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Soldats s'apprĂȘtant Ă  sortir de leur tranchĂ©e - Image IA

BATAILLE DE LA MALMAISON : LA FIN DES MASSACRES INUTILES ? 📆 25 octobre 1917

Le 25 octobre 1917, la bataille de la Malmaison touche Ă  sa fin. Depuis trois jours, les armĂ©es françaises avancent mĂ©thodiquement sur le plateau ouest du Chemin des Dames. À l’aube, Pinon, Chavignon, Pargny et les hauteurs dominant la vallĂ©e de l’Ailette tombent successivement aux mains de la VIe armĂ©e du gĂ©nĂ©ral Maistre. Le fort de la Malmaison, rasĂ© par les obus, n’est plus qu’un amas de pierres, mais sa reconquĂȘte symbolise la revanche d’une armĂ©e trop longtemps malheureuse.

En quelques heures, les Allemands abandonnent le plateau, se repliant derriĂšre l’Ailette, incapables de tenir leurs positions face Ă  la puissance du feu français. Pour la premiĂšre fois depuis l’échec du printemps, les poilus respirent encore Ă  la fin d’une bataille. Dans les journaux, dans les villages de l’arriĂšre comme sur le front, un mot revient : victoire.

De Nivelle à Pétain : la rupture

Quelques mois plus tĂŽt, le gĂ©nĂ©ral PĂ©tain a remplacĂ© Robert Nivelle, dont la promesse d’une percĂ©e Ă©clatante en avril 1917 s’est muĂ©e en dĂ©sastre. Sur le Chemin des Dames, les hommes ont avancĂ© dans la boue sous un feu nourri, pour quelques mĂštres gagnĂ©s au prix de 120 000 morts et blessĂ©s. Dans les cantonnements, les soldats ne croient plus en la parole des Ă©tats-majors ; des chansons de dĂ©sespoir circulent, des refus Ă©clatent. C’est le temps des mutineries, ce cri collectif contre la folie des offensives sans espoir.

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Quand PĂ©tain prend le commandement, il comprend que l’armĂ©e ne peut continuer Ă  ce rythme. La confiance est brisĂ©e, la fatigue est immense. Son premier geste n’est pas de lancer une nouvelle attaque, mais d’écouter. Il rĂ©tablit les permissions, amĂ©liore le ravitaillement, fait rĂ©parer les cantonnements et surtout, promet une chose : les hommes ne mourront plus inutilement. Finies les offensives mal prĂ©parĂ©es ; dĂ©sormais, chaque opĂ©ration sera minutieuse, rĂ©aliste, appuyĂ©e sur le renseignement et la puissance du feu. La Malmaison sera le laboratoire de cette « guerre raisonnĂ©e ».

La préparation : rigueur et précision

Pour cette nouvelle offensive, PĂ©tain ordonne une prĂ©paration d’une rigueur encore jamais vue. Le fort de la Malmaison, perchĂ© sur le plateau, devient la clĂ© du dispositif ennemi. Le gĂ©nĂ©ral Maistre reçoit la responsabilitĂ© d’attaquer avec ses 11e, 14e et 21e corps d’armĂ©e. DĂšs le 17 octobre, le front, long de douze kilomĂštres entre Vauxaillon et Ostel, tremble sous un dĂ©luge d’acier : trois millions d’obus pleuvent sur les tranchĂ©es allemandes, dĂ©truisant barbelĂ©s, abris et batteries. Les reconnaissances aĂ©riennes ajustent les tirs avec une prĂ©cision inĂ©dite, tandis que des obus Ă  gaz neutralisent les arriĂšres ennemis.

PĂ©tain fait aussi entrer les chars dans la bataille, mais avec prudence : quarante-huit Schneider et vingt Saint-Chamond accompagnent l’infanterie en Ă©troite coordination. Pas d’assaut aveugle : les chars avancent Ă  la suite des barrages roulants, juste ce qu’il faut pour appuyer la progression et disloquer les points d’appui adverses. L’objectif n’est pas de percer le front sur toute sa largeur, mais d’atteindre mĂ©thodiquement les positions allemandes les plus solides, de fort en ferme, jusqu’à rejeter l’ennemi au-delĂ  de l’Ailette. Tout est planifiĂ©, rĂ©pĂ©tĂ©, sĂ©curisĂ©. Les soldats sentent que leurs vies comptent enfin.

Une victoire nette et apaisante

Au matin du 25 octobre, les villages de Pinon, Pargny-Filain et Chavignon sont entre les mains françaises. Le fort est tombĂ©, le Chemin des Dames est libĂ©rĂ©. Les Allemands, Ă©puisĂ©s, abandonnent leurs canons, leurs mitrailleuses et leurs tranchĂ©es. À la fin de la journĂ©e, les Français contrĂŽlent un front complet de plusieurs kilomĂštres. Le bilan est sans Ă©quivoque : plus de 12 000 prisonniers ennemis, 200 canons saisis et 700 mitrailleuses capturĂ©es. Dans les rangs français, on dĂ©nombre 4 000 morts pour une victoire dĂ©cisive, loin des hĂ©catombes du printemps.

La presse s’empare immĂ©diatement de l’évĂ©nement. Les actualitĂ©s filmĂ©es montrent des scĂšnes de liesse, les longues files de prisonniers allemands, les ruines conquises. Sur les routes de l’arriĂšre, les habitants acclament les convois de troupes, les uniformes couverts de craie. L’écho Ă©motionnel est immense. AprĂšs les mois sombres des mutineries et du dĂ©sespoir, la France se remet Ă  croire en la possibilitĂ© d’une victoire mesurĂ©e mais sĂ»re. PĂ©tain prouve qu’en respectant les hommes, on peut encore vaincre.

Une revanche morale et doctrinale

La bataille de la Malmaison dĂ©passe le simple champ militaire. Elle marque un tournant dans la guerre, et dans la tĂȘte des hommes. Pour les poilus, cette victoire est la preuve qu’on peut combattre sans se sacrifier inutilement. PĂ©tain se montre fidĂšle Ă  son credo : mĂ©nager le sang français tout en frappant fort et juste. La doctrine qu’il impose devient un modĂšle : une prĂ©paration d’artillerie massive, une coordination parfaite, des objectifs limitĂ©s et une exploitation immĂ©diate des succĂšs.

La rĂ©ussite de la Malmaison valide cette approche et inspire les futures offensives alliĂ©es de 1918, conduites sous le commandement de Foch. Ce nouveau rĂ©alisme militaire, appuyĂ© sur la science du feu et le respect du soldat, remplace dĂ©finitivement la foi aveugle dans la « charge hĂ©roĂŻque ». C’est une revanche morale sur les horreurs du Chemin des Dames et une rĂ©conciliation entre l’armĂ©e et sa nation.

La Malmaison ne met pas fin Ă  la guerre, mais elle met fin Ă  un certain type de guerre. PĂ©tain n’a pas seulement remportĂ© une victoire tactique ; il a redonnĂ© un sens Ă  la vie de ceux qui se battent. Et tandis que le vent d’automne balaie les collines blanches du plateau, une question demeure, suspendue entre les ruines et les croix : avec la Malmaison, la fin des massacres inutiles est-elle enfin venue ?