LâĂ©dit du 2 novembre 1554, signĂ© par le roi Henri II, marque un tournant crucial dans la reconnaissance du droit de glaner en France. Ce texte Ă©tablit clairement que le ramassage du restant des rĂ©coltes est autorisĂ© aux pauvres, aux malheureux, aux personnes ĂągĂ©es, aux estropiĂ©s et aux enfants.
Mais ce droit nâest pas sans conditions : il doit se pratiquer aprĂšs la rĂ©colte, manuellement, en journĂ©e, et sans lâaide dâoutils. LâĂ©dit prĂ©cise Ă©galement que le glanage doit respecter la propriĂ©tĂ© privĂ©e, en ne pĂ©nĂ©trant pas dans les terrains clĂŽturĂ©s ou en obtenant le consentement du propriĂ©taire. Enfin, il insiste sur la nĂ©cessitĂ© de respecter la rĂ©colte principale et de ne pas ramasser ce qui reste sur le terrain avant que la moisson ne soit terminĂ©e.
Ce droit, pourtant ancien, a traversĂ© le temps et reste encore aujourdâhui une rĂ©alitĂ© dans le droit français. Au Moyen Ăge, il Ă©tait rĂ©servĂ© aux plus dĂ©munis, aux veuves, aux orphelins et Ă ceux qui ne pouvaient pas subvenir Ă leurs besoins. La pratique Ă©tait encadrĂ©e pour limiter les abus tout en assurant aux plus faibles un minimum vital. La rĂ©glementation, puisĂ©e dans les textes religieux et royaux, insistait sur le fait que le glanage devait ĂȘtre fait Ă la main, sans outils, et uniquement sur des terrains non clĂŽturĂ©s. ConcrĂštement, ce droit permet Ă ceux qui se dĂ©brouillent devant leurs difficultĂ©s de se ravitailler sans pouvoir sâapproprier ni abuser des rĂ©coltes, dans un esprit de solidaritĂ© rurale et de justice sociale.
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Aujourdâhui, le glanage conserve cet esprit de partage et de respect. La pratique sâest urbanisĂ©e, se modifiant pour sâadapter au contexte contemporain. Elle se pratique notamment dans les villes oĂč des citoyens, associations ou mĂȘme des commerçants rĂ©cupĂšrent des invendus alimentaires ou cueillent dans des vergers ou friches urbaines. La rĂ©cupĂ©ration de dĂ©chets alimentaires ou la rĂ©colte de fruits laissĂ©s volontairement sur place sâinscrit dans un mouvement contre le gaspillage et pour la durabilitĂ©. Tout en respectant la rĂ©glementation â exercer le droit de glaner manuellement, respecter la propriĂ©tĂ© privĂ©e, ne pas causer de dommages â cette pratique devient un geste citoyen, solidaire et Ă©cologique, qui illumine la façon dont la sociĂ©tĂ© rĂ©concilie nĂ©cessitĂ©, responsabilitĂ© environnementale et solidaritĂ© humaine.
Le glanage se distingue dâautres pratiques moins lĂ©gales comme :
- le maraudage consistant à cueillir ou voler des fruits ou légumes encore attachés ou cultivés, avant la fin officielle de la récolte, ce qui constitue une infraction, voire un vol ;
- le grappillage dĂ©signant la rĂ©cupĂ©ration aprĂšs rĂ©colte de ce qui reste sur des arbres ou vignes, est souvent considĂ©rĂ© comme une pratique secondaire, mais elle peut aussi ĂȘtre encadrĂ©e ou interdite ;
- le rĂątelage impliquant lâusage dâoutils comme le rĂąteau pour ramasser les restes au sol, pratique souvent prohibĂ©e car elle peut endommager les cultures et dĂ©passer la limite du droit de glaner.
Au fil des siĂšcles, le droit de glaner, qui remonte Ă des principes de justice et de charitĂ© trĂšs anciens, demeure une pratique encadrĂ©e, respectueuse et essentielle pour la solidaritĂ© et la lutte contre le gaspillage alimentaire. La lĂ©gislation moderne, tout en restant fidĂšle Ă lâesprit originel, adapte cette tradition au contexte urbain et contemporain, soulignant que ce geste modeste possĂšde une riche histoire sociale et Ă©cologique, toujours aussi pertinente aujourdâhui.
Illustration: Jean-François Millet, Des glaneuses (eau-forte), aprĂšs 1857. – WikipĂ©dia
