Le 2 juin 455, un événement dramatique bouleverse la Ville éternelle : les Vandales, menés par leur roi Genséric, franchissent les portes de Rome. Après avoir débarqué à Ostie, le port stratégique de la cité, ils pénètrent dans Rome sans rencontrer de réelle résistance. Ce sac, qui va durer quatorze jours, marque non seulement une humiliation profonde pour la capitale de l’Empire romain d’Occident, mais aussi un tournant décisif dans l’histoire européenne.
Sommaire
Pourquoi Rome ?
L’attaque des Vandales ne relève pas du hasard, mais d’un contexte politique et dynastique explosif. Après l’assassinat de l’empereur Valentinien III, Rome est plongée dans le chaos. Sa veuve, Licinia Eudoxia, se sent menacée par le nouvel empereur Pétrone Maxime, qui a usurpé le trône. Pour se protéger, elle fait appel à Genséric, roi des Vandales, qui voit là une occasion en or. Il souhaite récupérer sa belle-fille Eudocia, promise à son fils Hunéric, et profiter de l’instabilité romaine pour s’emparer de richesses et d’otages prestigieux. Mais au-delà de ces motifs personnels, le sac de Rome s’inscrit dans une politique d’expansion et de revanche : les Vandales, installés en Afrique du Nord, affrontent régulièrement Rome et cherchent à affirmer leur puissance face à un empire affaibli.
Le royaume vandale
Au moment du sac, le royaume vandale est à son apogée. Fondé en 435 par Genséric après une longue migration depuis l’Europe centrale, il s’étend sur une grande partie de l’Afrique du Nord, incluant l’actuelle Tunisie, l’est de l’Algérie et l’ouest de la Libye. Sa capitale, Carthage, est un centre commercial et maritime d’importance stratégique. Les Vandales contrôlent également plusieurs îles de la Méditerranée occidentale : Baléares, Sardaigne, Corse et Malte. Leur flotte redoutée leur assure la domination des routes maritimes et leur permet de lancer des raids jusqu’en Italie et sur les côtes de la Méditerranée. Le royaume, bien organisé et prospère grâce à la richesse agricole de l’Afrique, fait figure de puissance majeure face à un Empire romain d’Occident en déclin.

Les relations vandalo-romaines
Les relations entre Rome et les Vandales sont marquées par une alternance de traités précaires et de conflits ouverts. Après leur installation en Afrique, les Vandales signent des accords avec l’Empire, mais ceux-ci sont rapidement rompus, notamment après la prise de Carthage en 439. Devenus maîtres d’une province stratégique, les Vandales n’hésitent pas à lancer des raids maritimes, à piller les côtes italiennes et à défier l’autorité impériale. Les tentatives de reconquête menées par Rome échouent les unes après les autres, révélant l’impuissance militaire de l’Empire. À cela s’ajoutent des tensions religieuses : les Vandales sont ariens, tandis que les Romains restent fidèles au christianisme nicéen, ce qui accentue l’hostilité et la méfiance entre les deux peuples.
L’Empire en grand danger
La conquête de l’Afrique par les Vandales porte un coup fatal à l’Empire romain d’Occident. L’Afrique était le « grenier à blé » de Rome et la principale source de revenus fiscaux de l’Empire. Sa perte provoque une crise économique et alimentaire majeure : la population de Rome souffre de famines, l’État impérial manque de ressources pour financer son armée et son administration. Par ailleurs, la flotte vandale contrôle la Méditerranée occidentale, coupe les voies commerciales et multiplie les attaques contre les territoires romains. Les expéditions militaires envoyées pour reprendre l’Afrique échouent, aggravant le sentiment d’impuissance et d’abandon. Ce contexte contribue directement à l’accélération du déclin de l’Empire et à sa fragmentation politique.
Le sac de Rome
Le sac de Rome par les Vandales s’effectue dans une atmosphère de panique et de désorganisation. L’empereur Pétrone Maxime, incapable d’organiser la défense de la ville, tente de fuir mais est lynché par la foule. L’armée romaine, affaiblie et dispersée, est absente : aucune résistance sérieuse ne s’oppose à l’entrée des Vandales. Le pape Léon Ier rencontre Genséric et obtient la promesse d’éviter les massacres et la destruction des édifices majeurs. Malgré cela, les Vandales pillent méthodiquement la ville pendant quatorze jours : ils emportent trésors, œuvres d’art, objets sacrés, dépouillent les palais et les temples, et prennent de nombreux otages, dont l’impératrice Licinia Eudoxia et ses filles. Les richesses sont chargées sur des navires à Ostie et expédiées à Carthage. Si la ville n’est pas incendiée, le traumatisme est immense et la cité sort profondément affaiblie de cette épreuve.
S’en suit une lente agonie
Après le sac de 455, Rome ne se remettra jamais vraiment. Dépouillée de ses richesses, privée de son prestige et de ses élites, la ville entre dans une période de déclin accéléré. L’aristocratie sénatoriale, pilier de la société romaine, est bouleversée ; la population, appauvrie et traumatisée, voit son niveau de vie chuter. Rome perd progressivement son rôle central : le pouvoir politique se déplace vers Ravenne, puis disparaît avec la chute de l’Empire en 476. Dans les décennies suivantes, la ville subit de nouveaux assauts, notamment par les Ostrogoths en 546. Elle devient une cité marginalisée, loin de la grandeur qui fut la sienne, symbole d’un monde révolu.
Le sac de Rome par les Vandales en 455 incarne le crépuscule de l’Empire romain d’Occident. Jadis invincible, la Ville éternelle est livrée au pillage et à l’humiliation, et ne retrouvera jamais sa splendeur passée. Cet événement marque la fin d’une époque et l’entrée de l’Europe dans les temps incertains du Moyen Âge.
Illustration: Pillage de Rome par les Vandales, le 2 juin 455, Heinrich Leutemann, 1866