Le 12 dĂ©cembre 1999, au large de la Bretagne, le pĂ©trolier Erika se brise en deux sous lâassaut dâune violente tempĂȘte. Ce navire chargĂ© de 30 000 tonnes de fioul lourd sombre Ă quelques dizaines de kilomĂštres des cĂŽtes, libĂ©rant une marĂ©e noire qui souille 400 kilomĂštres de littoral, de la pointe du Raz Ă la Charente-Maritime. Des centaines de milliers dâoiseaux meurent mazoutĂ©s, les plages et les vasiĂšres sâendorment sous une couche visqueuse, et une rĂ©gion entiĂšre retient son souffle face Ă lâune des pires catastrophes Ă©cologiques de lâhistoire française.
Aujourdâhui encore, lâErika incarne la fragilitĂ© dâun systĂšme oĂč un armateur italien, Giuseppe Savarese, via sa sociĂ©tĂ© maltaise Tevere Shipping, possĂšde un bateau de 24 ans dĂ©jĂ condamnĂ© par les experts comme un « tas de ferraille ». Total lâaffrĂšte pour un voyage banal de Dunkerque Ă Livourne, tandis que Panship gĂšre lâentretien au minimum syndical. La corrosion ronge les ballasts internes, les inspections superficielles se succĂšdent sans alerter vraiment, et personne nâarrĂȘte ce monstre rouillĂ© voguant sous pavillon de complaisance.
La coque craque, le fioul se rĂ©pand â 20 000 tonnes engloutissent la mer. Les cĂŽtes bretonnes, vendĂ©ennes, charentaises se noircissent sur 400 kilomĂštres. 250 000 tonnes de dĂ©chets polluĂ©s sâamoncellent Ă terre, nettoyĂ©s par des milliers de bĂ©nĂ©voles, pompiers et militaires pendant des mois. La pĂȘche sâarrĂȘte, les huĂźtres pourrissent, le tourisme sâeffondre ; le prĂ©judice Ă©conomique dĂ©passe le milliard dâeuros, sans compter les 150 000 Ă 300 000 oiseaux marins qui disparaissent dans lâhuile noire.
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Lâaffaire traĂźne treize ans jusquâĂ la Cour de cassation en 2012. Total, lâarmateur, le gestionnaire et la sociĂ©tĂ© de classification Ă©copent dâamendes et de 200 millions dâeuros dâindemnitĂ©s. Surtout, les juges reconnaissent le « prĂ©judice Ă©cologique » : lâenvironnement lui-mĂȘme devient victime Ă part entiĂšre, rĂ©parable en justice. Cet arrĂȘt historique pave la voie au Code civil de 2016, oĂč la nature gagne enfin voix au chapitre.
LâEurope rĂ©agit avec les « paquets Erika » : fin des pĂ©troliers Ă simple coque, crĂ©ation de lâAgence de sĂ©curitĂ© maritime, contrĂŽles renforcĂ©s dans les ports, boĂźtes noires obligatoires. Moins de marĂ©es noires malgrĂ© un trafic en hausse, des navires plus sĂ»rs, une responsabilitĂ© accrue pour les gĂ©ants du pĂ©trole. LâErika hurle encore sa leçon : la nĂ©gligence coĂ»te cher, mais lâĂ©veil protĂšge. Plus jamais ça, promettent les cĂŽtes bretonnes, Ă©ternelles sentinelles de la mer.
ERIKA, ERIKA (Gilles Servat)
Un pavillon de complaisance
Un armateur digne de confiance
Le bénéfice pour étendard
Quelques esclaves pour équipage
Une couche de rouille pour le blindage
Et vingt-deux mille tonnes de coaltar.
Refrain
Erika, Erika
Je nâirai plus, je nâirai plus chez ton affrĂ©teur par hasard.
Les hommes avaient fait un beau rĂȘve
Le siĂšcle du progrĂšs sâachĂšve
Et câest plutĂŽt sur un cauchemar.
Rien nâa beaucoup changĂ© sur terre
En cette fin de millénaire
La merde humaine mise Ă part
Refrain
SouillĂ©s les rivages de lâenfance
Souillés les amours de vacances
Souillé le sable des mémoires
Salis le travail des presquâĂźles
Et la réputation des ßles
Salie la lumiĂšre des grands phares.
Refrain (2 fois)
Sur leurs cirés les bénévoles
Ont écrit en noir ces paroles
« Ce naufrage nâĂ©tait pas fatal »
Ce quâon ramasse avec nos pelles
Naviguait dans une vielle poubelle
Pour faire bander le capitale.
Ce quâon ramasse avec nos pelles
Naviguait dans une vieille poubelle
Pour épargner quelques dollars.
Refrain
