principales responsables du chaos révolutionnaire. Condamnée à mort avec sursis, puis à la prison à vie, Jiang Qing ne cessera de clamer qu’elle n’a fait qu’« exécuter les volontés du président Mao ». Son sort symbolise la volonté de la Chine post-maoïste de tourner la page, de panser ses plaies, et d’ouvrir une nouvelle ère.

L’héritage de Mao Zedong

La politique de Mao, entre utopie égalitaire et dérive autoritaire, laisse une empreinte indélébile sur la Chine. D’un côté, il offre au peuple chinois l’indépendance, la dignité retrouvée et une profonde rupture avec le passé féodal. De l’autre, il précipite la nation dans des drames gigantesques, dont la Révolution culturelle incarne l’apogée tragique. Au lendemain de son décès, la rivalité des héritiers, la purge de la « bande des Quatre » et le procès de Jiang Qing marquent la volonté de rompre avec l’excès. Mais la Chine se construit sur ce souvenir ambigu : admirant la force du bâtisseur tout en dénonçant la folie destructrice du tyran. Ainsi, Chen Yun livre au pays un avertissement persistant : la grandeur peut si facilement se muer en naufrage. Et c’est cette mémoire vive, oscillant entre lumière et ténèbres, que la Chine contemporaine porte encore en elle.


Illustration: Statue de Mao jeune à Changsha. – Wikipédia