L’affaire des plombiers, appelée aussi Watergaffe, éclate en France le 3 décembre 1973.
L’affaire des plombiers est un scandale politique français impliquant une tentative d’espionnage du journal satirique Le Canard enchaîné par la Direction de la Surveillance du Territoire (DST). Le soir du 3 décembre 1973, André Escaro, dessinateur et administrateur du journal, découvre des individus se faisant passer pour des plombiers dans les locaux de l’hebdomadaire. Ces faux artisans tentent d’installer des micros pour espionner la rédaction. Cette opération fait suite à la publication par Le Canard enchaîné, en janvier 1972, des feuilles d’imposition du Premier ministre Jacques Chaban-Delmas, révélant qu’il n’avait payé aucun impôt de 1967 à 1970. Le ministre de l’Intérieur, Raymond Marcellin, ordonne alors une enquête approfondie sur le journal pour débusquer ses sources. Malgré les preuves irréfutables fournies par Le Canard enchaîné, la DST nie les faits.
Le juge d’instruction Hubert Pinsseau rend une ordonnance de non-lieu le 29 décembre 1976. Dans ses attendus, il précise que Le Canard enchaîné n’a pas été victime d’une violation de domicile, car les locaux étaient inoccupés au moment des faits. De plus, il estime qu’il n’y a pas eu atteinte à la vie privée puisque, selon lui, les journalistes ne peuvent avoir que des conversations d’ordre politique, général ou professionnel dans un local professionnel. Cette décision est confirmée par la chambre d’accusation de Paris et, après un pourvoi en cassation, par la chambre d’accusation d’Amiens qui déclare l’action publique éteinte, arguant que plus de trois ans se sont écoulés depuis le début de la procédure judiciaire.
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Les conséquences de cette affaire sont significatives pour les principaux protagonistes. Pour Le Canard enchaîné, le scandale entraîne une augmentation spectaculaire de son tirage, passant de 450 000 exemplaires à plus d’un million dans la semaine suivant les révélations. Quant à Jacques Chaban-Delmas, sa popularité, déjà entamée par la révélation de ses feuilles d’impôt, est davantage compromise. Sa candidature à l’élection présidentielle de 1974 est sérieusement affectée, voire « balayée », au profit du centriste Giscard d’Estaing. Sur le plan politique, l’affaire conduit indirectement à un remaniement ministériel deux mois et demi après les faits, avec la permutation des ministres de l’Intérieur et de l’Agriculture lors de la formation du troisième gouvernement de Pierre Messmer.
En passant par hasard devant l’immeuble du Canard Enchaîné vers 22 h 15, le dessinateur Escaro, aussi administrateur, est surpris d’apercevoir des faisceaux de lampes électriques au 3e étage. Sans hésitation, il monte fissa les escaliers quatre à quatre. Quelle n’est pas alors sa surprise de trouver trois ouvriers en salopette bleue et deux hommes en civil au milieu de lattes de plancher enlevées, de trous dans les cloisons et de fils électrique. «Nous installons le chauffage central», dit l’un d’eux. Mais, manque de bol, le chauffage fonctionne déjà depuis trois jours. A la conciergerie, les inconnus ont déclaré qu’ils sont venus poser les voilages…
En quittant l’immeuble, André Escaro croise des gardiens de la paix sur le trottoir et entend une voix nasillarde sortant de leur talkie-walkie : «Suivez l’homme qui sort… on laisse tomber. Sauve qui peut ! » Lorsqu’il revient trois quarts d’heure plus tard en compagnie du directeur et du rédacteur en chef du Canard, les plombiers ont disparu après avoir emporté leurs fils et leur matériel, remplacé les lattes du plancher et bouché les trous dans les cloisons. La facture n’a jamais été envoyée.
Illustration: Une du Canard Enchaîné sur le Watergaffe
